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"Au bonheur d'Elise"
17 décembre 2011

article publié dans le monde.fr le 16 octobre 2011

Des pistes multiples pour des troubles complexes

Etudes génétiques, modèles animaux et cellulaires, techniques modernes d'imagerie cérébrale, suivi de cohortes... De multiples outils sont mis à contribution pour résoudre les mystères de l'autisme. Un défi d'autant plus ardu que les troubles du spectre autistique (TSA) correspondent à un ensemble aussi vaste qu'hétérogène de tableaux cliniques associant des troubles de la communication, des relations sociales et du comportement - avec ou sans retard mental.

L'un des grands points d'interrogation et de débats concerne l'explosion du nombre de cas. Entre 1975 et 2009, la proportion des troubles autistiques dans la population est passée d'un individu sur 5 000 à un sur 110, selon des statistiques parues dans Nature le 3 novembre. Soit, en apparence, une multiplication par cinquante en trente-cinq ans ! Pour certains, cette évolution, constatée dans de nombreux pays, est surtout due à l'élargissement des critères de diagnostic (beaucoup de patients avec un retard mental sont aujourd'hui reconnus autistes et plus seulement "attardés mentaux") et à une plus grande sensibilisation du corps médical et des parents.

Pour d'autres, comme le sociologue américain Peter Bearman, cité par Nature, ces deux paramètres n'expliquent respectivement que 25 % et 15 % de l'augmentation des cas, et l'élévation de l'âge parental, 10 %. Près de 50 % des cas de l'"épidémie" d'autisme seraient donc inexpliqués, ce qui donne lieu à de multiples hypothèses faisant intervenir des facteurs d'environnement combinés à des traits génétiques.

Le caractère familial de l'autisme est connu de longue date : la concordance des troubles est de 60 % à 90 % chez les jumeaux monozygotes, et en présence d'un cas le risque pour la fratrie est multiplié par 20. Mais l'analyse du génome de patients et de leur famille met aujourd'hui en évidence des centaines d'anomalies différentes... que les spécialistes ne savent pas toujours interpréter. "Les facteurs génétiques sont bien plus importants dans l'autisme que dans des maladies comme le diabète ou l'hypertension, estime le docteur Richard Delorme, pédopsychiatre à l'hôpital Robert-Debré, à Paris. Mais c'est un sujet complexe. Deux patients avec des signes cliniques similaires peuvent être très différents sur le plan génétique." Et vice versa.

Plusieurs gènes impliqués

Le démantèlement des facteurs génétiques de l'autisme est loin d'être achevé, confirme le professeur Thomas Bourgeron (université Paris-Diderot, Institut Pasteur), qui, depuis 2003, a contribué à la découverte de plusieurs gènes impliqués dans ces affections, dont ceux codant pour les neuroligines (protéines intervenant dans la formation et le fonctionnement des synapses, les contacts entre les neurones) et les gènes Shank 2 et 3, qui interagissent avec les neuroligines.

Dans ce domaine, les connaissances progressent parallèlement aux progrès technologiques. Les spécialistes ont d'abord identifié les 5 % à 10 % de cas d'autisme associés à des maladies génétiques ou à un remaniement chromosomique (comme le "syndrome de l'X fragile"). "Dans les années 2000, les puces à ADN ont permis de découvrir d'autres anomalies, de type perte ou duplication de gènes, chez 10 % à 15 % des enfants autistes", ajoute Thomas Bourgeron. L'arrivée de méthodes permettant de séquencer le génome (pour moins de 3 000 euros en moins de deux mois) va accélérer les découvertes, selon le généticien. "On devrait arriver à décrire rapidement des anomalies diverses, héritées ou non, dans au moins 35 % des cas", estime-t-il.

Ces travaux ont déjà permis la mise au point de modèles animaux et même cellulaires des troubles autistiques, ouvrant de nouvelles pistes pour tester des médicaments. "La génétique est une voie majeure pour améliorer la compréhension et le diagnostic de l'autisme", synthétise le professeur Marion Leboyer (hôpital Chenevier, Créteil). Mais pour cette psychiatre, directrice de la fondation Fondamental (www.fondation-fondamental.org), qui soutient de nombreux programmes de recherche dans ce domaine, la priorité est d'abord de repérer plus tôt les autistes, et notamment ceux de haut niveau, pour leur proposer une prise en charge personnalisée.

C'est le principal objectif des cinq centres experts dédiés au syndrome d'Asperger récemment ouverts en France. "Dans les centres pour adultes, nous voyons souvent arriver des patients de plus de 50 ans chez qui aucun médecin n'avait jamais évoqué le diagnostic d'autisme de haut niveau", souligne Marion Leboyer. "Les approches centrées sur la génétique sont limitatives et ne permettront ni diagnostic ni traitement de l'autisme, assure le chercheur Yehezkel Ben-Ari (Inserm, Marseille). Cette affection commence in utero, et il n'y a quasiment aucun travail expérimental sur le développement du cerveau foetal, comment il réagit aux maladies maternelles, aux médicaments." Récemment, des chercheurs ont mis en évidence un excès de neurones (+ 67 %) dans la zone préfrontale chez des autistes, ce qui conforte l'hypothèse d'un début prénatal des troubles.

Sandrine Cabut

http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/16/des-pistes-multiples-pour-des-troubles-complexes_1619382_3244.html

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Commentaires
D
Pour reprendre une métaphore anglaise, nous n'avons pas deux parents mais trois: notre géniteur et notre génitrice ne nous transmettent pas tout à fait chacun la moitié des gènes reçus de leurs parents. Ils nous transmettent aussi des mutations génétiques qui ont eu lieu à l'intérieur des ovaires de la mère et des testicules du père. <br /> <br /> Notre troisième parent génétique ce sont donc ces mutations de novo.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est certain que les promesses de la génétique -d'avant les derniers progrès techniques informatiques de la recherche en génétique- ne se réaliseront pas: auparavant les chercheurs pouvaient rêver à un gène ou dix gènes de l'autisme (ou de la schizophrénie etc...) parce qu'ils ne pouvaient trouver que les mutations qu'ils recherchaient. Les progrès techniques font qu'ils découvrent une variété très grandes de mutations sans le vouloir! <br /> <br /> <br /> <br /> NB: je ne suis que psychiatre d'adultes et pas généticienne.
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