article publié sur le blog de Franck Ramus FRblog le 19 avril 2012
Elysée 2012: le diagnostic des psys
Lettre envoyée à la Rédaction du Point le 16 avril 2012, faisant référence au dossier "Elysée 2012: le diagnostic des psys" publié le 5 avril 2012.
Qu'est-ce qui a bien pu pousser le Point à infliger à ses lecteurs 20 pages de psychologie de comptoir sur les candidats à l'élection présidentielle? De détails indécents sur la vie privée des candidats en spéculations oiseuses sur leur enfance, leurs souffrances psychiques, leurs gestes ou leurs partenaires sexuels, les "psys" du Point ne nous épargnent aucun poncif, aucune interprétation alambiquée, aucune théorisation vaseuse.
De deux choses l'une:
- Soit ces "psys" ont réellement rencontré chacun des candidats, ont recueilli leurs confidences, les ont questionnés et testés à l'aide d'outils psychologiques validés, et ont ainsi pu mettre à jour de manière rigoureuse des ressorts profonds de leur personnalité; dans ce cas le résultat de ces analyses est protégé par le secret professionnel, ces "psys" commettent une grave faute déontologique en les confiant à des tierces personnes*, et le Point commet à son tour une faute déontologique en les révélant au public.
- Soit ils n'ont recueilli aucune information privilégiée sur les candidats, se basant juste sur ce qu'ils ont pu en voir à la télévision et en lire dans leur biographie, et spéculant librement sur ces maigres éléments avec pour seule contrainte la fidélité à des concepts théoriques dépassés et à un discours abscons; auquel cas ce dossier n'apporte strictement rien de plus au débat politique que n'importe quelle discussion au comptoir d'un bistrot. Il aurait peut-être été à sa place dans la presse "people" entre le thème astral des candidats et le dernier régime minceur, mais sa publication déshonore un magazine d'information réputé sérieux comme le Point.
Je demande donc à la rédaction du Point de cesser de ridiculiser la psychologie en la présentant comme un exercice verbeux de divertissement, détaché de toute justification scientifique et de toute obligation déontologique. Ceci implique notamment d'arrêter de confondre psychologie et psychanalyse, cette dernière n'étant qu'une approche théorique parmi d'autres, qui en l'occurrence a perdu depuis bien longtemps toute légitimité scientifique et ne mérite pas le crédit dont elle bénéficie encore au sein des médias français.
* Je fais ici référence aux codes de déontologie auxquels adhèrent les psychiatres et les psychologues, qui leur imposent notamment de tenir confidentielles les données personnelles relatives à leurs patients. Les simples psychanalystes, eux, n'ont ni code de déontologie, ni ordre professionnel, ni même diplôme ou formation spécifique. Ce qui peut expliquer pourquoi ils se sentent si libres de dire n'importe quoi sur n'importe qui.
http://franck-ramus.blogspot.fr/2012/04/elysee-2012-le-diagnostic-des-psys.html