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"Au bonheur d'Elise"
19 mai 2013

Le DSM 5 : quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage

article publié dans Médiapart

 

Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage. C'est ce qui arrive au DSM 5, surtout vu depuis la France.

Le DSM 5 reflète l'accumulation de la connaissance en matière de psychiatrie depuis la publication du DSM IV, c'est-à-dire au cours des deux précédentes décennies. Cette accumulation de la connaissance est importante partout dans le monde, sauf, on peut hélas le craindre, en France, où elle est d'une ampleur bien moindre.

Pour qu'il y ait accumulation de la connaissance, un pré-requis est la démarche scientifique, propice à l'émergence de nouvelles théories et explications, qui peuvent être renforcées ou au contraire remises en cause en fonction de découvertes nouvelles. Par contre, une approche dogmatique et pseudo-scientifique comme la psychanalyse se confine dans le rabâchage perpétuel des mêmes ritournelles et est donc condamnée à faire du surplace - la psychanalyse fait du surplace depuis un siècle.

C'est cette absence de progrès, cet aspect figé de la psychiatrie analytique française que met aussi en évidence - en creux - le DSM 5. Et cela déchaîne, on le comprend, la furie des psychanalystes contre ce document fondamental, qu'ils diabolisent en ayant recours à toutes sortes d'arguments fallacieux, faisant notamment un usage immodéré de l'argumentation de type homme de paille (ou épouvantail) consistant à donner une image fausse du document afin de mieux le démolir (voir mes prédécents billets sur ce sujet; voir aussi Le front anti-DSM par Igor Thiriez).  Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage.

Le collectif des rédacteurs du DSM 5 reconnaissent volontiers que leur manuel n'est pas parfait, loin de là, bien qu'il soit le résultat d'un processus de consultation extrêmement large, le plus large peut être jamais entrepris pour l'élaboration d'un document de ce type. Le public et les patients on eu notamment la possibilité de consulter les ébauches intermédiaires, toutes publiées sur le site du DSM 5 dans la plus grande transparence, et de soumettre leurs commentaires. C'est un processus que nous avons de la peine à imaginer en France, tant ce type de consultation ne fait pas partie de notre culture - qui est plus axée sur la notion d'autorité et de pouvoir central et où la connaissance vient d'en haut. Le contraste est d'ailleurs frappant avec la façon dont la 5ème édition de la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (et oui, il existe de troubles mentaux français!) a été concoctée en catimini par un aréopage auto-désigné de psychanalystes dont la moitié sont des retraités (je n'ai rien contre les retraités, j'en suis un). Si c'est ça le modèle que l'on veut opposer au DSM 5, alors notre seule issue est nous dire que le ridicule ne tue pas.

On peut toujours critiquer le DSM 5, il est critiquable et est même programmé pour ça. La version nouvelle est présentée par son collectif de rédacteurs non pas comme un document figé destiné à rester inchangé jusqu'au prochain DSM, dans disons 20 ans, mais comme un document vivant, appelé à être mis à jour de façon continue, pour tenir compte de l'évolution des connaissances et pour en corriger les erreurs révélées par la pratique (même si des efforts considérables ont été fait pour tester dans le terrain les diagnostics et leurs critères avant de produire la version actuelle).

Le processus du DSM 5 a commencé en 1999. Nous avions tous la possibilité de contribuer à son élaboration. Il est certes plus facile de le critiquer maintenant qu'il est sur le point de sortir, d'autant plus facile d'ailleurs lorsque l'on s'est délibérément placé à l'écart dès le début de cette formidable entreprise humaine. Mais ne nous leurrons pas, le plus grand tort du DSM 5, vu d'ici, est de jeter une lumière crue sur le piteux état d'une certaine psychiatrie française.

 

N.B.

Pour avoir une meilleure idée du DSM 5, on peut visionner sur Youtube la conférence donnée par Katherine Philllips en octobre 2010 au Karolinska Institute (Suède). Mme Phillips a présidé le groupe de travail sur les troubles de l'anxiété. C'est une vraie bouffée d'air frais de la voir et de l'entendre. Sa jeunesse, sa vivacité intellectuelle, son ouverture d'esprit et sa façon claire et abordable de s'exprimer sont l'expression d'une nouvelle génération de psychiatres, qui ne devrait pas trop tarder à se manifester aussi en France, tant cette profession, une fois dégagée de sa gangue psychanalytique, est passionnante et porteuse de promesses énormes pour le futur.

(Partie 1/4): http://www.youtube.com/watch?v=hX7oeGDIVh8

(Partie 2/4): http://www.youtube.com/watch?v=NoibGXrCIxk

(Partie 3/4): http://www.youtube.com/watch?v=g9ERPM5jh7I

(Partie 4/4): http://www.youtube.com/watch?v=XBFJRY0ccrg

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