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"Au bonheur d'Elise"
3 janvier 2014

Handicapés mentaux en Belgique : On voit des gens qui sont comme des zombies

article publié dans Le Monde.fr | 03.01.2014 à 12h42 • Mis à jour le 03.01.2014 à 16h44 | Par

Depuis le 4 novembre, Amélie Locquet, 19 ans, passe ses journées à la maison d’accueil spécialisée de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) où elle semble s’être suffisamment adaptée pour participer à certaines activités. Désormais, ses parents osent raconter ce que leur fille a vécu à deux reprises lorsqu’elle a été hébergée dans des institutions belges. Témoignage rare tant les familles craignent de ne pas retrouver de place si elles se plaignent. A l’Unapei, on parle même d’« omerta ».

Lire notre reportage : L’exil forcé de handicapés français en Belgique

« Difficile pour une famille de dire ce qu’elle a vu et pourtant de ne rien faire parce qu’elle n’a pas d’autre solution que la Belgique, parce qu’elle est totalement épuisée par le quotidien vécu avec l’enfant handicapé. Elle ressent une forme de culpabilité », souligne Thierry Nouvel, le directeur général de cette fédération d’associations.

En 2010, Marie-Claire et Jacques Locquet ont en effet bien besoin de souffler lorsqu’ils se voient conseiller par la Maison du handicap du Val-d’Oise un placement en Belgique. L’Institut médico-éducatif qui accueille Amélie depuis ses 7 ans ne peut plus la garder. Trop âgée. Et aucune autre structure environnante n’est disposée à prendre en charge une jeune fille polyhandicapée qui nécessite une surveillance absolument constante et n’est pas propre.

Amélie, qui a alors 15 ans, passe deux semaines à l’Espérandrie, un ancien couvent situé sur la commune de Bonsecours, en Wallonie, à 300 mètres de la frontière française. Cet Institut médico-pédagogique prend en charge, en pension complète, plusieurs centaines d’enfants et jeunes handicapés mentaux français (âgés de 4 à 20 ans). Le système est bien rodé. Des cars viennent chercher les pensionnaires français sur une aire d’autoroute de la région parisienne, et les y ramènent un week-end tous les quinze jours.

« SHOOTÉS AUX MÉDICAMENTS »

« Vous arrivez à l’Espérandrie, vous perdez tout espoir, se souvient Marie-Claire Locquet. C’est sinistre. On voit des gens qui sont comme des zombies, shootés aux médicaments, assis toute la journée, couchés à 18h30. » Pour une première période d’essai, Amélie est installée dans un appartement, constitué d’une salle commune sur laquelle ouvrent toutes les chambres.

« Ce sont des chambres-dortoirs de 4 à 6 lits, poursuit Mme Locquet. Contrairement à ce qui est imposé en France, il n’y a pas de salle de bain individuelle. Les pensionnaires n’ont aucune intimité. » C’est l’été, le personnel est réduit. Amélie ne prend pas correctement son traitement médical. Son comportement se dégrade. « Elle n’a pas pu rester mais on ne l’y aurait pas laissée de toute façon…»

Deuxième tentative belge en 2012, au foyer « Le Partage » d’Estaimpuis, toujours en Wallonie. La mère d’Amélie revoit encore la « vieille bâtisse tout juste rénovée, en pleine ville ». « Les conditions de sécurité nous semblaient bien limites. Les moyens aussi. Il y avait peu d’espace, une petite cour intérieure avec un bout de jardin qui n’était pas fait. Les résidents étaient les uns sur les autres. Vingt-quatre personnes dans une cinquantaine de mètres carrés de salle commune ! En tout, avec le personnel, ils étaient trente-six. »

Lire également notre entretien avec Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées : « Ces expatriations de handicapés français en Belgique sont choquantes »

En face du foyer,  Marie-Claire Locquet remarque un supermarché discount. Et entre les deux, de fréquentes navettes de Caddie remplis de pain de mie. « Les repas n’étaient pas vraiment diététiques. On servait beaucoup de tartines… Il n’y avait quasiment pas d’activités, à part peinture dans la salle commune. Et aucun endroit où s’isoler. »

Le soir même du jour où elle entre dans cet établissement, Amélie fait une crise. Ses parents ne sont pas rentrés chez eux qu’on leur demande de venir la récupérer. « Ils étaient soi-disant spécialistes de sa pathologie, le syndrome de Prader-Willi. Mais ils n’ont pas su gérer sa crise. Contrairement à ce qu’ils affirmaient, ils n’étaient pas formés. » 

Pascale Krémer
Journaliste au Monde

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