En Russie, des discussions autour de l’autisme en tant que problème social ont débuté après la sortie du film documentaire Anton est tout près d’ici, en 2012. Des recherches sont maintenant conduites dans le domaine du diagnostic de la maladie, tandis que des projets sociaux se développent afin d’aider ces personnes.

Une cage pour les innocents

Ce film sur l’autisme est signé Lioubov Arkous, critique de cinéma, rédactrice en chef de la revue Séance. Cette œuvre marque ses débuts en tant que réalisatrice. Au cœur du sujet du film se trouve l’histoire d’un jeune garçon autiste, Anton, dont la mère, Renata meurt du cancer au cours du tournage du film (lequel a duré quatre ans), après quoi le jeune garçon se retrouve seul et doit alors vivre dans des centres sociaux dans lesquels il ne reçoit pas une assistance adaptée.

Ce film montre à travers une histoire la trajectoire de vie de tous les autistes de Russie. Il s’avère que cette dernière consiste à séjourner dans un internat psycho-neurologique dans lequel les pensionnaires sont drogués aux neuroleptiques. « La société isole les autistes, indique la réalisatrice Lioubov Arkous. C'est-à-dire que tant qu’ils vivent en famille, ils vivent en cage. Cette cage est leur appartement, dans lequel eux-mêmes et leurs proches sont otages. Lorsque quelque chose arrive à leurs parents, ils deviennent simplement des prisonniers, des prisonniers encore bien davantage privés de leurs droits que les détenus des prisons ayant commis des infractions pénales ».

Selon la rédactrice en chef de la société unifiée Afisha et Rambler, Yulia Saprykina, Lioubov Arkous a montré dans ce film « une personne littéralement vivante tant qu’elle est aimée, et qui cesse littéralement d’exister lorsque il s’avère que personne n’a besoin d’elle, pour elle, l’enfer est alors bien plus réel que le métro, et ce n’est pas une quelconque intervention divine abstraite qui peut la maintenir du côté de la vie, mais de l’amour ordinaire, humain ».

Cette histoire tragique n’a pas seulement ému les spectateurs mais a largement touché un public bien plus vaste. Après la sortie de ce film, de nombreuses personnes ont ainsi appris l’existence du diagnostic « d’autisme ». Le mot lui-même est devenu familier : les jeunes se sont mis à l’utiliser souvent eux-mêmes : « je ne veux ni voir ni parler avec qui que se soit : je suis tombé dans l’autisme » et dans la société, les autistes sont devenus synonymes de fermés et muets. Des projets sociaux d’assistance aux autistes ont alors commencé à faire leur apparition.      

A la recherche d’un mécanisme social

La réalisatrice Avdotia Smirnova a décidé de créer la fondation Vykhod (sortie). Cette dernière raconte qu’elle a commencé à travailler sur ce projet parce qu’elle a réalisé qu’il n’y avait à l’heure actuelle strictement rien pour ces personnes. Le concept de la fondation Vykhod repose sur l’idée de la création d’un système intégré de travail avec les autistes dans le pays, sur la mise en place un mécanisme social qui pourra fonctionner pour chaque personne ayant besoin d’aide. « En Russie, il n’y a vraiment rien pour les autistes : ni diagnostics, ni médecins, enseignants ou travailleurs sociaux, ni législation. Ces enfants sont exclus des aires de jeux, ils ne vont pas en crèche et à l’école, tandis qu’on explique aux parents qu’il vaut mieux faire un autre enfant », raconte Avdotia Smirnova. Selon cette dernière, « jusqu’en 2011 le diagnostic d’autisme n’était pas officiellement reconnu en Russie, c’est pourquoi la première mission de la fondation Vykhod  consistait à informer de manière appropriée la société à propos de cette maladie »

En ce qui concerne le nombre d’autistes en Russie, il n’existe à ce jour aucunes statistiques officielles. Mais il existe des enquêtes sociologiques indiquant que jusqu’à 80% des familles élevant des enfants atteints d’autisme en Russie sont des familles à bas revenus. La raison en est que la famille dans laquelle un enfant autiste voit le jour est généralement désunie. Le coût élevé de la réhabilitation d’un enfant souffrant d’autisme (environ de 1000 à 2500 dollars par mois), conjugué à l’émergence de la dépression causée par l’inutilité apparente des traitements constituent fréquemment des motifs de séparation. Par ailleurs, les autistes nécessitent des soins constants, c’est pourquoi l’un des parents doit souvent quitter son travail afin de s’occuper de l’enfant.

La fondation Smirnova a immédiatement lancé plusieurs projets sociaux destinés à résoudre les problèmes concrets des autistes.

Le projet « Maison heureuse » vise à résoudre la question du logement. Son objectif est de créer un espace dans lequel les autistes âgés de plus de 18 ans peuvent vivre, travailler et communiquer avec succès.

Le problème suivant que la fondation tâche de résoudre est celui de l’insertion des enfants autistes dans le système éducatif. L’objectif de ces projets est le développement des facultés sociales et de communication, afin de faire en sorte que les enfants soient en mesure d’être scolarisés dans des crèches ordinaires, puis dans l’enseignement général.  L’unique classe expérimentale de Russie de préparation à l’école destinée aux enfants autistes fait partie intégrante de ce projet.

La fondation Vykhod conduit par ailleurs actuellement une enquête à laquelle participe 200 enfants autistes afin de développer un mécanisme de diagnostic de la maladie sur la base des données récoltées. Si la maladie est diagnostiquée de manière précoce et avec l’aide d’une thérapie, un enfant atteint d’autisme peut avoir vers l’âge de 7 ans pratiquement effacé l’ensemble des différences avec le reste de ses camarades.

Avdotia Smirnova est convaincu que l’on parviendra à se décider à mettre en place un système d’assistance aux autistes en Russie, mais pas avant quelques décennies.

 

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