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"Au bonheur d'Elise"
28 février 2015

Colloque Affinity Therapy : ma contribution au communiqué d'Alliance Autiste

article publié dans l'Express

Voici ma contribution, avec le concours de Laetitia SAUVAGE, au communiqué de l’ONG Alliance Autiste dont nous sommes membres.

 

Aux pouvoirs publics (Etat, sécurité sociale, Agences régionales de santé, conseil régional..) qui contribuent au financement des institutions spécialisées, et hôpitaux psychiatriques de jour, des universités et de la formation continue des professionnels de santé.

Nous constatons la tenue d’un colloque sur l’autisme, intitulé Affinity Therapy, les 5-6 mars à Rennes.

Il est mis en avant par le terme  « Autisme, une révolution en marche aux USA ! »

Le contenu sera la présentation d’une thérapie supposément révolutionnaire, inventée  et promue par un journaliste américain, père d’un enfant autiste. Cette méthode s’appuie sur les intérêts spécifiques des enfants.

Les partenaires de ce colloque sont la Région Bretagne, la Métropole de Rennes, le Conseil Général d’Ile et Vilaine, l’Université de Rennes et l’Université européenne de Bretagne.

La présentation de ce colloque nous laisse perplexes

  • Sur les compétences professionnelles du comité d’organisation

Nous constatons que les professionnels psychanalystes sont hautement intéressés par cette « nouvelle » méthode.

De fait, les organisateurs du colloque sont pour la plupart des psychanalystes, proches des cercles freudiens et lacaniens, et occupant des fonctions haut placées dans les universités.

Pourtant ils n’ont pratiquement jamais rien publié sur le plan international. Il n’y a aucune preuve scientifique qui atteste de l’efficacité des approches qu’ils prônent, à savoir l’approche psychanalytique / psychodynamique de l’autisme[1].

Nous constatons qu’aucun spécialiste français reconnu pour ses recherches internationales sur l’autisme n’a été invité.

De même, aucune association de parents représentative n’a été invitée.

Nous constatons que le « Groupe Recherche Autisme » dont sont membres presque tous les membres du comité d’organisation n’est pas du tout référencé sur google : 0 occurrence.

De plus il est mentionné dans la présentation[2] que  « Le groupe de recherche travaille donc depuis plusieurs années à repérer sur le terrain ce qui oriente les cliniciens dans leurs démarches diagnostiques, puis d’agréger [sic] et développer les expériences institutionnelles menées à partir de la psychanalyse en France. Les différentes études confirmant qu’il s’agit là de l’un des axes majeur de l’accueil des enfants et adultes autistes en France, il semble important de mettre en lumière leurs résultats afin de mettre en évidence les apports de cet accueil. »

Nous sommes curieux de connaitre ces fameuses études, si elles existent.

Il est également très étrange qu’un groupe de recherche qui travaille depuis plusieurs années sur le terrain n’ait aucune occurrence sur google

  • Sur le caractère « révolutionnaire » de cette méthode

Le terme de « révolution » laisse attendre une méthode résolument novatrice et prometteuse

Or, cette méthode est un mélange entre 3 thérapies (comportementale, cognitive et psychodynamique), pratique somme toute courante chez les praticiens formés à l’autisme. Rien de révolutionnaire là-dedans. Nous ne voyons pas non plus ce qu’il y a de révolutionnaire dans le fait de centrer une méthode sur les intérêts de l’enfant : en effet, l’éducation de tout enfant n’est-elle pas basée sur ses intérêts ? De plus, les interventions comportementalistes sont centrées entièrement sur les intérêts de l’enfant, considérant que la motivation est le moteur de tout apprentissage. Il n’y a absolument rien de nouveau dans cette considération.

Il est pour le moins surprenant de découvrir dans la présentation du colloque les termes « révolution », « approche et pratique contemporaine », « à la pointe des dernières recherches internationales », associés à des professionnels qui pratiquent l’approche psychanalytique de l’autisme : en effet, ainsi que l’on a pu le constater dans le film Le mur ; la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme[3]ces professionnels associent encore l’autisme à une psychose provoquée par une mauvaise relation maternelle, et pour eux le traitement consiste à les observer sans interagir. Ils n’ont pas fait évoluer leur pratique depuis les années 1970 : citons en exemple le président du colloque dans le film Le mur ; la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme Éric Laurent :

« Le dialogue avec les neurosciences, ce n’est pas seulement nous informer des résultats et de faire valoir que ça ne change pas ce qui est notre pratique fondamentale, l’orientation de notre pratique, c’est essayer de pouvoir faire vivre l’humanité sans avoir de trop grands espoirs dans les différentes bonnes nouvelles qui sont publiées tous les jours(…) »

Parmi les invités d’honneur il y a deux psychanalystes qui témoignent dans ce film, et JR Rabanel, un psychiatre psychanalyste que je vous invite à écouter[4] lors d’une formation dispensée sur l’autisme.

Notre sentiment est que, plutôt que d’être à la pointe de la recherche internationale, ces professionnels organisateurs sont à la pointe pour s’infiltrer dans chaque nouvelle stratégie qui leur permettrait de leur redorer le blason, un peu écorché par le film Le mur ; la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme  et par les recommandations de bonnes pratiques publiées par la HAS…

  • Sur l’esprit d’ouverture des psychanalystes membres du comité d’organisation

Nous reconnaissons à ces professionnels une parfaite habileté pour se montrer apparemment ouverts à toutes approches, écoutant soi-disant les autistes[5], tout en  se révélant exactement le contraire lorsqu’on examine leurs pratiques concrètes…

Citons l’invité d’honneur Alexandre Stevens, également dans le même film :

« Dans le monde francophone, l’envahissement des techniques cognitivo comportementales est un envahissement nouveau, récent mais très présent actuellement, la psychanalyse se bat contre cet envahissement. »

Capture d’écran (69)

Exemple de double discours

  • Sur les écrits de personnes autistes repris pour promouvoir la méthode

Par ailleurs, nous refusons que les écrits des « autistes de haut niveau », cités en p. 4 du dossier de présentation, soient récupérés pour cautionner ce type de pratique.  On pourrait de fait en citer bien d’autres, parmi lesquels Daniel Tammet, Temple Grandin, Liane Holiday Willey, ou pour n’en mentionner  qu’un parmi les français, Josef Schovanec, dont les témoignages vont résolument à l’encontre de la psychanalyse, dont ils sont plutôt des victimes !

Certains ont eu la chance d’être écoutés par des professionnels désireux de faire évoluer leur pratique (on pense par exemple  à la collaboration entre le Pr Mottron et Michelle Dawson[6]). C’est ce genre de témoignage, concret et constructif, que l’on souhaiterait voir relayer dans un colloque qui se présente à la pointe du progrès.

  • Sur les dépenses publiques allouées pour les pratiques psychanalytiques en institutions / hôpitaux de jour psychiatrique

Il est très déplorable que les pouvoirs publics soient dupes en s’associant à de tels « recyclages », alors que la situation des personnes autistes en France est juste dramatique.

Il est désastreux que les moyens publics soient aujourd’hui attribués à ces professionnels sans aucun contrôle de l’Etat, avec des budgets renouvelés chaque année sans aucune contrepartie et avec une opacité totale sur le financement de ces milliards d’euros[7], dépensés par la sécurité sociale.

Concrètement, la prise en charge dans ces institutions et hôpitaux psychiatriques de jour ne répond pas à la recommandation de la Haute autorité de santé (HAS), s’agissant d’autisme[8].

Il est véritablement scandaleux que l’argent public soit gâché de la sorte, alors que parallèlement des parents s’épuisent à créer et gérer des centres éducatifs dans lesquels leurs enfants progressent mais sans aucun financement public.

En conséquence, nous exigeons que les pouvoirs publics cessent immédiatement de gaspiller l’argent dans de telles pratiques et redéploient les moyens financiers vers les pratiques qui répondent aux recommandations de la HAS, qui est une autorité publique.

Nous demandons que cesse ce véritable scandale qui conduit depuis des dizaines d’années à un gâchis humain provoqué par ce qui constitue une totale perte de chance pour nous.

[1] La recommandation HAS mentionne que « l’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur l’approche psychanalytique ».

[2] Dossier de presse page 2

[3] Ce documentaire expose le point de vue psychanalytique sur l’autisme, par la bouche de dix psychanalystes et d’un pédiatre proche des cercles lacaniens. Pour la première fois, ces professionnels expriment leurs théories dans un langage accessible aux profanes. Devant la caméra de Sophie Robert, ils exposent longuement leurs convictions intimes sur les causes de l’autisme : une psychose (folie) induite par une mauvaise relation maternelle, et les perspectives offertes par la prise en charge psychanalytique de ce trouble : le nihilisme thérapeutique, avec pour conséquence l’enfermement à vie en établissement psychiatrique.

[4] Extrait d’une conférence de Jean-Robert Rabanel – De quoi parlons-nous quand nous disons « autisme » ? à l’Institut du Travail Social de la Région Auvergne, le 11 avril 2013

[5] Des écrits de personnes autistes ont été psychanalysés et publiés dans un livre, « Ecoutez les autistes » par JC Maleval, psychanalyste et membre du comité d’organisation

[6]A. Pélouas, « Autisme, changer le regard », Le monde, 16/12/2011, URL :  http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/16/autisme-changer-le-regard_1619381_3244.html

[7] Le président du groupe parlementaire autisme a fait en 2012 une projection budgétaire permettant d’estimer à près de 13 milliards d’euros les économies totales potentiellement réalisables sur la durée de vie totale des 8000 enfants autistes naissant chaque année en cas de remboursement de 25h hebdomadaires d’accompagnement adapté pendant 16 ans (de 2 à 18 ans)

[8] La recommandation mentionne que « l’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur l’approche psychanalytique et  la psychothérapie institutionnelle »

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