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"Au bonheur d'Elise"
17 mars 2017

Une déconvertie du freudisme et du kleinisme : Mellitta Schmideberg

13 mars 2017
Par Jacques Van Rillaer

Blog : Le blog de Jacques Van Rillaer

M. Schmideberg, fille de Mélanie Klein, est devenue psychiatre-psychanalyste. A partir de 1933, elle a formulé de plus en plus de critiques essentielles à la théorie et à la pratique du freudisme. Elle a fini par quitter le Mouvement freudien et a développé une psychothérapie qui annonce les thérapies cognitivo-comportementales.

Biographie

Melitta Schmideberg (1904-1983) est née en Slovaquie et a passé son enfance à Budapest. Elle est la fille de Mélanie Klein, qui lui a fait subir une psychanalyse au cours de son enfance [1]. À 15 ans, elle assiste aux réunions de la Société hongroise de Psychanalyse. Elle fait ses études de médecine à Berlin et devient psychiatre. En 1925, elle se marie avec Walter Schmideberg, célèbre psychanalyste autrichien, ami de Freud. Elle fait une psychanalyse didactique à Berlin avec Karen Horney [2], puis à Londres avec Edward Glover. En 1933, elle est membre titulaire de la Société britannique de psychanalyse, puis devient analyste didacticienne. Au début des années 1940, elle prend parti contre sa mère dans le conflit qui oppose celle-ci à Anna Freud. Elle estime, comme Glover, que sa mère met en danger l’essentiel de la psychanalyse. Elle ne se réconciliera jamais avec elle. En 1945, elle émigre aux États-Unis et s’occupe surtout du traitement de délinquants juvéniles. Elle fonde l’International Journal of Offender Therapy et développe une conception de la psychothérapie dont les principes annoncent ceux des thérapies comportementales et cognitives [3].

Schmideberg commence très tôt à critiquer la psychanalyse. La conférence qu’elle a donnée en 1937 à la Société britannique de Psychanalyse évoque les limites de l’efficacité de la psychanalyse, l’absence d’évaluation convenable des résultats, le désintérêt des freudiens pour l’efficacité des traitements, les manipulations de patients par des analystes, l’effet néfaste des longues cures. Par la suite, ses critiques deviennent encore plus sévères : elle évoque le conditionnement subi par les patients, les effets de détérioration de cures freudiennes et le manque de scientificité des théories psychanalytiques. Dans un article de 1970, elle écrit: “Plusieurs analystes de premier plan ont ouvertement critiqué la psychanalyse, mais ils n’ont jamais tiré toutes les conclusions de ces observations, probablement parce qu’ils n’avaient rien à mettre à la place de la psychanalyse. Pour ma part, je me trouve dans une situation inhabituelle. Étant la fille d’une psychanalyste (Mélanie Klein), j’ai été élevée avec la psychanalyse. Pendant longtemps, j’ai considéré toute critique comme un préjugé réactionnaire. Mon mari était un ami personnel de Freud et de sa famille, et j’ai été amenée à connaître personnellement tous les grands analystes d’Europe et des États-Unis. J’ai publié de nombreux articles dans des revues de psychanalyse et j’ai été analyste-didacticienne de la Société britannique de Psychanalyse jusqu’au moment de mon départ pour les États-Unis. Je suis cependant devenue de plus en plus critique envers la théorie et la pratique psychanalytiques, et en particulier envers les Sociétés de psychanalyse, où la libre discussion s’avère impossible. Depuis plusieurs années, j’ai donné ma démission de membre de l’Association Psychanalytique Internationale” (p. 195).

Nous citons ici des extraits de trois de ses articles :

1938: After Analysis. The Psychoanalytic Quartely, 7: 122-142. Trad., Après l’analyse. Revue française de psychanalyse, 2012/3, 76: 797-814. — 1970: Psychotherapy with Failures of Psychoanalysis. Britisch Journal of Psychiatry, 116: 195-200. — 1975: Some basic principles of offender therapy: II. International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, 19: 22-32.

1. L’efficacité limitée de la psychanalyse

Il vaudrait mieux ne pas trop attendre du patient en matière de développement intellectuel ou social, dans quelque direction que ce soit. Rien ne laisse supposer qu'un patient qui écrit de la poésie de second plan améliorera nettement sa production du fait de l'analyse. Il en résultera plus vraisemblablement qu'il se résignera à accepter ses limites mais continuera d'avoir du plaisir à composer des poèmes de moindre qualité, ou bien arrêtera complètement d'écrire. Au lieu d'écrire de la poésie mineure, un patient peut commencer à aimer cuisiner ou tricoter : un changement très favorable du point de vue de son bonheur personnel, que l'on ne devrait pas regretter d'un point de vue culturel. Même en ce qui concerne le développement humain de la personne, nous ne devrions pas nous montrer trop exigeants. Certains analystes semblent considérer comme évident que les meilleurs parents sont ceux qui ont été analysés. Ce n'est absolument pas le cas. Tout ce que nous pouvons légitimement attendre, c'est qu'une personne dont l'analyse est réussie développe une meilleure relation à son enfant qu'avant le traitement. Mais cette attitude, bien qu'améliorée, n'est pas nécessairement meilleure ; en fait, elle se révèle souvent moins bonne que celle d'un parent vraiment bon » (1938, trad., p. 811).

M. Schmideberg déplore que les patients surévaluent naïvement le pouvoir de la psychanalyse: Dans cette surévaluation de l'analyse, le patient répète souvent son attitude envers la religion : il fait les mêmes efforts désespérés pour y croire et montre les mêmes excès dans ce qu'il en attend. […] Il est prêt à croire que seule une analyse complète peut le sauver du martyre de la souffrance mentale et lui apporter le bonheur éternel, tout comme le vrai croyant sera sauvé de l'enfer et connaîtra la félicité éternelle dans une vie après la mort. Il faut croire sans réserve — “être exempt de résistances”. De telles idées sur l'analyse sont souvent accompagnées d'une attitude religieuse moralisatrice et de la plus grande intolérance envers la moindre déviation de ce que le patient voit comme la doctrine analytique acceptée, ou envers tout doute possible ou éventuelle critique à l'égard de celle-ci. Il révèle une surestimation des termes et rituels analytiques “exacts”, comparables à ceux de la liturgie de l'Église. […] Il entreprend de convertir les autres, parfois les personnes les plus inappropriées dans des circonstances absurdes, comme les évangélistes partaient prêcher la Bible” (id., p. 802).

2. L’absence d’évaluations convenables des traitements

Il semblerait que l'on estime parfois qu'il n'est pas digne de l'analyste de s'intéresser à des questions de réussite, que cela ne se fait pas de revendiquer des bons résultats, ou bien, de nouveau, que se montrer sceptique revient à avouer un échec. Les statistiques telles que celles publiées par les cliniques analytiques ne valent pas grand-chose, car elles n'expliquent pas ce que l'on entend par “guéri” et ne donnent pas non plus de détails sur les cas. La plupart des récits de cas publiés traitent de patients toujours en traitement ou qui viennent de le terminer. Il serait précieux d'observer le développement des réactions des patients pendant plusieurs années après la fin du traitement et d'établir si ceux décrits comme “guéris” présentaient des réactions névrotiques et, dans ce cas, quelles en étaient la nature et l'intensité, comment ils ont réagi à des difficultés et frustrations particulières, comment ils ont fait face à des situations de stress émotionnel, combien d'entre eux pouvait-on considérer comme durablement “guéris” ou dans un état “amélioré”, en définissant non seulement ces termes en détail, mais aussi quels étaient les facteurs décisifs pour un pronostic favorable” (id., p. 806).

N.B.: La situation n’a guère changé 60 ans plus tard. En 1999, É. Roudinesco, la psychanalyste alors la plus médiatisée de France, déclare que « l'évaluation dite expérimentale des résultats thérapeutiques n'a guère de valeur en psychanalyse : elle réduit toujours l'âme à une chose » [4]. En 2004, le Ministre de la santé, Douste-Blazy, à la demande d’analystes lacaniens, a fait retirer du site de l’INSERM le premier rapport français sur l’efficacité des psychothérapies [5]. Ce rapport avait conclu à une meilleure efficacité des thérapies comportementales et cognitives par comparaison avec les cures analytiques.

3. Le mépris des analystes pour les traitements “symptomatiques”

On peut comparer, me semble-t-il, les modifications que l'analyse produit dans l'inconscient profond (le ça) à l'effet que cela aurait sur le niveau de la mer d'en enlever quelques cuillerées. Aussi longtemps qu'il n'existe aucune preuve que l'analyse induit des changements radicaux dans l'inconscient en tant que distinct du préconscient, ce sont les résultats pratiques de nos efforts thérapeutiques qui doivent nous guider : ce qui a changé dans l'attitude et le comportement du patient — car c'est en fait avec ces objectifs en vue qu'il vient engager un traitement” (id., p. 810).

La tâche de l'analyste, comme de tout médecin, consiste à atténuer la souffrance humaine. Par conséquent, rien ne saurait justifier de regarder avec mépris un traitement qui soulagerait “seulement” des symptômes. Toute forme de thérapie, analytique ou non analytique, qui soulage la souffrance est précieuse” (id., p. 814).

 4. Le conditionnement et la manipulation des analysés

Il est, me semble-t-il, essentiel en thérapie de savoir déterminer le bon moment pour arrêter. Il faut peser les avantages de poursuivre le traitement au regard des désavantages que cela peut comporter et prendre également en compte les effets psychologiques de sacrifices trop grands et d'autres inconvénients. Si le patient a le sentiment, peut-être à juste titre, que l'analyste attend de lui qu'il considère l'analyse comme le plus important dans sa vie, qu'il soit prêt à sacrifier chaque sou à cela ou se refuse des plaisirs aussi simples que d'aller au cinéma ou acheter de nouveaux vêtements, il sera alors difficile d'analyser son inhibition du plaisir et de corriger les effets de l'attitude de ses parents attendant de lui qu'il sacrifie tout pour eux et essayant de le rendre “désintéressé” et modeste. Il faut également considérer les effets défavorables de la pression directe ou indirecte exercée sur le patient pour qu'il continue ; par exemple, en l'amenant à se sentir coupable d'aspirer à être indépendant de l'analyste, ou en faisant grandir ses préoccupations hypocondriaques eu égard à cet état d'esprit. J'ai entendu parler d'analystes qui, pour que le patient continue le traitement, lui faisaient réellement peur en l'avertissant des conséquences graves qu'une interruption entraînerait: son état pourrait s'aggraver, il pourrait devenir fou, se suicider — l'analyste faisant parfois de plus appel à une pression extérieure directe ou indirecte [6]. Je pense que l'on ne saurait trop insister sur les effets néfastes d'une telle façon de procéder. Il fut un temps où les analystes soulignaient le fait que le patient s'accroche à l'analyse comme défense contre la vie et comme continuation de ses fixations infantiles. Bien que leur méthode pour contrecarrer cette tendance, consistant à fixer des limites dans le temps, fût assez rudimentaire et se révélât souvent insatisfaisante, l'idée qui la sous-tendait était bonne” (p. 807).

N.B.: Sur le conditionnement des patients en psychanalyse, voir le site www.pseudo-sciences.org

Lien direct : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article373

5. Les effets néfastes de certaines cures

«Pour certains patients, faire une analyse, c'est s'évader de la vie, retourner à l'enfance. Ce type de patient ne vit presque littéralement qu'à travers et pour l'analyse. Il se sentirait coupable s'il devait faire face à une difficulté ou surmonter une crise émotionnelle sans que celle-ci soit d'abord analysée. Il préfère l'analyse aux méthodes ordinaires et quotidiennes tout comme, à partir de la culpabilité envers son désir d'indépendance, il avait dû préférer ses parents aux autres personnes ou aux autres enfants. Il voudrait que l'analyse le protège contre la réalité comme ses parents le préservaient de la vie ; il veut rester un bébé et remet à plus tard toute démarche ou décision désagréable, jusqu'à ce que la situation “ait été complètement analysée” et dans l'attente que, dans la vie après l'analyse, travailler ne sera plus un effort, qu'il ne sera plus nécessaire de renoncer à quoi que ce soit et qu'aucune décision ne sera plus jamais douloureuse» (p. 801).

«Le principal danger des analyses longues (six, huit, voire dix ans d'analyse ne semblent plus inhabituels) consiste en cela qu'elles coupent le patient de la réalité. Il existe même le danger que l'analyste perde lui-même contact avec la vraie vie s'il a les mêmes patients (en général, relativement peu) pendant des années. L'analyste et le patient ont tous deux tant misé sur le traitement qu'ils seront plus réticents à reconnaître un échec et, de ce fait, plus partiaux dans leur évaluation des résultats de l'analyse» (p. 808).

«Il m’a fallu plusieurs années pour comprendre que beaucoup de patients qui m’étaient envoyés par leur analyste étaient en fait des échecs de la psychanalyse, et que le traitement antérieur les rendaient plus difficiles à traiter. Ainsi, bien que je me considère encore comme une analyste — sans doute tant soit peu dissidente — j’en suis venue, depuis longtemps déjà, à ne plus pratiquer la psychanalyse» (1970, p. 195).

«On dit au patient que, pour aller réellement mieux, il doit d'abord aller plus mal, passer par une “névrose de transfert”, c'est-à-dire une détérioration temporaire. Cette situation est la conséquence, pour une part, d’interprétations pénibles et, pour une autre, de suggestions négatives. Macalpine a souligné que le patient ne peut s'ajuster à l’anormalité de la situation analytique que par une anormalisation, c’est-à-dire le développement d'une “névrose de transfert” ; la seule autre possibilité qui lui reste étant de “résister” et d'abandonner le traitement [7]. La détérioration n'est toutefois pas toujours une phase passagère, comme le souhaite l'analyste ; souvent elle se perpétue d'elle-même en exerçant une influence néfaste sur la confiance et l'estime que le patient se porte à lui-même, sur l’environnement et sur la situation réelle. Elle apparaît donc comme un véritable conditionnement (sheer conditioning)» (id.).

«Le fait que la psychanalyse encourage souvent la “fuite devant la vie” (flight from life), qu'elle concentre l'attention sur les motifs plutôt que sur les conséquences, qu'elle attache plus d'intérêt aux fantaisies irrationnelles qu'au développement d'un meilleur jugement, tout cela peut aboutir à de graves résultats» (1970, p. 196).

N.B.: Pour un article sur l’« effet de détérioration » de psychothérapies, voir le site www.pseudo-sciences.org - Dans “Rechercher”, taper: “détérioration”. Lien direct:http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2574

6. Le manque de scientificité, le dogmatisme et le mysticisme

"La psychothérapie moderne a débuté avec la psychanalyse, qui se fonde sur le traitement d’un groupe très particulier de patients placés dans des conditions plutôt artificielles. On n’a jamais effectué une évaluation sérieuse des résultats thérapeutiques, mais il est probable que les espoirs du début n’ont pas été réalisés. D’autre part, il n’est guère possible de faire une évaluation de ses découvertes scientifiques. On est en présence d’une abondance d’assertions confuses, parfois même contradictoires, et cela pourrait bien prendre une génération avant que ces énoncés soient démêlées et correctement évaluées. La psychanalyse a stimulé l’intérêt pour le psychisme et la thérapie, mais elle a freiné le progrès et l’observation clinique par son dogmatisme et son mysticisme" (1975, p. 22).

—————————

[1] Klein a publié des éléments de cette cure, avec le pseudonyme Lisa, notamment dans “Le rôle de l’école dans le développement libidinal de l’enfant” (1923) In: Essais de psychanalyse (1921-1945). Trad., Payot, 1976, p. 90-109. On y lit p.ex. que Lisa ne comprenait pas l’idée d’addition. «Son inhibition à l’égard des mathématiques, née son complexe de castration, concernait la différence entre les organes génitaux masculins et féminins. Il apparut que l’idée d’“addition” s’expliquait pour elle par le coït de ses parents» (sic, p. 99).

[2] K. Horney est une psychanalyste formée à Berlin dans les années 1920, qui a rapidement critiqué le freudisme orthodoxe, notamment l’affirmation que « l’envie du pénis » détermine le destin de toutes les femmes. Émigrée aux Etats-Unis, elle y est devenue une des principales analystes «culturalistes». Son premier livre, publié en 1939, a été traduit en français en 1976: Voies nouvelles en psychanalyse. Une critique de la théorie freudienne. Payot, 252 p.

[3] Schmideberg, M. (1960) Principles of psychotherapy. Comprehensive Psychiatry, 1: 186-193.

[4] Pourquoi la psychanalyse? Fayard, p. 39.

[5] www.pseudo-sciences.org - Dans « Rechercher », taper « Douste » - Lien direct : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article372

[6] Freud écrit à ce sujet: «je permets à chacun d'interrompre la cure quand il lui plaît, sans lui cacher pourtant qu'une rupture après un travail de courte durée ne sera suivie d'aucun résultat et qu'elle peut facilement, telle une opération inachevée, le mettre dans un état insatisfaisant» (Sur l’engagement du traitement (1913) Œuvres complètes, PUF, XII, p. 170).

Le sociologue Nathan Stern a fait une étude des diverses stratégies utilitées par les analystes pour apparaître comme les seuls détenteurs du droit d’interrompre l’analyse. Cf. La fiction psychanalytique. Etude psychosociologique des conditions objectives de la cure. Mardaga, 1999, Chap. “La cure interminable”, p. 153-167.

[7] Macalpine, Ida (1950) The development of the transference. Psychoanalytic Quarterly, 19 : 501-539.

Pour d’autres déconvertis du freudisme et du lacanisme, voir le film de Sophie Robert :

https://www.dailymotion.com/video/x37mnmz_les-deconvertis-de-la-psychanalyse_school

Deux sites pour d’autres publications de J. Van Rillaer sur la psychologie, la psychopathologie, l'épistémologie, les psychothérapies, les psychanalyses, etc.

1) Site de l'Association Française pour l'Information Scientifique:

www.pseudo-sciences.org

2) Site de l'université de Louvain-la-Neuve

1° Taper dans Google : Moodle + Rillaer + EDPH

2° Cliquer sur : EDPH – Apprentissage et modification du comportement

3° Cliquer “Oui” à la page suivante : Règlement

 

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