Sallaumines : Pierre et sa famille vivent avec l'autisme un quotidien semé d'embûches
article publié dans La Voix du Nord
Publié le 04/07/2015
Pierre, 18 ans, souffre du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme spécifique diagnostiquée une première fois dès l’âge de 3 ans. Depuis quinze ans toute la famille se bat au quotidien pour faire face. Un parcours semé d’embûches qui ne laisse place à aucun répit. Témoignages.
La signature de la charte « autisme » (voir ci-dessous) les a décidés à nous appeler. Danièle et Jean-Pierre Barczyk n’ont rien contre le principe – au contraire – mais ils avaient surtout envie d’évoquer la réalité qui prévaut jusqu’ici, celle précisément qui pousse les professionnels à essayer de faire mieux. Leur maison du centre-ville de Sallaumines constitue un havre de paix familial, un refuge indispensable. Pierre (57 ans) et Danièle (54 ans) expliquent pourquoi : « Du jour où Pierre a été diagnostiqué autiste, nous nous sommes retrouvés seuls. Plus d’amis, une famille déchirée. Notre monde s’est rapidement rétréci à un petit cercle : nous les parents, nos deux filles plus âgées, Pierre bien sûr et les parents de Danièle. » Au fil des années, seuls les soignants et quelques autres ont élargi le groupe, pas davantage. Les Barczyk ont appris en marchant. Ils sont devenus des spécialistes du montage de dossiers. Pour faire accepter leur enfant en classe, à l’école, au collège, au lycée, rien n’a été simple et les sacrifices énormes. Aujourd’hui, à un an de la retraite, Jean-Pierre Barczyk sait qu’il gagnera du temps pour sa famille. Un luxe ! Danièle, ancienne préparatrice en pharmacie à Lens, a dû quitter son emploi après avoir essayé le mi-temps, longtemps. Ensemble, ils ont dû s’adapter en permanence. « À chaque fois on se demandait, mais comment faire ? » Aucun parcours n’est proposé aux familles qui accompagnent leur enfant autiste, c’est le système D qui prévaut. Souvent, les couples explosent en vol. Trop de contraintes, d’échecs répétés. Les Barczyck, eux, ont tenu, même quand Pierre a pu intégrer un lycée spécialisé pour jeunes autistes… à Dunkerque. « Comment rester avec lui là-bas ? C’est loin de Sallaumines. Nous avons chamboulé notre vie. Danièle partait quatre jours sur place, revenait avec Pierre le jeudi soir et travaillait les deux derniers jours de la semaine » explique Jean-Pierre, conscient du sacrifice consenti.
Le rendre autonome, voilà l’objectif
Des exemples de la sorte jalonnent leur vie. Danièle sent aussi que ses aînées (22 et 27 ans) ont elles aussi souffert de la situation puisque l’attention était concentrée sur le frangin : « On aurait tant aimé faire plus pour elles. » Danièle et Jean-Pierre ont appris aussi à canaliser leur rage face à l’incompréhension. La difficulté d’organiser un parcours scolaire fut un des Everest à surmonter. Aujourd’hui, ils se concentrent sur l’avenir : « Notre objectif est de rendre Pierre le plus autonome possible. Un jour, nous ne serons plus là il faut donc atteindre cet objectif. »
Adulte, le jeune homme sort des parcours balisés. Aussi imparfaits qu’ils aient été, ils fixaient un cap, concentraient quelques moyens. Chaque jour, il faut tout inventer. Les Barczyk sont fatigués mais ils font face. Ils sont prêts à donner leur avis sur tout ce qui pourrait améliorer les prises en charge des autistes tout au long de leur vie. Ils sont devenus référents sur le sujet et ce serait bien de les entendre et de les écouter .
Pierre a pu effectuer un stage à mi-temps durant plusieurs semaines du mois de juin au Furet du Nord à Lens. En dehors de quelques expériences déjà enrichissantes dans les médiathèques, ce saut dans l’inconnu, dans une entreprise directement au contact de clients, était une grande première pour le Sallauminois. Une première aussi pour Jocelyn Billet, le directeur du site lensois : « Pierre a été intégré tout particulièrement dans le rayon des BD, ses connaissances dans le domaine sont très bonnes. Il s’y trouvait en confiance. Parallèlement, il a suffi de bien cadrer son travail et cela s’est très bien passé. » Pierre Barczyk a également été sollicité sur les logistiques de rangement, pas toujours évidentes à l’échelle d’un Furet et là aussi, tout s’est bien passé : « Il a une bonne mémoire, cela lui a permis de bien comprendre les fonctionnements et de s’y adapter. » Le rythme du mi-temps était bien adapté au handicap du jeune homme. Ses parents étaient surtout satisfaits de l’accueil réservé à leur fils. « Je peux vous assurer que trouver des stages de cette nature est terriblement difficile. »
Une nouvelle charte
C’est la signature de la charte « autiste » voici une dizaine de jours au centre hospitalier de Lens qui avait incité la famille Barczyk à nous contacter afin que l’on puisse se rendre compte des difficultés rencontrées sur le terrain. Rappelons à ce sujet que l’accord lie désormais huit acteurs du territoire spécialisés dans la prise en charge des patients : le centre hospitalier de Lens (unité médicale de pédopsychiatrie), le centre hospitalier d’Hénin-Beaumont (pôle psychiatrie), le centre de ressources Autisme (Loos-en-Gohelle) et l’association Autismes Nord – Pas-de-Calais ; l’APEI de Douai ; l’APEI de Lens et environs, d’Hénin-Carvin ; La Vie active et l’Éducation nationale.