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"Au bonheur d'Elise"
12 février 2017

Handicap et sexualité. Un enjeu de société

Publié le 10 février 2017
Sociologue, Lucie Nayak a réalisé une longue enquête dans laquelle elle aborde la sexualité des personnes souffrant de déficiences mentales
Sociologue, Lucie Nayak a réalisé une longue enquête dans laquelle elle aborde la sexualité des personnes souffrant de déficiences mentales


Au lieu des 300 personnes attendues, ce sont 700 professionnels qui ont participé, hier, au premier colloque organisé sur la vie affective, l'intimité et la sexualité des personnes handicapées. Des sujets souvent tabous qui peuvent dérouter au sein même des institutions.

« On sort du Moyen Âge ». C'est l'impression dégagée par l'exposé de Lucie Nayak, sociologue chercheuse à l'Inserm-CESP, auteur d'une thèse de doctorat consacrée au traitement social de la sexualité des personnes désignées comme « handicapées mentales » (*). Elle était hier l'une des intervenantes du colloque régional organisé par le conseil départemental du Finistère au Pavillon, à Quimper.


La sexualité des personnes handicapées est-elle acceptée dans les établissements ?
Beaucoup de structures sont sous l'influence d'un concept, celui de la santé sexuelle. On reconnaît la légitimité d'une sexualité non procréative. On considère que la sexualité peut être favorable à la santé. Ce concept est connu depuis 1975 mais cela a mis du temps à se diffuser dans les milieux d'éducation spécialisée. Il a été redéfini en 2002 et à partir de là, on a commencé à s'intéresser plus au sujet. Au même moment, en 2002 et 2005, deux nouvelles lois sur le handicap ont contribué à reconnaître un droit à l'intimité dès lors que la chambre est considérée comme un lieu privé. Dans certaines institutions, la porte de la chambre devait rester ouverte quand la personne recevait quelqu'un. La grande peur, c'était la grossesse.

Ces nouvelles lois ont-elles obligé les institutions à revoir leur position ?
Il y a eu beaucoup de demandes sur l'accompagnement et comment on fait pour protéger ces personnes sur deux risques essentiellement : l'agression sexuelle et la grossesse. Les maladies sexuellement transmissibles ont été très peu prises en compte. Dans les établissements, on évolue entre l'interdit et l'encouragement à avoir une vie affective et sexuelle. Deux positions extrêmes qui n'ont pas souvent été entendues. Il subsiste toujours une crainte. Les éducateurs ont adopté une position intermédiaire, un peu floue. On a pensé à intégrer les handicapés dans le corps social en leur créant des lieux de vie et de travail spécifiques. On leur crée en fait un monde parallèle.

A-t-on créé des services sexuels spécifiques comme en Allemagne ou en Belgique ?
Dans ces pays, la prostitution est considérée comme un travail. En France, la prostitution n'est pas interdite. Mais un éducateur qui solliciterait un assistant sexuel pour une personne handicapée pourrait être accusé de proxénétisme et être poursuivi. De plus, depuis avril 2016, les clients sont pénalisables. Aller voir une prostituée est devenu un délit. En 2013, le comité national consultatif d'éthique a émis un avis négatif, refusant de reconnaître la marchandisation du corps. La sexualité ne peut être quelque chose qui se vend.

Est-il possible d'avoir une vie sexuelle dans un établissement ?
La loi n'interdit pas les relations sexuelles entre les personnes handicapées mentales. Mais la jurisprudence considère qu'il s'agit d'un rapport de domination si le partenaire est une personne valide. Si un couple demande à passer la nuit ensemble, on peut lui répondre que les normes de sécurité imposent d'avoir une personne par chambre. Dans d'autres situations, la demande va être évaluée par les éducateurs en fonction des normes dominantes de la société. Sont-elles réellement amoureuses ? S'agit-il d'une relation pérenne ? Des critères que l'on ne demande pas à des personnes valides. Les éducateurs sont les garants de la sécurité et arrivent à imposer des normes. À un homme qui papillonne on va lui dire qu'il fait souffrir l'autre. À trop vouloir protéger les personnes handicapées, on finit par avoir une attitude d'ingérence dans leur vie. Pendant longtemps, les personnes handicapées ont été considérées comme des enfants. Avec le concept de santé sexuelle, on les considère comme des ados qui doivent demander la permission. Il faudrait pourtant les considérer comme des adultes, même si ça fait peur, et donc favoriser une vie affective et sexuelle la plus autonome possible ». * Ce travail de recherche sera publié cette année aux éditions de l'INS HEA.


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