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"Au bonheur d'Elise"
12 février 2017

Lettre ouverte à Monsieur Laurent MOTTRON

 
Lettre adressée à Monsieur Laurent Mottron, Psychiatre et titulaire de la Chaire de recherche Marcel et Rolande Gosselin en neurosciences cognitives fondamentales et appliquées du spectre autistique de l’Université de Montréal.


Monsieur,

Ce matin, je suis révoltée à la suite de la lecture de l’article Intervention en autisme deux approches pour les enfants autistes publié dans La Presse + le 7 février dernier.

Encore une fois, vous y proposez de tourner la page sur l'intervention comportementale intensive (ICI) et de mettre les interventions faites auprès des enfants autistes entre les mains de leurs parents. Des parents déjà épuisés qui doivent se battre constamment pour le moindre service. Se battre avec les écoles afin de faire reconnaître les besoins de leurs enfants. Des parents qui n'ont pas accès au répit. Et pour certains, des parents qui n'auront pas la capacité de le faire.
Oui, je sais. Le ICI n’est pas parfait. Il a des lacunes. Il ne convient pas à tous les enfants autistes, surtout, s’il est mal « administré ». Je suis de ces personnes qui pensent que le gouvernement gagnerait à offrir aux parents une intervention adaptée aux besoins et au profil autistique de chaque enfant. Qu’il arrête d’offrir une méthode unique.
Des méthodes de « prises en charge » de l’autisme, il y en a plusieurs. Comme chaque enfant autiste est différent, il est important de bien cibler les besoins et le mode de fonctionnement de chacun afin d’offrir une intervention précoce adaptée à chaque profil.
UN DISCOURS QUI NE REJOINT PAS TOUT LE MONDE
Monsieur Mottron, j'ai le plus grand respect pour vous. Mais parfois je ne peux que me demander si vous ne travaillez pas qu'avec des personnes autistes, adultes, de haut niveau de fonctionnement ou Asperger. Parce que lorsque je vous lis, il m’apparaît très clairement que vous ne semblez pas savoir grand-chose sur ce que les familles de l'autisme vivent sur le terrain. Dans vos grands et beaux discours, vous semblez oublier complètement les familles dont les enfants n’entrent pas dans la case « fonctionnels en devenir ».
Lorsque je vous lis, je ne peux que me poser la question à savoir qui finance vos études et me demander ce que vous avez à y gagner en fin de compte. Parce que depuis ces trois dernières années que je vous lis, je peux assurer que votre discours ne rejoint pas tous les adultes autistes et encore moins toutes les familles, plus particulièrement celles qui ont des enfants demandant un niveau de soutien plus élevé.
Dernièrement, j'ai regardé l'émission de Deux filles le matin où Louis T. était présent. J'ai aimé lorsque vous parliez de la complexité pour les filles, les femmes, d'obtenir un diagnostic d'autisme Asperger, le profil chez ces dernières étant encore mal connu. J'ai trouvé la plupart de vos interventions concernant le syndrome d'Asperger pertinentes. Cependant, j'aimerais comprendre de quel droit vous vous êtes permis de reprendre publiquement Monsieur Tremblay, devant des milliers de téléspectateurs, lorsqu'il vous a parlé de ses émotions. De quel droit remettez-vous en doute les paroles du professionnel qui l'a diagnostiqué? Il me semble que la première chose lorsqu'une personne est à la tête de recherches est de garder un esprit critique et d'admettre qu’on ne sait pas tout.
Lorsque vous lui avez dit en vos mots que c'était du n'importe quoi cette idée des émotions limitées, je me suis décomposée par en dedans pour lui. Parce que je n'ai pas la forte personnalité de monsieur Tremblay. Parce que si personnellement on m'avait fait une chose pareille, je l'aurai vécu comme une humiliation et ma confiance en moi, si durement acquise, en aurait pris un coup. Votre commentaire était gratuit. De plus, vous n'avez même pas cherché à expliquer votre point de vue de professionnel sur le sujet par la suite.
UNE PEUR BIEN RÉELLE ET PARTAGÉE
Monsieur Mottron, vous êtes un professionnel connu du milieu. Je devrais vous respecter et croire que le travail que vous faites, vous le faites pour le mieux. Que vous le faites pour aider une cause que je porte fièrement à bout de bras depuis trois ans déjà. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas parce que présentement, mon sens critique ne me le permet pas.
Je ne peux pas parce que comme c'est le cas pour d'autres parents, vous me faites peur.
J'ai peur qu'avec vos discours, vous ne fassiez que davantage fragiliser et diviser un milieu qui l'est déjà beaucoup.
J'ai peur que vous fassiez en sorte que nous, les parents d'enfants qui demandent un niveau de soutien important, perdions le peu d'aide que nous avons en ce moment.
J'ai peur que par vos mesures, vous épuisiez davantage les familles de l’autisme.
J'ai peur qu'épuisé, nous ne soyons plus en mesure d'aider suffisamment nos enfants. Et qu'au final, on mette encore sur le dos des parents de l'autisme qu'ils sont psychologiquement fragiles.

Monsieur Mottron, depuis plus de quatre ans, je suis divers spécialistes en autisme. Depuis trois ans, je vous lis et vous écoute sans rien dire. Mais combien de fois j'ai sursauté sur ma chaise en écoutant vos propos. Aujourd’hui, suite à ma dernière lecture, je ne pouvais plus me taire. Mais j'espère sincèrement que vous ne verrez pas mes propos comme une attaque personnelle contre votre personne. Je n’ai personnellement pas cette méchanceté. J'espère cependant que vous les prendrez pour ce qu'ils sont : le cri du coeur d'une maman qui a peur, non seulement pour l'avenir de ses enfants, mais aussi pour l'avenir des futurs parents de la communauté de l’autisme.

Aube Labbé
Éditrice et rédactrice en chef
Le site spectredelautisme.com

Mais surtout... 
Maman d'un petite fille autiste de 7 ans
Maman d'un petit garçon autiste Asperger de 9 ans


Je sais que cette lettre ne fera pas l'unanimité. C'est aussi pour cette raison qu'elle est publiée ici, sur mon blogue et non sur mon site en autisme. C'est pour cette raison aussi, qu'elle ne sera pas relayée sur ma page Facebook dédiée à l'autisme. Parce que sur ces derniers, je ne me sens pas le droit à une opinion aussi tranchée. Parce que je n'y suis plus seule, mais surtout parce je veux que le parent qui a besoin d'information se sente libre d'aller la chercher sans se sentir juger par un parent qui ne vit pas la même réalité que la sienne.

Ce texte reflète mon opinion et mon ressenti en tant que mère. Mais je dois l'admettre, ce que je ressens face à cette situation est partagé par beaucoup de parents d'enfant autistes qui ont des besoins plus grands.


Quelques liens :

- Psychologiquement fragile
- En autisme - Assez c'est assez !
- Nos élus québécois abandonnent-ils les familles de l'autisme ?

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