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"Au bonheur d'Elise"
24 août 2017

A quoi sert le Plan Autisme 4 (partie 1) ?

Le 6 Juillet 2017 a été solennellement lancé le Plan Autisme 4. Cet événement, venant à la suite d’une campagne électorale porteuse de beaucoup de promesses et d’optimisme pour les personnes handicapées, paraît être une raison supplémentaire d’espérer. Le Plan Autisme 4 doit prendre la suite du Plan Autisme 3, qui couvrait la période 2013-2017. Celui-ci a été évalué par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) dans un rapport paru en mai 2017[1]. L’IGAS rappelle que ce 3e Plan Autisme a été construit sur la base des recommandations de bonnes pratiques publiées par la Haute Autorité de Santé en 2012, mais que ces recommandations « demeurent contestées dans certains établissements sanitaires et médico-sociaux, et parfois mal appliquées », d’où un bilan «  hétérogène  » dans lequel les rapporteurs pointent les faiblesses persistantes. Parmi celles-ci, on note principalement :

  • un pilotage qui peine à prioriser les mesures en l’absence de données épidémiologiques et qui peine également à agir hors du secteur médico-social ;
  • une insuffisance persistante de la scolarisation pour les enfants ;
  • un retard abyssal dans la prise en charge des adultes et une méconnaissance de leurs besoins ;
  • un retard également profond dans la rénovation des formations des professionnels amenés à travailler avec des personnes autistes : la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques publiées en 2012 par la Haute Autorité de Santé (HAS) n’est toujours pas à l’ordre du jour pour la majorité des organismes.

L’IGAS clôt son rapport par une liste de 48 recommandations qui témoignent de la nécessité d’un nouveau Plan Autisme, car les besoins des personnes autistes, comme les obstacles, demeurent immenses. Les familles concernées par l’autisme, retrouvant effectivement dans cette liste les difficultés auxquelles elles sont confrontées quotidiennement depuis des années, attendent à présent des pouvoirs publics que le nouveau Plan Autisme agisse de façon efficace pour améliorer la situation. Cependant, les premiers préparatifs de ce nouveau plan s’accompagnent de signaux inquiétants quant à son futur contenu.

L’apaisement, le retour par la fenêtre de la psychanalyse ?

On se souvient de François Hollande qui avait annoncé, le 19 mai 2016 lors de la Conférence Nationale du Handicap, la mise en place d'un quatrième Plan Autisme, et que ce plan serait « celui de l’apaisement et du rassemblement. Parce que nous devons avoir toutes les réponses et les réponses les plus adaptées, sans préjugés et sans volonté d’imposer une solution plutôt qu’une autre  »[2]. Cette dernière phrase, apparemment consensuelle, reprend les termes de groupes qui soutiennent, en autisme, la psychanalyse, ainsi que d’autres méthodes non recommandées (les 3i, le packing, etc). On peut lire par exemple dans le texte publié le 9 Mai 2017 sur le site de l’association RAAHP (Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle) : « Pour apaiser les conflits, il conviendrait que le gouvernement garantisse sa place à chacun des courants. »[3] François Hollande souhaitait-il se plier à cette revendication dans un but électoral ? Les associations de défense de la psychanalyse les ont très bien accueillis ces propos[4] ! Dans le refus d’ « imposer une solution plutôt qu’une autre », les familles elles, ont lu un renoncement. Oubliée la volonté politique d’imposer aux professionnels médicaux, para-médicaux et sociaux, d’utiliser en matière d’autisme des méthodes fondées sur les preuves et évaluées par la science ? Les familles ne peuvent et ne pourront pas l'accepter.

Les résultats des élections présidentielles, accompagnés par le discours volontariste et engagé du nouveau Président de la République, leur ont donné l'espoir que le nouveau gouvernement fera passer les intérêts des personnes autistes, l'intérêt général, avant les intérêts des corporations d’obédience psychanalytique et mettra en œuvre des mesures concrètes rapidement.

Or le premier constat est décevant : il n’en est rien.

En effet, le Plan Autisme 4 commence par « une intense concertation qui se déroulera à la fois dans les territoires et au travers de groupes de travail nationaux jusqu’en fin d’année 2017 »[5]. On se demande pourquoi le gouvernement éprouve le besoin d’encore six mois de « concertation intense » : pour savoir ce qu’il faut faire ? On le sait déjà. En effet les instances publiques ont sur la table :

  • les points du Plan Autisme 3 qui n’ont pas pu être mis en œuvre alors que leur nécessité et leur urgence n’ont pas diminué ;
  • les 48 recommandations détaillées du rapport de l’IGAS ;
  • les recommandations proposées en matière de recherche, par la Commission Scientifique Internationale préparatoire au Plan Autisme 4 qui s’est tenue à Paris les 15 Mars et 3 Avril 2017.

On s’étonne donc de ce délai supplémentaire, même si on peut comprendre que la mise en place d’actions concrètes nécessite une co-construction avec tous les acteurs concernés, notamment pour faire le lien entre la politique définie au niveau national et les agents de sa mise en œuvre au niveau des territoires.

En revanche, on comprendrait très difficilement que le pilotage de certains groupes de travail au niveau national soit confié à des défenseurs avérés de la psychanalyse appliquée à l’autisme. Comment le pilotage du plan 4 peut-il espérer que des militants défendant encore aujourd'hui des interventions n'ayant en 40 ans jamais pu documenter leur efficacité, puissent être une présence constructive dans des commissions censées produire un consensus ? Faut-il rappeler :

  • l’avis n° 102 du Conseil Consultatif National d’Ethique en 2007, qui constatait « l'impasse à laquelle cette théorie [psychanalytique] a pu conduire en matière d’accompagnement, de traitement et d’insertion sociale » ?[6]
  • les recommandations de la Haute Autorité de Santé concernant les interventions éducatives et thérapeutiques chez l’enfant et l’adolescent, qui classaient les interventions psychanalytiques comme « non consensuelles » car non validées scientifiquement ?
  •  le compte-rendu de la commission scientifique internationale qui s’est tenue en avril 2017, les propos de Jonathan Green : « Je crois que nous sommes d’accord pour dire qu’il n’existe pas de preuve, nulle part dans le monde, qui soutienne le recours à la psychanalyse pour l’autisme. Nous fondons ce commentaire sur deux bases. D’une part, il n’existe aucun rapport ou étude de l’efficacité d’une telle intervention. D’autre part, la théorie sous-jacente à l’utilisation de la psychanalyse, c’est-à-dire comprendre l’autisme – c’est la base de l’intervention –, est fausse du point de vue scientifique. La méthode de traitement n’est donc pas valable dans ce cas-là, et il n’y a pas de preuve pour la soutenir. Je crois que nous avons, parmi les experts, un accord sur ce point. »[7]
  • le quotidien des familles qui découvrent que leur enfant est autiste et qui sont confrontées, chaque semaine, chaque jour, en France, en 2017, à des refus de diagnostic (« lui mettre une étiquette ne va pas l’aider »), à des diagnostics faux (« dysharmonie psychotique »), à des prises en charge inefficaces, contraires aux recommandations, dans les établissements publics de santé (rapport de l’IGAS : « une proportion importante d’HJ [hôpitaux de jour] s’oppose à l’application des RBP [recommandations de bonnes pratiques] et ne montre aucune volonté de modifier ses pratiques »), à la nécessité de payer des prises en charge conformes auprès de professionnels libéraux, à des placements abusifs sur la foi de propos ignorants de l’autisme (affaire Rachel) ?

Madame la Ministre Sophie Cluzel a justement réaffirmé devant la Commission des Affaires Sociales qu’il « ne faut pas déroger aux recommandations de bonne pratique »[8]. Les familles ne pourront accepter que des psychanalystes, qui ne cessent de refuser ces mêmes recommandations, coordonnent l'élaboration de la future politique de l’autisme en France. Comment sinon demander la confiance des usagers dans l’action politique en matière d’autisme ? Il est hors de question de remettre les enfants, leurs familles et les adultes touchés par l’autisme à leurs bourreaux, qui continuent à nuire encore à tant de personnes concernées par l’autisme, alors que l'état de la science internationale condamne explicitement leur prétendues « pratiques ».

 

D’autre part, la concertation du Plan Autisme 4 prévoit la représentation d’associations d’usagers concernés par l’autisme. Nous souhaitons que cette consultation ne soit pas purement cosmétique. En effet, les associations, confrontées chaque jour aux difficultés concrètes des personnes autistes, sont porteuses d’une expertise réelle et solide.

La mission de l’IGAS sur le Plan Autisme 3 a mis en lumière de très nombreux dysfonctionnements. Encore n’a-t-elle pas consulté les « usagers », pourtant représentés par de nombreuses associations compétentes sur le sujet. Elle aurait pu être informée encore d'autres points de blocage, qui sont responsables de la détresse quotidienne de nombreuses personnes. Par exemple, le refus de la CNSA de revoir le guide d’évaluation des besoins des personnes handicapées (GEVA) pour l’adapter à l’autisme. Autre exemple, le refus de la Direction Générale de la Cohésion Sociale de revoir le guide-barême utilisé par les MDPH. Ainsi, le déficit de capacités sociales n’étant pas un critère permettant la reconnaissance d’un handicap, alors qu’il est à la base du diagnostic, de jeunes adultes se retrouvent dans une grande précarité, dans l’impossibilité de travailler, mais se voyant refuser l’accès à l’AAH et aux aides qui peuvent en découler pour le logement. On souhaite que la consultation des usagers soit le moyen d’une réelle prise en compte de leurs besoins, et non pas seulement l’alibi d’un projet écrit sans eux.

Par ailleurs, les associations qui aident les personnes autistes sont aussi porteuses des projets pour leur défense. Lors de la concertation nous voulons être représentés par les associations compétentes, militant pour le progrès des droits des personnes autistes et pour des prises en charge fondées sur les preuves scientifiques, et non par les exceptionnels tenants de la dogmatique pseudo « liberté de choix » en autisme. L’action politique consiste à faire preuve de discernement et de courage pour faire ensuite des choix pertinents. Les choix constatés nourriront, ou non, un rétablissement de la confiance entre le politique et la majorité de la société civile. 

 

 
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Commentaires
A
Jolie illustration que cette ligne de Départ ! Et tellement réaliste tant chaque plan autisme n'est qu'un nouveau départ jamais une continuité du précédent qui n'a pas ou alors si peu été mis en œuvre. Et encore du tmeps pour re discuter, remettre sur le tapis les consensus précédents.... lA France n'y arrivera pas
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