Les perles du dossier médical de Mathilde
Mathilde a été diagnostiquée très jeune, pour l’époque, parce que les CRA n’existaient pas – je précise. Mais alors… quel diagnostic! La pédiatre a observé chez Mathilde des troubles autistiques vers 24 mois, et nous a envoyés au CMP avec un courrier pour la pédopsychiatre. Et alors là, passé la porte, j’ai cru arriver dans un autre monde.
Dans la salle d’attente, il y avait des enfants qui faisaient des trucs extrèmement bizarres, qui me posaient des questions mais sans me regarder, et ils me posaient toujours les mêmes questions. Je me suis demandé ce que je faisais là.
Entrés dans le bureau de la pédopsy, presque désenfumé grâce à la fenêtre ouverte avant que les parents n’y pénètrent, nous faisons nos premiers pas dans le monde de l’autisme.
Après avoir lu la lettre de recommandation de notre pédiatre, les dés sont jetés, et ça y est, je suis stygmatisée.
Je vous livre les petites phrases assassines qu’on m’a assénées, et les remarques que j’ai pu lire dans le dossier médical de Mathilde que j’ai récupéré, après avoir claqué la porte du CMP.
« Donc Monsieur, c’est vous qui demandez la confirmation du diagnostic d’autisme. » Allez hop, la mère on s’en tape, elle ne veut rien savoir, bien sûr!
Au bout d’une heure d’entretien, pendant lequel nous racontons la vie de Mathilde en long en large et en travers, et que ma fille nous hurle dans les oreilles tel un petit goret qu’on égorge, le diagnostic tombe. Sans test, ni rien, juste à vue de nez! Je me revois encore, avec ma petite dernière en train de téter, et Mathilde tirant sur ma manche autant qu’elle le pouvait… « Bien sûr, Madame, que votre fille est autiste! » Genre, comment ne t’en es-tu pas rendu compte plus tôt, patate! Là, je m’écroule, je me mets à pleurer, apparemment mon lait n’a pas tourné vu que Juliette tête toujours. « Ne pleurez pas Madame, les enfants autistes ont beaucoup d’humour! » Oh… super, je suis contente de l’apprendre. « Nous allons nous revoir, je vous laisse réfléchir à tout ça ».
Il sera décidé que Mathilde aura une prise en charge deux fois par semaine: par une infirmière psy (écrit tel quel dans le dossier: je ne sais pas si c’est en psychiatrie ou en psychologie), et par une éducatrice spécialisée.
À la première séance, on me montre où ça se passera. Nous descendons un escalier qui se trouve dehors, pour entrer par une porte à l’arrière, nous traversons un couloir tout noir pour arriver dans la pièce des « travaux manuels »: peinture, pâte à modeler, et j’en passe. En fait, nous sommes au sous-sol… mais il y a quand même une fenêtre! J’ai moi-même eu les pétoches en descendant, j’imagine ma fille de trois ans et demi. « Voilà, vous avez vu, vous reviendrez chercher Mathilde dans trois quarts d’heure ». Hein?! Je dois partir comme ça? Là? Tout de suite? Maintenant? Oui, et ma sentence est irrévocable…
Deuxième scéance, je traîne ma fille en pleurs pour qu’elle accepte de partir avec la dame dans une autre salle. Même scenario: « au revoir Madame, revenez dans trois quarts d’heure ».
Fait exprès ou transmission de pensée, dès le début des prises en charge, ma fille s’endort en arrivant au CMP. Prise en charge du matin, ce n’est pas de pot: scéance à 10h, Mathilde n’ayant pas dormi de la nuit -t ellement étrange venant d’un enfant autiste! Scéance suivante à 15h30, j’arrive au CMP, et Mathilde dort – ce n’est pas de pot, une enfant de trois ans et demi qui fait la sieste à cette heure-ci, c’est tellement étrange à cet âge-là…
C’est parti pour six mois, avec des semaines qui s’enchaînent toujours pareilles. J’empêche Mathilde de dormir avant d’arriver au CMP, mais il n’y a rien à faire. Le peu de scéances possibles commencent dans les larmes, ou ne se font pas à cause du sommeil. Personnellement, ça ne me gêne pas, je me dis « bêtement » qu’ils comprendront… Sauf qu’ils ne comprendront pas!
En soutien des scéances de ma fille, nous devons rencontrer la pédopsychiatre une fois par mois. Mon Dieu, plus jamais ça! « Mathilde est encore en train de dormir! » Eh bien écoutez Docteur, si vous pouviez faire en sorte qu’elle dorme la nuit plutôt que le jour, ça m’arrangerait. Je suis épuisée. « Eh bien évidemment, vous êtes en relation fusionnelle avec votre fille, il faut casser tout cela! » Ah ouais, je n’avais pas vu ça comme ça! J’en conclus que nous sommes mutuellement solidaires des insomnies de l’autre!
Je vous passe les réflexions du genre « Le papa n’est pas là? » Non! Voyez-vous, il travaille! C’est bizarre, hein?
Passons maintenant aux vraies annotations du dossier médical, parce que le subjectif peut l’emporter sur l’objectif de ma position de maman, mère croco s’il en est! Donc là, je n’ai rien inventé, ni extrapolé… Ce n’est pas mon coeur qui parle, mais les mots de la pédopsy, retranscrits tels quels.
À chaque entretien parents-pédopsy sont annotés les personnes en présence: si je viens avec le grand frère ou la petite soeur, c’est noté, si son père est absent, c’est noté. La page se présente ainsi: à gauche une colonne « éléments de réalité », à droite « notes ». Je trouve ces mots tellement réducteurs après coup!
Elements de réalité
- « genre de pictogrammes mis en place par Mme »: euh, de ce que j’en sais, ça s’appelle PECS, mais je ne suis que la mère!
- « Lien Mathilde à sa mère fusionnel »: ça alors, c’est étrange, vu que c’est moi qui la « gère » principalement.
- « Mme enceinte du 4ème enfant »: oyez, oyez, elle va nous pondre un quatrième!
- « Mme veut remettre Mathilde à l’école »: oups, ce n’est pas comme ça qu’on fait avec les enfants ?
- « Mathilde, absente à l’entretien »: eh oui, Mathilde dort chez ses grands parents, le rendez-vous est à 14h, bizarrement elle fait la sieste (souligné dans le dossier).
- Deux mois plus tard, « la question d’une psychose symbiotique se pose »: han, ça y est, le mot est lâché!
Notes
- « Mme souhaite des scéances d’orthophonie pour Mathilde »: eh oui, j’aimerais qu’elle parle, mais au CMP on n’en voit pas l’intérêt pour l’instant, Mathilde n’en est pas là. C’est vrai, après tout, elle n’a que 4 ans… Je me debrouille donc pour trouver une orthophoniste à 20km de chez moi.
- « L’enfant reste tyrannique mais s’ouvre aux autres »
- « Mathilde répèterait les mots que sa mère lui demande »: j’aime beaucoup le conditionnel employé.
- « Mathilde prise en charge en orthophonie: indication non discutée avec moi au préalable (prise en charge sans doute prématurée) »: ho, je crois que je l’ai vexée, là, et le pire c’est qu’on en avait discuté, mais bon, en cas d’échec, il vaut mieux ne pas être responsable et se défausser…
- Six mois plus tard, « courrier aux parents, absences de Mathilde en consultation et en prise en charge »: je précise que quand j’arrive avec Mathilde qui dort en poussette, c’est une absence…
- « Il semble que vous éprouviez quelques difficultés à assurer les rendez-vous, tant pour la prise en charge que pour les consultations, je souhaite éclaircir votre souhait quant au suivi. »: attention les yeux, ça va péter!
Ce jour là, à 16h, est noté sur le dossier: parents + Mathilde endormie dans sa poussette (eh oui, on ne change pas une équipe qui gagne!).
Je confirme: Mathilde dort peu la nuit, donc si elle est en voiture à 10h le matin, forcément, elle dort, donc en arrivant au centre, elle dort. Je pourrais peut-être ne pas venir en voiture et faire les 20km à pieds, comme ça elle resterait éveillée.
Je reconfirme: Mathilde fait la sieste, certes un peu tard, mais au moins pendant ce temps-là j’ai un peu de répit, il ne fallait pas lui mettre une prise en charge à 15h30! « Un enfant de 4 ans ne fait plus la sieste »… Ah bon!
Notes:
- « Impossibilité pour le centre de modifier les horaires des prises en charge deux fois par semaine »
- « Irrégularité du suivi. »
- « Les parents ne trouvent pas de solutions. Je leur propose d’arrêter les prises en charge tant que Mathilde fait la sieste à cette heure-là », « Refus des parents », « M. et Mme quittent le bureau furieux ».
Les notes que le « Docteur » a omis d’écrire:
Question de la mère: si vous ne gardez pas Mathilde, pouvez-vous nous conseiller un autre endroit où elle pourraît être prise en charge?
Réponse: Non.
À 30 km à la ronde il y a: un CAMPS et trois SESSAD, dont un spécialisé en autisme.
J’ai demandé le dossier médical de Mathilde à cause de cette réponse, ce non sans explication, sans encouragements, genre « si vous partez d’ici, vous êtes perdus, si vous restez ce sera sous nos conditions ». Ce non s’apparente pour moi à de la non-assistance à personne en danger.
Psychose symbiotique, lien à la mère fusionnel, conditionnel employé pour reporter les dires de la mère, parents ayant des difficultés à assurer le suivi de leur enfant…. Ça ne vous rappelle rien?
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Première Publication: 7/03/2012 21:03 Mis à jour: 8/03/2012 00:41