Nul n’est prophète en son pays. Spécialiste du handicap et pionnier dans le traitement de l’autisme, le professeur Ghislain Magerotte, 75 ans, est une pointure reconnue et respectée dans son domaine. Mais jamais la Belgique ne l’a mis à l’honneur comme l’a fait la France ce lundi. Claude-France Arnould, l’ambassadeur de France en Belgique, lui a remis la Légion d’honneur, soit la plus haute distinction française. Si Ghislain Magerotte est professeur depuis plus de 40 ans au sein de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’université de Mons (UMons), il a largement partagé son savoir avec ses collègues français en formant chercheurs, étudiants et parents. C’est notamment par l’intermédiaire du Susa (Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme) qu’il a créé, que Ghislain Magerotte a construit sa renommée. «  Au milieu des années 80, il a eu l’idée de mettre en place des formations destinées spécifiquement aux parents d’enfants autistes, explique Éric Willaye, directeur du Susa. C’est là, la grande singularité de l’approche du professeur Magerotte : il a remis les parents au cœur de la prise en charge de leurs enfants, leur offrant une place à part entière là où les pratiques les évinçaient totalement. Ensuite, les parents ayant suivi les formations souhaitaient pouvoir bénéficier d’un suivi éducatif pour leur enfant. L’idée de créer un service d’aide éducative ambulatoire a fait son chemin, mais n’a pu être mise en œuvre qu’en 1991 grâce à l’aide d’une fondation privée. Aujourd’hui, le Susa est devenu une Fondation d’utilité publique qui prend en charge 770 familles par an sur Bruxelles et la Wallonie. »

Depuis 2011, le Susa a vu ses effectifs tripler. Le directeur y voit le fruit de la sensibilisation des parents, notamment au dépistage précoce de l’autisme chez les enfants. « 25 % des enfants que nous suivons ont moins de trois ans », explique Éric Willaye. Le diagnostic a également été au cœur du travail du professeur Magerotte. « Il a contribué à faire bouger les lignes en France, explique Bernadette Roge, professeur à l’université Jean Jaurés de Toulouse. Nous avions jusque-là une approche très limitée à ce que nous connaissions. Sans doute en raison de sa culture belge, le professeur Magerotte s’est toujours intéressé à la littérature internationale sur le sujet. Il s’est informé des dernières avancées en la matière, y a puisé des idées pour développer ses propres approches, qui avaient plusieurs exigences. D’abord scientifique. Il se voulait rigoureux, en accord avec les classifications internationales. Le professeur a d’ailleurs été publié de nombreuses fois dans des revues scientifiques internationales renommées. Ensuite, une exigence éthique avec un respect total pour les personnes, les familles et leur qualité de vie. Enfin, une exigence pragmatique. Il fallait que les idées, les approches aient un vrai impact social pour les familles. »

La vision nouvelle du professeur Magerotte sur l’autisme et sa prise en charge ont largement contribué à mieux connaître la problématique. « En honorant le professeur, la France rend également hommage à de bonnes pratiques profitant à quelques milliers de Français hébergés dans des structures en Wallonie, mais aussi ceux qui, en France, bénéficient de l’expérience du Susa », ajoute l’ambassadeur de France.

S’il ne fallait retenir qu’une chose de cette Légion d’honneur, Ghislain Magerotte voudrait que ce soit les parents. « Il fallait leur reconnaître ce droit d’exercer leur rôle de parents dans l’éducation de leurs enfants. » Tel un leitmotiv, l’humanisme a guidé cet intellectuel de haut vol.