Préambule : Habituellement, je publie l'information brute. Mais, en cherchant sur le net des informations sur Monica Zilbovicius, j'ai trouvé une "pépite" qui illustre bien toute la difficulté de l'évolution actuelle qu'elle évoque pour l'accompagnement des personnes autistes.
Monsieur Golse dénonce "une époque qui n'est pas seulement antipsychanalytique, mais plus fondamentalement antipsychiatrique, voire antimédicale" ... partant de ce constat il n'explique en aucune manière l'origine de ces "anti" - théorie de la Mère frigidaire ou coupable (Bruno Bettelheim) etc. - il nous décrit comment à son sens les méthodes comportementalistes sont très surévaluées ...
Donc pas de repentance ni même de volonté affichée d'aide en direction des familles ... Mais plutôt un habile appel au ralliement. Derrière la psychanalyse ?
Mais nous parents savons pour certains les accusations dont nous avons fait l'objet, pour d'autres le désert que nous avons traversé ... Alors je pense qu'implication vaut mieux qu'exclusion et que si les apprentissages sont utiles pour tout le monde ils le sont davantage pour les personnes autistes ... et il est même acquis que le plus tôt est le mieux.
Monsieur Golse écrit que "l'autisme autistise" ... une nouvelle théorie psychanalytique ? Je puis comprendre qu'il s'en inquiète pour lui-même. Pour ma part je suis totalement immunisé contre ce genre des discours.
(Jean-Jacques Dupuis)
Comme si l'autisme était contagieux
Par BERNARD GOLSE Pédo-psychiatre et
psychanalyste, hôpital Necker-Enfants malades
Nous vivons, décidément, une bien curieuse époque en
matière d’autisme infantile, une époque qui n’est pas seulement
antipsychanalytique, mais plus fondamentalement antipsychiatrique,
voire antimédicale. Un certain nombre de parents d’enfants autistes
considèrent en effet désormais que les troubles envahissants du
développement sont d’ordre purement neurodéveloppemental, qu’ils
répondent à un modèle causal linéaire et que, comme tels, ils
n’appellent pas de mesure d’aide psychothérapeutique, mais seulement des
approches éducatives, rééducatives et pédagogiques spécialisées.
En tant que responsable, à l’hôpital Necker-Enfants malades, de l’un
des cinq centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme du Centre de
ressources autisme Ile-de-France (Craif), à côté des services de
pédopsychiatrie des hôpitaux Robert-Debré, la Pitié-Salpêtrière, Bicêtre
et Sainte-Anne, je persiste à penser que l’origine des troubles
envahissants du développement répond fondamentalement à un ensemble de
causes multiples et variables selon chaque enfant, d’où la nécessité de
recourir à une approche multidimensionnelle, une approche qui associe de
manière adaptée à chaque cas, diverses mesures d’aide appartenant aux
trois registres du soin, de l’éducation et de la pédagogie. Et ceci, sur
le fond d’une intégration scolaire digne de ce nom, ce qui n’est pas
encore le cas, tant s’en faut, en dépit de la loi de 2005.
Personnellement, je pense que certaines techniques éducatives
spécialisées peuvent être les bienvenues, que certaines rééducations
(orthophonique ou psychomotrice) sont, à un moment ou à un autre,
toujours nécessaires, mais que les psychothérapies psychanalytiques ont
encore une place importante à tenir, moins pour éclairer sur la cause
intime de l’autisme, que pour nous aider à mieux comprendre le monde
interne de ces enfants dont les souffrances sont immenses, et dont les
progrès eux-mêmes ne vont pas sans faire surgir des angoisses qui
doivent être continûment élaborées pour ne pas freiner l’évolution des
enfants, et pour leur permettre de s’adapter à leurs nouveaux
fonctionnements. Je plaide donc, encore une fois, pour une approche
résolument multidimensionnelle de ces pathologies si douloureuses.
Au moment même où une vision intégrative commence à émerger, vision
intégrative centrée, notamment, sur les troubles de la sensorialité des
enfants autistes qui les empêcheraient d’accéder normalement à
l’intersubjectivité (capacité de savoir que l’autre existe et capacité
de savoir que soi et l’autre, cela fait deux), on voit certaines
associations de parents attaquer et insulter gravement les
pédopsychiatres, voire certains centres d’évaluation et de diagnostic de
l’autisme qui, pourtant, travaillent tous en conformité absolue avec
les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de
dépistage précoce et de diagnostic des troubles envahissants du
développement, comme vient de le rappeler énergiquement le Craif.
L’une de ces associations (association Léa pour Samy) prône, de
manière caricaturale, la méthode ABA (Analysis Behaviour Applied
ou «analyse appliquée du comportement») comme la seule méthode utile et
validée, ce qui appellerait de multiples commentaires, car cette
méthode de conditionnement est ancienne (en dépit de son aura de
modernité), et parce que ses supposées validations demeurent encore très
contestables et contestées. Mon propos n’est pas de polémiquer avec
cette association qui vient d’ailleurs d’être déboutée par la ministre
Roselyne Bachelot dans sa demande de moratoire envers le Programme
hospitalier de recherche clinique sur la technique du «packing» (une
technique de soin) mis en place par le professeur Pierre Delion (chef de
service de pédopsychiatrie au CHU de Lille), dans des conditions
légales et rigoureuses. Mon propos est de dire que toute méthode qui se
présente comme la seule méthode légitime, se trouve, à mon sens, ipso
facto, disqualifiée, car si le tout thérapeutique a échoué, le tout
pédagogique et le tout éducatif échoueront de même.
Les enfants autistes ont du mal à généraliser leurs apprentissages,
du mal à anticiper, et du mal à faire une synthèse de leurs diverses
perceptions sensorielles.
Or, tout se passe un petit peu, aujourd’hui, comme si l’autisme était
«contagieux», comme s’il amenait les professionnels à fonctionner
eux-mêmes de manière autistique et clivée, en s’arc-boutant sur une
méthode unique au détriment d’une véritable approche multidimensionnelle
et intégrative. L’autisme autistise… et il fait le jeu d’un consensus
plus ou moins implicite entre les médias et le grand public, pour
évacuer toute forme de complexité qui nous confronte inéluctablement à
la souffrance, à la sexualité et à la mort. Or, le développement
psychique n’est pas simple, les troubles du développement ne le sont pas
davantage, et vouloir le faire croire est une pure escroquerie.
En février, avec le service de neuro-imagerie de l’hôpital
Necker-Enfants malades (professeur Francis Brunelle), nous avons
participé à une séance de l’Académie nationale de médecine consacrée à
une approche intégrative de l’autisme infantile, avec la présentation de
résultats concernant un dysfonctionnement du lobe temporal supérieur
qui peut désormais être compris à la fois dans l’optique des
neurosciences et dans celle de la psychopathologie psychanalytique. Ce
serait donc vraiment dommage de se laisser happer par des divisions
haineuses et conceptuellement coûteuses, car les enfants autistes ont
mieux à faire que de nous voir les imiter dans des querelles et des
divisions interprofessionnelles à valeur de clivage, à l’image de leur
propre fonctionnement.
http://www.liberation.fr/societe/0101592687-quand-l-autisme-autistise