article publié sur le blog de la Tribune de Genève le 11 février 2011
Mise en abyme
11.02.2011
Les compétences scolaires en milieu institutionnel. La peur au ventre.
Voilà plusieurs années que je reçois des familles, souvent en souffrance, mais aussi dans l'incompréhension d'un système, dans la colère, dans la frustration de ne pas pouvoir faire plus ou mieux pour leur enfant... et trop souvent dans la peur de dire les choses. C'est -parmi tous les points- ce dernier qui me touche le plus.
S'il est possible de répondre à la souffrance en partageant une expérience de vie, s'il est possible de répondre à l'incompréhension en expliquant les rouages d'un système, ses atouts et ses limites, s'il est possible de répondre à la colère en la partageant souvent , il n'est pas possible d'enlever la peur, la peur envers celles et ceux qui sont censés le plus aider la famille.
La peur au ventre de dire ce qu'ils pensent tout bas et qu'ils viennent me susurrer à l'oreille : « le système n'est pas bon, ils jouent à la place de travailler dans ces institutions, je n'ai pas le choix, je travaille, je dois le laisser là mon gamin, il n'a rien fait sur le plan scolaire, pas de cahier de liaison rempli qui nous informe concrètement, pas de programme, pas de.... Et si je le dis j'ai peur qu'ils prennent en grippe mon enfant ....».
Il est difficile pour moi d'entendre ces mots, mais qui, je le sais bien, correspondent à une certaine réalité. Pas dans toutes les institutions, évidemment, mais à un grand nombre, trop grand nombre.
Je suis convaicue que tout cela vient, en fait, du manque de formation (dont je parle souvent) de la part des intervenants. Je suis convaincue aussi que de leur côté ils veulent vraiment aider l'enfant, mais sans en connaître vraiment les moyens. Trop souvent ils pensent a priori que l'enfant avec autisme a tellement de déficits (ce qui est vrai) qu'il n'est nul besoin de développer, par-dessus le marché, des compétences scolaires... Ici il y a erreur. Et cette erreur n'est pas anodine. Elle peut avoir comme conséquence directe l'ajout d'un retard mental à l'autisme ! C'est cela qui n'est plus acceptable.
Il faut certes travailler sur la relation, qui dirait le contraire ? Mais sans aussi un travail sur les aspects cognitifs, offerts entre autre par l'acquisition de compétences scolaires, le travail sur le lien à autrui reste très relatif. C'est même une vision très réductrice des capacités de la personne ave autisme ....
Alors, je dis aux parents qu'il est temps de mobiliser les forces pour dénoncer cet état de faits et faire prendre conscience aux autorités que le travail scolaire doit être, dans les institutions, mis en place au même titre que les ateliers spécifiques, avec comme pour ces derniers (dans le meilleur des cas) des objectifs formulés, mesurables et mesurés. Nos enfants ont le droit d'être instruits. Stop avec ce concept pseudo-scientifique qui faire croire aux parents en leur faisant peur par dessus le marché qu'en apprenant à nos enfants des compétences cognitives on « les bouscule trop », on les « traite mal », on les « surestiment » ou je ne sais quelle autre ineptie qu'on m'a confiée...Et si c'était eux, ces grands diseurs de vérité, qui les sous-estimaient nos enfants ?
Trouvez-vous normal que des parents soient obligés de scolariser leurs enfants dans des écoles privées ou autres filières pour faire reconnaître leurs compétences scolaires ? Moi pas. C'est un combat. Ce n'est pas nous qui devons avoir peur, mais ceux dont l'incompréhension d'un mode de réfléchir, incompréhension due à un manque de formation, peut, malheureusement, condamner l'avenir d'un enfant, notre enfant.
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