article paru dans le parisien du 5 avril 2006 - suite
Quinze mille jeunes sans aucune prise en charge
Le manque de places en structures spécialisées pour la prise en charge de l'autisme reste abyssal en France. Sur les 100 000 autistes dans le pays, 25 000 ont moins de 20 ans : il n'existe encore que 4500 places pour les enfants et adolescents souffrant d'autisme - ou présentant un syndrome apparenté - dans des structures médico-sociales ou dans des établissements pour enfants handicapés, selon une note du ministère de la Santé. On sait que 5 500 d'entre eux bénéficient d'une prise en charge à domicile ou dans les hopitaux de jour.
Reste un gouffre énorme : "On estime que 15 000 jeunes autistes de moins de 20 ans ne bénéficient d'aucune prise en charge, et sont laissés complètement à la charge de leurs parents", affirme Evelyne Fridel, présidente de Autisme France, l'une des principales associations de patients, qui a mené une expertise sur ce sujet. La situation des adultes autistes est encore pire. Seuls 10 000 sur 75000 seraient accueillis dans des structures correspondant à leur état, les autres n'ayant d'autres solutions que de rester au domicile familial ou relégués en hôpital psychiatrique, non adapté à leur pathologie. Pierre Toureille, président d'honneur de l'association Pro Aid Autisme, juge "Il n'y a pas lieu d'être fier de la France. Les Anglais et les Suédois font beaucoup mieux, en particulier en formant mieux leur personnel, et ils ont de meilleurs résultats."
"ça va trop lentement"
Les représentants des associations s'accordent toutefois à dire que "les choses bougent en France, même si ça va trop lentement". La loi Handicap, votée en début d'année, a pour ambition d'améliorer les choses. Lors du colloque au Sénat, le directeur général de l'action sociale au ministère des Affaires sociales, Jean-Jacques Trégoat, a précisé les nouvelles mesures prévues pour les autistes : "On a accéléré les choses, car on est bien conscient qu'il faut soulager les familles : 750 places en établissements vont être créées en deux ans, pour les jeunes autistes. et 1 200 places vont être ouvertes pour les adultes." Pour cela, 11 millions d'euros sont débloqués. Le cap est plus ambitieux quauparavant, mais reste bien modeste face à l'enjeu. En 1998, une réforme de la formation des professionnels "a été un échec" admet Jean-Jacques Trégoat. En Ile-de-France, la situation est particulièrement préoccupante, car le niveau des prix de l'immobilier bloque les possibilités d'acquisition de terrains. Le ministère espère que les places laissées libres dans des institutions pour enfants légèrement handicapés, en raison de la meilleure intégration de ces derniers dans des classes de l'Education nationale, seront reconverties rapidement en places pour les enfants autistes ou polyhandicapés.
Marc Payet