Bonjour,
Je m’appelle Magali Pignard, je suis maman d’un enfant âgé de 7 ans.
Suite à des suspicions d’autisme pour lui, un médecin nous a orienté vers le Centre Médico Psychologique (CMP) de ma commune. Après avoir cherché sur internet des informations sur l’autisme, j’ai contacté des associations locales de parents, qui m’ont toutes fortement déconseillées le CMP.
Pourquoi cela ? Parce que les familles qui étaient passées par ce CMP m’ont prévenues que mon fils y serait considéré comme psychotique, et que je serais considérée comme étant la responsable de sa psychose (traumatisme du à une mauvaise relation maternelle). J’ai choisi d’écouter ces familles, et de m’orienter plutôt vers le Centre Ressource Autisme des Alpes (CADIPA). Je ne regrette pas ce choix, car mon fils a obtenu rapidement le diagnostic d’autisme typique : ainsi j’avais des explications sur son fonctionnement particulier.
Que se serait-il passé pour mon fils, si j’avais été au CMP, faisant confiance à l’État, si je n’avais pas cherché des informations sur internet ?
La seule prise en charge que l’État proposait était l’hôpital psychiatrique de jour de mon secteur. J’ai refusé cela, car encore une fois on m’a vivement déconseillé cette structure, dont le traitement consiste simplement à l’observer, et d’attendre qu’il ait lui-même le désir de sortir de son monde dans lequel il se serait réfugié.
Sa première année à l’école maternelle a été un cauchemar. J’ai arrêté de travailler car l’école ne le prenait que 6h / semaine, et comme j’avais refusé la prise en charge proposée par l’État, c’est moi qui faisais les allers-retours entre les différents lieux où des professionnels libéraux le stimulaient.
Aujourd’hui, face à aux réticences de la part de l’école à inclure mon fils, celui-ci n’y va plus.
Aujourd’hui, face à l’immense pénurie de professionnels compétents, face à l’absence de structure publique adaptée, nous avons monté une association dans le but de fournir un accompagnement éducatif aux familles adhérentes. Nous employons une professionnelle américaine vivant à Paris (il n’y en a pas sur l’Isère), qui vient régulièrement superviser l’équipe que nous avons mis en place, petit-à-petit.
Nous organisons nous-mêmes des formations sur la prise en charge de l’autisme, des formations qui ne sont pas dispensées par l’université, ou dans le cadre de formations continues. Nous organisons des évènements, quémandons de l’aide à droite, à gauche, pour pouvoir financer les formations des professionnels que nous employons.
Cette prise en charge, recommandée par la Haute Autorité de Santé, nous coûte près de 2000 €/mois, net. Nous avons, à force de déposer des dossiers, réussi à obtenir une aide de l’État de 800€/mois. J’ai arrêté de travailler pour pouvoir coordonner tout cela, car nous sommes maintenant comme des micro-entrepreneurs, c’est un gros investissement, dont je me serais bien passée.
Si je vous écris aujourd’hui c’est parce que j’estime que ce n’est pas aux parents de faire tout cela. Nous sommes obligés de tout faire, absolument tout, parce que nous sommes face à l’incompétence des services proposés par l’État.
Nous faisons cela, car nous voulons que notre enfant ait le plus de chance de gagner en autonomie, pour qu’il ait à l’avenir le moins de « chances » possibles d’être placé à vie dans une institution ou hôpital psychiatrique, comme c’est le cas pour la majorité des adultes autistes. Nous ne sommes pas éternels et nous sommes plus qu’inquiets sur l’avenir de notre fils.
Devant notre futur se dresse un mur.
Nous n’avons pas réellement le choix du type de prise en charge pour lui, et c’est ce que nous demandons au gouvernement aujourd’hui, une possibilité réelle de choix. Nous aurions voulu que notre enfant évolue à l’école, avec un aménagement spécifique. C’est entouré de ses pairs qu’un enfant autiste évolue le mieux, car ils sont ses référents. Cela n’a pas été possible.
Aujourd’hui, nos ressources vitales, financières, s’épuisent inexorablement. Nous ressentons beaucoup d’injustice, et sommes scandalisés par tout cet argent du contribuable investi pour des formations et pratiques inefficaces.
La Haute Autorité de Santé a statué, en accord avec les pratiques internationales, que les seules pratiques ayant démontré leur efficacité dans l’accompagnement de l’autisme sont les méthodes éducatives. Ce sont ces méthodes qui sont mis en place dans pratiquement tous les autres pays développés.
En Espagne, en Suède, 90 % des enfants autistes vont à l’école. En Angleterre, ce sont 100% des enfants autistes qui vont à l’école.
En France, moins de 10% des enfants autistes sont scolarisés. Seulement 2% vont à l’école à plein temps.
La place d’une personne autiste est parmi nous…
Les études montrent que éduquer les enfants autistes permet d’économiser à l’état plus d’un millions d’euros par personne autiste au cours de sa vie. De plus le gain de qualité de vie de la famille est inestimable. Le gain en autonomie de la personne handicapée est parfois spectaculaire.
Vous avez du recevoir ces jours-ci une lettre des députés G. Rouillard et D. Fasquelle.
Je vous encourage à la lire attentivement.
Je viens vous demander expressément de les soutenir vigoureusement dans leur démarches. Ils connaissent très bien la situation et travaillent de concert à reformer la psychiatrie en France vers de bonnes pratiques. Ils ont le soutien massif de toutes les familles d’enfants autistes.
Voudrez-vous nous aider?
Nous sommes 600 000 familles concernées en France, dont environ 150 000 cas lourds, à vie.
Nous sommes bien sur à votre disposition pour en discuter, si vous le souhaitez.
Très Sincèrement
Magali Pignard
Références :
Manifeste pour une psychiatrie et une psychologie basées sur des preuves scientifiques.
Autisme et pratiques fondées sur les preuves : guide manuel pour les parents.
Transcription de l’interview sur « Europe 1 » de Hugo Horiot. Hugo Horiot est autiste, mais aussi comédien, réalisateur, écrivain. Il a parlé à l’âge de 6 ans. Son avenir était alors tout tracé par les professionnels : hôpital de jour et institutions, pas d’école, une psychothérapie pour aider la maman à faire le deuil de son enfant.
Hugo Horiot
- (Hugo Horiot) On me mettait en face de jouets, des jouets que je n’aimais pas, des peluches, des châteaux en plastique. J’ai donné un coup de pied dans le château en plastique. Je lui ai explosé son château en plastique qu’elle m’avait mis sous le nez. Et là, elle me dit : « Ah, mais c’est pas bien, tu donnes un coup de pied à ton papa ! Ce n’est pas bien !! »
Imaginez ça pendant des années ! Je ne vois pas comment on pouvait faire sortir, émerger quelqu’un de son autisme. C’est une aberration.
- Alors comment vous en êtes-vous sorti, vous ?
- Je m’en suis sortie grâce au travail et au combat qu’a mené ma mère. Elle me stimulait par le corps, elle essayait de rentrer dans mon monde, de comprendre ma logique, de se glisser dedans. Et surtout, elle a mis un point d’honneur à faire en sorte que je n’aille jamais en institution spécialisée. Un autiste a besoin d’être mis dans le monde, dans le monde réel autour de lui, parce qu’il a les compétences, pour en faire partie. Mais ça doit se faire avec un accompagnement, un accompagnement plus en effet, de type comportemental.