Le casque vissé sur les oreilles, le portable à la main, Loris, 13 ans, à l'air d'un enfant comme les autres. « Il a l'air, oui », souffle Myriam Mazari, sa maman. Depuis deux ans, son garçon est en « surmaintien » dans une école primaire agenaise. Atteint d'un trouble du comportement et d'une maladie génétique détectée sur le tard, il fait partie de ces enfants qui n'ont plus leur place dans un milieu scolaire ordinaire. Mais qui ne trouvent pas leur place dans une structure adaptée, faute de places. A l'image de beaucoup de parents, Myriam Mazari et Frédéric Jacquot vivent un véritable parcours du combattant.
« Ce que l'on nous propose, c'est une scolarisation en milieu normal, l'an prochain en 6e ! Il arrive à peine à écrire, c'est le mettre en échec ! »
Comme Yolande Raulet il y a quelques mois, ils ont déposé une main courante contre l'Agence régionale de santé et le ministère de la Santé, au début du mois de février. « Il n'y a pas de place dans l'Institut médico-éducatif qui serait le plus approprié pour lui, celui de Montpezat-d'Agenais. Ce que l'on nous propose, c'est une scolarisation en milieu normal, l'an prochain en 6e ! Il arrive à peine à écrire, c'est le mettre en échec ! »
La famille pense à le déscolariser en septembre si aucune solution n'est trouvée. « Le problème est que l'IME de Montpezat est en capacité d'accueillir plus d'enfants. Mais il n'a pas l'agrément de l'Agence régionale de santé », s'insurge Yolande Raulet, qui a bataillé pendant des mois pour que son fils, Clément, intègre ce même établissement.
« Orientation optimale »« Malheureusement, des familles en arrivent parfois à cela », regrette Sophie Borderie, présidente de la Maison départementale des personnes handicapées. La mission de la MDPH est d'orienter l'enfant vers la structure qui sera la plus adaptée, « l'orientation optimale ». Mais oui, « il y a carences de places ». Car si l'orientation est faite par la MDPH, c'est l'Agence régionale de santé qui donne les agréments et le nombre de places aux établissements. « Les budgets sont toujours plus restreints ! Sur le dos des enfants », se désespèrent les parents.
« Aujourd'hui, nous orientons vers des établissements. Demain, la loi nous permettra d'orienter les enfants vers des dispositifs, ce sera plus souple pour trouver, avec les parents et les professionnels, en prenant en compte le projet de vie des familles, des solutions adaptées », détaille Thierry Fabre, le directeur de la MDPH.
« Nous avons l'impression de déranger l'institution, l'administration »
Des mots bienveillants, une théorie qui, face à la détresse, voire la souffrance des familles pèsent peu. Et inquiètent. « Il y a dans la loi de santé l'article 21 bis contre lequel nous nous sommes élevés et qui, selon nous, donne la main aux MDPH pour orienter les personnes en situation de handicap non en fonction des choix de vie et besoins mais en fonction des places disponibles », analyse Céline Boussié, présidente de l'association Handi'Gnez-vous.
Sans voir la véhémence de la lanceuse d'alerte, ce que reprochent les familles, ce n'est pas seulement ce manque de places. C'est l'image que leur renvoie la société. En tant que parents d'enfants différents, « nous avons l'impression de déranger l'institution, l'administration ».
Cela peut aller très loin. « Dans le précédent établissement scolaire, personne ne comprenait pourquoi Loris ne progressait pas, tout en étant toujours très agité. C'était forcément de notre faute, à nous parents… Une enseignante a même fait un signalement ! » La famille est mise hors de cause. « Mais cela nous a fait beaucoup de mal ». Depuis, il a changé d'établissement. Mais septembre se profile et Loris, presque adolescent, n'a plus sa place dans cette école primaire.
Cellule pour les 20/25 ans200 jeunes sont sur les listes d'attente des structures adaptées. Qui ont toutes leurs limites. Notamment sur la question de l'âge de ces jeunes handicapés, qui, pour beaucoup, ne sont plus des enfants. « Nous avons une jeune femme de 27 ans, toujours en IME, avec des enfants de 8 ans. » Pour tenter de trouver des solutions, la Caisse nationale de la solidarité et de l'autonomie [qui finance la MDPH à hauteur de 480 000 euros, la moitié de son budget, NDLR] a demandé aux MDPH de mettre en place une cellule spécifique pour les 20-25 ans. « Pour anticiper au maximum les problématiques des enfants qui grandissent. » Des parents qui vieillissent aussi, et, tous les jours, cherchent une place dans la société pour leurs enfants différents.