Témoignage
Sans AVS, pas de rentrée scolaire pour les enfants handicapés
Par Jeanne Debats | Enseignante | 13/09/2010 | 10H57
Le 2 septembre, pour tout le monde le jour de la rentrée, mon fils, 12 ans, autiste asperger, n'était pas accueilli dans la classe du collège gersois qu'il devait intégrer. Par décision de l'Education nationale.
Mais tout va bien, n'est-ce pas ? La rentrée se passe bien, malgré
les suppressions de postes et de classes à tout va. C'est l'Education
nationale qui l'affirme.
Cette même Education nationale refuse de recevoir mon fils car il n'a pas d'auxiliaire de vie scolaire (AVS),
cette personne chargée d'aider l'enfant dans sa démarche d'intégration
avec ses camarades, son travail scolaire, et qui permet à l'enseignant
de gérer, non seulement l'enfant handicapé, mais aussi le groupe classe.
En orientant mon fils, l'administration SAVAIT qu'elle refuserait
l'attribution de l'AVS. Et donc qu'il ne serait pas accueilli en temps
et en heure au collège Condorcet d'Auch avec lequel, pourtant, tout avait été entrepris et ce, depuis le mois d'avril.
J'ai appris à mon fils à lire, écrire et compter
L'Education nationale considère qu'un enfant est scolarisé lorsqu'il a
au moins une heure de classe hebdomadaire. A partir de là, les
statistiques deviennent moins gênantes : TOUS les enfants sont
accueillis, n'est-ce pas ?
Une heure d'école… Pensez-vous que ce soit suffisant pour un enfant « normal » ? Ça l'est encore moins pour un enfant handicapé.
C'est moi qui lui ai appris à lire, écrire et compter, quand ce
n'était pas mon rôle. Ceux qui auraient dû s'en charger ne l'ont pas
fait, ne pouvaient pas le faire. Je suis enseignante, j'en ai les
capacités. Combien de parents ne les ont pas ? Combien d'enfants
n'accèdent pas au savoir qu'ils auraient pu maîtriser et seront pour
toujours des assistés ?
Dans le Gers, 80 dossiers d'attribution d'AVS traînent sur les
bureaux de l'administration. Quatre-vingts enfants, comme mon fils, ont
raté la rentrée scolaire aux alentours de la bonne ville d'Auch. Les
réunions ne sont pas fixées, seulement « prévues ». Ces enfants auront
de la chance si, dans un mois, ils sont tous en classe.
Enseignante, je sais les dégâts qu'une rentrée retardée peut faire
sur un enfant : il n'intègre pas le groupe comme ses camarades.
Handicapé, il l'est encore plus par son arrivée tardive.
Six heures pour apprendre le monde, pas celui du « soin »
L'an dernier, mon fils avait six heures d'école, en plus de sa prise
en charge dans une institution spécialisée. Six heures pour apprendre le
monde, le vrai monde, pas celui du « soin ». Malgré toutes nos
batailles, seulement trois heures sont prévues cette année.
La maison du handicap du Gers est censée régler ces problèmes -cette
même maison du handicap qui s'est permis de contacter les associations
de parents d'autistes afin de leur suggérer de payer les AVS. A quand
les professeurs « normaux » payés par les les fédérations de parents ?
L'école est un droit ET une obligation. On se borne parfois à
constater et à parler de « réalités de terrain ». Moi, je parle de la
réalité d'une loi qui n'est pas respectée et, si elle l'est parfois à la
lettre, elle ne l'est jamais dans l'esprit. Je parle de la réalité de
l'humain.
Y aura-t-il quelqu'un qui acceptera de parler pour mon fils, et pas
seulement pour lui, mais pour tous les autres qui cette année se
retrouvent encore confrontés à une insupportable exclusion qui, au
final, les conduira à l'internement ? Il y a 80 enfants qui attendent
dans le Gers. Combien sont-ils en France ?
http://www.rue89.com/2010/09/13/gers-80-eleves-handicapes-attendent-des-avs-combien-en-france-166045