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"Au bonheur d'Elise"
diagnostic
20 février 2006

le profil d'Elise

Ma fille Elise est une merveilleuse jeune fille de 20 ans classée "autiste".

C'est de fait une belle plante vigoureuse qui a du mal à intégrer les règles de notre société très codifiée.

Elle est la spontanéité personnifiée ne réfrénant que très difficilement ses envies, ses craintes, ses sentiments.

On peut dire aussi qu'elle souffre de "troubles de la personnalité".

En société, cela ne va pas sans poser de nombreux problèmes car les codes sont le gage de l'harmonie qui est censée y régner ...

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8 février 2006

ce que l'on doit savoir sur l'autisme

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Il me paraît fondamental de prendre connaissance de ce cours dispensé aux médecins ... il intéresse à mon avis autant les parents.

                                    (l'auteur) ... cet article je l'ai trouvé sur le net ...

Service de Pédospychiatrie CHU ANGERS


Module 3 : MATURATION ET VULNERABILITE

AUTISME INFANTILE ET PSYCHOSES PRECOCES DE L'ENFANT

MODULE 11 : SYNTHESE CLINIQUE ET THERAPEUTIQUE.

ITEM N° 278.

ENSEIGNANTS : Dr J. Malka, Pr. P. Duverger.

MODE D’ENSEIGNEMENT : ARC / E.D.

OBJECTIFS :

        - Savoir reconnaître les signes précoces de l’autisme infantile.
        - Connaître la description de l’autisme infantile constitué.
        - Savoir orienter les investigations devant une suspicion d’autisme infantile
           ou de psychose précoce de l’enfant.
        - Argumenter les principes et les différentes modalités de prise en charge des
           pathologie autistiques et psychotiques précoces de l’enfant.



AUTISME INFANTILE ET PSYCHOSES PRECOCES DE L'ENFANT

CONTEXTE HISTORIQUE

EPIDEMIOLOGIE

EXAMEN D’UN ENFANT PSYCHOTIQUE

     DIAGNOSTIC ET EVALUATION


      1°/ Le bilan clinique
      2°/ Le bilan somatique
      3°/ Le bilan psychologique
      4°/ Le bilan psychomoteur
      5°/ Ecueils à éviter concernant les diagnostics d’autisme et de psychose précoce
      6°/ Diagnostic précoce de l’autisme infantile : une suspicion, jamais un diagnostic
      7°/ Problèmes diagnostiques et diagnostics différentiels
      8°/ Formes cliniques.

EVOLUTION DE L’AUTISME ET DES PSYCHOSES PRECOCES

       1°/ Les facteurs pronostics
                   Facteurs liés à l’enfant lui-même
                   Facteurs liés à l’environnement
       2°/ L’évolution à long terme.

PRISE EN CHARGE DES ENFANTS AUTISTES ET PSYCHOTIQUES

Bibliographie



AUTISME INFANTILE PSYCHOSES PRECOCES DE L'ENFANT

Le but de ce cours est d'aider le praticien - généraliste, pédiatre ou psychiatre - à se repérer dans le domaine de l'autisme et des psychoses infantiles précoces. C'est en effet à lui qu'un enfant est adressé lorsqu'un fait ressenti comme anormal est constaté dans son développement. Toute la difficulté est alors de savoir si ce " fait " s'inscrit dans un développement pathologique.

Toute démarche diagnostique en pédopsychiatrie suppose au préalable que soient assimilés les grands fondements du développement normal du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent. Nous renvoyons donc d'abord le lecteur aux enseignements correspondants.

Nous nous attacherons à montrer ici en quoi tel ou tel signe observé doit attirer l'attention du médecin. Cette dernière comporte une part objective (celle qui suppose une connaissance du développement normal et pathologique) mais aussi une part subjective qu'il faut savoir écouter mais aussi analyser pour qu'elle soit fiable.


CONTEXTE HISTORIQUE

Jusqu'au début du XIXème siècle, la pathologie mentale de l'enfant, quelle qu'elle soit, était considérée comme l'expression d'une déficience du développement de l'intelligence. La psychose (ou la "folie") était à cette époque considérée comme exclusivement liée à l'adulte.

Depuis, des similitudes cliniques ont peu à peu été mises à jour entre certaines psychoses décrites chez l'adulte et les manifestations de certains enfants, ce qui a fait supposer dès la fin du XIXème siècle la possibilité d'une éclosion très précoce de troubles psychotiques de la personnalité.

En 1943, Léo Kanner, psychiatre américain d'origine autrichienne, décrivit pour la première fois l'autisme infantile précoce, à partir de l'observation de 11 enfants âgés de 2 ans et demi à 8 ans. Ces enfants, précisait l'auteur, avaient en commun "l'inaptitude à établir des relations normales avec les personnes et à réagir normalement aux situations, depuis le début de leur vie." Kanner repérait alors chez ces enfants, autour de ce désordre fondamental représenté par des troubles majeurs de la communication, un certain nombre de caractéristiques cliniques constituées par :

- le retrait autistique ("aloness"), marqué par l'absence de contact avec la réalité externe, le monde    extérieur (celui des objets mais aussi des personnes) semblant ignoré par l'enfant. Lorsque cette "ignorance" concerne des personnes humaines, ces dernières n'étant pas perçues par lui comme des sujets à part entière sont utilisées comme des objets ou comme le prolongement de son propre corps. Par exemple, l'enfant se sert de la main d'autrui en cherchant à utiliser ses capacités de préhension.

Il faut savoir enfin que le retrait autistique comporte une part active, décelable en particulier à travers certains comportements comme l'évitement du regard, le refus du contact corporel imposé, toute tentative pour forcer celui-ci entraînant des manifestations d'angoisse, souvent massive, qui se manifeste notamment par de l'agressivité (envers autrui mais aussi souvent lui-même à travers des comportements d'automutilation)..

- Le besoin d'immuabilité ("sameness"), besoin impérieux pour l'enfant autiste de maintenir stable et inchangé son environnement habituel. Toute perturbation, là encore, produit le même effet d'angoisse que celui évoqué plus haut. Sont à rapprocher de cette recherche d'immuabilité les extraordinaires capacités de mémorisation dont certains enfants font preuve concernant l'environnement tel qu'ils avaient pu le percevoir initialement.

On peut enfin inclure dans ce chapitre sur le besoin d'immuabilité les stéréotypies, qui sont gestes (parfois complexes) que l'enfant exécute de façon rythmique, strictement à l'identique d'une fois sur l'autre, et qui semblent lui procurer une excitation intense associée à une satisfaction non moins intense. On peut ajouter aux stéréotypies gestuelles les stéréotypies verbales, observables chez certains enfants ayant acquis le langage.

- Les troubles du langage, qui sont constants, mais qui revêtent des aspects variés : inversion pronominale caractérisée en particulier par l'incapacité à utiliser le "je", répétition écholalique, difficulté d'accès au "oui", néo-langage inaccessible, etc.

La caractéristique commune à ces différentes particularités est que l'enfant autiste n'utilise pas le langage dans le but de communiquer, tout du moins dans les formes les plus sévères.



Dans les années 1970-1980, les milieux scientifiques ont manifesté un intérêt croissant pour l'autisme infantile. Cet intérêt a conduit à des recherches dans des domaines aussi divers que la neurobiologie ou la psychanalyse.

Parallèlement, le souci de trouver un cadre nosographique adéquat pour l'autisme et les troubles apparentés s'est manifesté partout dans le monde et donné lieu à d'innombrables débats, toujours aussi houleux de nos jours.

Ces débats se heurtent en particulier au fait que la démarche de classification d'entités bien définies implique que les différents troubles rencontrés (autisme et autres psychoses) soient effectivement distincts les uns des autres. Or l'expérience clinique montre chaque jour que les frontières ne sont pas aussi étanches qu'on a pu le croire un temps. A ce titre, les classifications internationales actuelles (classification américaine, classification de l'OMS) donnent à penser que ces frontières sont bel et bien étanches.

Ces classifications reposent en effet sur des critères comportementaux parfaitement définis sans tenir compte de données plus subtiles concernant le vécu subjectif et les modalités relationnelle de ces enfants qui par essence sont amenées à changer au fil du temps, et notamment dans le cadre d'une prise en charge à la fois précoce et globale. En mettant plutôt l'accent sur l'aspect neurologique c'est-à-dire sur la maturation du système nerveux (à tel point que le terme de psychose a été supprimé pour être remplacé par celui de "troubles envahissant du développement") et non sur le développement psychoaffectif (par essence malléable, en perpétuelle transformation), ces classifications, bien que se voulant indépendantes de tout a priori théorique concernant la pathogénie de ces affections, laissent à penser que ces troubles sont précocement fixés, tels des handicaps non évolutifs.

Différente est la position des pédopsychiatres français, qui ont proposé une Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent (C.F.T.M.E.A.). Dans cette classification, les troubles, y compris l'autisme de Kanner, sont dénommés "Psychoses infantiles précoces". L'accent est ici beaucoup moins porté sur les signes extériorisés (c'est-à-dire les comportements) que sur la notion de troubles de la personnalité (en lien avec les avatars du développement psychoaffectif de l'enfant), avec ses angoisses spécifiques, les mécanismes mis en place pour les contenir, les modalités particulières de relation au monde et à autrui.

Dans cette perspective, l'autisme n'est plus considéré comme une pathologie fixée, irréversible, mais comme le résultat d'un processus psychotique "autistisant" susceptible d'être au moins en partie infléchi par une intervention thérapeutique.

C'est ainsi que l'autisme et les différentes psychoses de l'enfant prennent de nos jours des formes beaucoup moins caricaturales que par le passé, du fait des efforts thérapeutiques mis en place et bien entendu toujours perfectibles.

De tout ce qui précède, il ressort que les psychoses infantiles précoces peuvent être abordées de deux manières différentes, qui influencent leur mode de prise en charge :

- L'une insiste sur l'aspect neurologique

- L'autre insiste sur le développement psychoaffectif


⇒ L'aspect neurologique s'inscrit dans une optique maturative : la maturation du système nerveux en tant qu'organe en devenir. Faute de traitement étiologique, l'accent est donc mis ici sur le " traitement " des comportements dans lequel les médications ainsi que l’éducation et la rééducation occupent une place centrale. L’accent est également mis sur la recherche d'une causalité organique (recherches génétiques, recherches biochimiques, recherches neurophysiologiques, études d’imagerie cérébrale)

⇒ L'aspect psychoaffectif s'inscrit dans une perspective d’adaptation : le développement psychique est ici en lien avec le mode de structuration de la personnalité ainsi que le vécu subjectif de l'enfant, par essence tous deux singuliers (c'est à dire propre à chaque enfant) et en relation étroite avec l’environnement familial et social. La prise en charge qui en découle insiste donc ici sur l'histoire du patient et de sa famille, sur le rapport de ce patient à son environnement, sur la perception qu’il a de lui-même (qui va jusqu’à nous interroger sur la conscience qu’il a de sa propre existence et la manière dont il l’exprime) Cette dernière approche est en particulier celle de la pédopsychiatrie française, qui se sert de nombreux concepts psychanalytiques à la fois dans la perspective d'améliorer la prise en charge thérapeutique mais aussi dans le but de tenter d'appréhender les mécanismes psychologiques à l'oeuvre.

En marge de ces deux grands courants, figure les sciences cognitives qui sont à l’origine de travaux qui concerne d’une part les modalités particulières du fonctionnement de l’intelligence des enfants autistes et d’autre part la recherche d’un éventuel déficit cognitif dont certains auteurs considèrent qu’il pourrait constituer le "noyau dur" de l’autisme, sa cause primaire, sorte de déficit de base dont les troubles relationnels ne seraient que la conséquence.

Tout l’enjeu est de nos jours de concilier ces différentes approches théoriques, en considérant qu’il n’existe pas "une vérité" qui éliminerait toutes les autres hypothèses, mais qu’il existe simplement plusieurs niveaux d’analyse, qui ne s’excluent en aucun cas : tel niveau s’intéresse à l’hypothèse d’une souffrance neurologique, tel autre s’intéresse à celle de la souffrance psychique, tel autre enfin à celle d’un dysfonctionnement intellectuel.


EPIDEMIOLOGIE

Si l'on considère le syndrome autistique, on retrouve classiquement :

- Prévalence : 4 à 5 enfants pour 10 000 naissances.
- Sex-ratio : forte prévalence des garçons par rapport aux filles : près de 4 garçons
  pour une fille pour les  enfants atteints précocement, ce chiffre diminuant
  pour atteindre 2,6 pour 1 chez les enfants atteints plus tardivement.

Si l'on considère l'ensemble des troubles autistiques et apparentés (psychotiques), les chiffres sont plus élevés :

        - Prévalence : 10 à 11 enfants pour 10 000 (soit 50 à 60 000 personnes
          en France)
        - Sex-ratio : alors de 2 pour 1.


EXAMEN D’UN ENFANT PSYCHOTIQUE DIAGNOSTIC ET EVALUATION

L’évocation du diagnostic d’autisme nécessite une démarche extrêmement rigoureuse dans l’argumentation et l’évaluation de la gravité du trouble.

Plusieurs bilans sont nécessaires:
        - le bilan clinique
        - le bilan somatique
        - le bilan psychologique
        - le bilan de langage
        - le bilan psychomoteur.

1°/ Le bilan clinique

Ce bilan clinique repose sur l’anamnèse de l’enfant ainsi que sur son examen clinique actuel. Il permet d’orienter le diagnostic vers l’une des quatre grandes catégories nosographiques suivantes :

- L’autisme infantile, dont le diagnostic repose sur les critères suivants :

     - apparition des troubles avant l’âge de 3 ans
     - altération qualitative des interactions sociales
     - altération qualitative de la communication et du langage
     - comportements, intérêts et activités restreints, stéréotypés et répétitifs.

     On constate que ces critères reformulent de manière assez fidèle la
     description clinique de Léo Kanner évoquée dans le premier chapitre.

- L’autisme atypique, qui diffère de la forme précédente par sa survenue plus tardive (après 3 ans), par sa symptomatologie souvent incomplète, ainsi que par son éventuelle association à un retard mental (quelle que soit son origine, notamment organique)

- Les psychoses précoces déficitaires, qui surviennent chez des enfants présentant un déficit mental important (quelle que soit là encore son origine) qui représente la "toile de fond" sur laquelle apparaissent des difficultés de communication, des accès d’angoisse et des troubles du comportement (impulsivité, agressivité en particulier envers eux-mêmes…) qui ne sont que partiellement et indirectement rattachables à la déficience intellectuelle.

- Les dysharmonies psychotiques, qui ont une expression manifeste à partir de 3 ou 4 ans.

Leur symptomatologie varie d'un cas à l'autre et, pour le même enfant, se modifie d'un moment à l'autre. Ces dysharmonies se caractérisent en effet, comme leur nom l'indique, par un développement non harmonieux, non simultané, entre les différents niveaux d'organisation que sont la sphère psychoaffective, la sphère cognitive, le développement psychomoteur, chaque niveau d'organisation évoluant en quelques sortes relativement indépendamment des autres niveaux.

Il en résulte cette impression de désorganisation dite "dysharmonique" de la pensée, des affects et des relations sociales, avec pour conséquence une menace de rupture avec la réalité, l'absence ou la mauvaise organisation du sentiment de soi, la tendance au débordement de la pensée par des représentations très crues, des angoisses de types divers (angoisses de néantisation, angoisse dépressive et de séparation), la prédominance de positions et d'intérêts archaïques.

Cependant, en dépit de ces traits, certaines capacités d'adaptation assurent parfois une protection contre les risques de désorganisation. Il faut donc insister dans ces situations sur la fragilité de l'adaptation de ces enfants à leur environnement, et veiller à ne pas les confronter de manière abrupte à des exigences qu'ils ne pourront surmonter.

Sur le plan clinique, les dysharmonies psychotiques se caractérisent par leur polymorphisme. Les manifestations les plus fréquentes sont :

      - les manifestations d'angoisse
      - une inhibition sévère
      - une grande instabilité psychomotrice
      - des troubles relationnels importants
      - un échec scolaire…


2°/ Le bilan somatique

Il devra être soigneux et réalisé de préférence par un neuropédiatre.

Il recherchera :

- l'existence d'une anomalie neurologique
- l'existence d'une comitialité
- un déficit sensoriel (surdité, troubles visuels)
- des anomalies génétiques (importance de l'enquête génétique) comme par exemple
  un syndrome d'X fragile.

Ce premier bilan orientera les examens complémentaires.

Toutefois, certains examens complémentaires sont maintenant devenus quasi systématiques devant un tableau clinique préoccupant. C’est ainsi que le bilan ORL avec audiogramme et potentiels évoqués auditifs, le bilan ophtalmo, l’EEG (de veille et de sommeil), un bilan biologique de base et le caryotype sont facilement réalisés.

Dans un 2ème temps d'autres examens pourront être faits selon les cas : IRM cérébrale, imagerie fonctionnelle…

3°/ Le bilan psychologique

Il a deux objectifs :

- Evaluer le niveau intellectuel de l'enfant
- Apprécier les caractéristiques de la personnalité de l'enfant et étudier plus finement
   les mécanismes psychopathologiques à l'oeuvre (par exemple la désorganisation
   de l'image du corps, l'angoisse de morcellement, certains fantasmes archaïques
   envahissants comme être dévoré).


4°/ Le bilan psychomoteur

Il est également important à réaliser de manière précise, car il nous renseigne en particulier sur la manière dont l'enfant investit son corps. Par exemple, il peut révéler la méconnaissance, de la part de l'enfant, de certaines parties de son corps (en particulier les parties qu'il ne peut pas voir) par absence de représentation mentale de celles-ci.


5°/ Ecueils à éviter concernant les diagnostics d'autisme et de psychose précoce

Le diagnostic d'autisme ou de psychose précoce peut être très "lourd" de conséquences s'il est posé de manière aléatoire, sans questionnement suffisant :

⇒ Non seulement sur son argumentation clinique, avec le risque d'enfermer l'enfant dans une étiquette diagnostique sans avoir pris le recul nécessaire pour juger d'une éventuelle variabilité ou de l'évolution des troubles vers d'autres types de pathologies,

⇒ Mais aussi sur la capacité de l'environnement familial à comprendre ou même tout simplement à accepter un discours médical parfois énigmatique, parfois abrupt. A l'inverse, il est dangereux de vouloir rassurer à trop bon compte une famille inquiète en occultant ou en minimisant certains troubles relationnels subtiles repérés par elle.

Il ne faut à cet égard jamais oublier que les parents (ou leurs substituts) auront un rôle déterminant dans l'évolution de leur enfant. Ils sont à ce titre les plus précieux alliés des professionnels, tout en ayant la grande particularité de ne pas être des professionnels : c'est précisément cette place singulière, irremplaçable (y compris dans les situations de grande détresse) qu'il importera de préserver au maximum.



6°/ Diagnostic précoce de l'autisme infantile, une suspicion, jamais un diagnostic

Il est rare de nos jours de découvrir un autisme dans sa forme complète (retrait autistique, recherche d'immuabilité, stéréotypies, absence de langage), telle que Kanner l'avait décrite. Les progrès de la recherche clinique ont en effet conduit à repérer certains signes précoces, durant les deux premières années de vie, susceptible d'orienter le diagnostic. La précocité du diagnostic permet en effet de mettre en place rapidement une prise en charge thérapeutique qui influencera la qualité de l'évolution.

On peut en effet légitimement penser que plus des modes relationnels autistiques auront fonctionné longtemps, plus il sera difficile d'en inversé le cours ultérieurement. Le retard à l'établissement du diagnostic est généralement attribué à une sensibilisation insuffisante des praticiens aux symptômes très précoces de l'autisme et au fait que les examens de routine effectués durant les premières années de la vie évaluent à peu près uniquement le développement moteur, intellectuel et perceptif (qui peut apparaître normal dans l'autisme) mais n'apprécient pas les signes les plus fins, notamment ceux du registre de la communication.

La question du diagnostic précoce de l'autisme infantile renvoie à certains débats sur les origines de l'autisme : s'agit-il d'une affection innée qu'il importerait de détecter le plus tôt possible afin d'espérer mieux la soigner, ou s'agit-il d'un processus évolutif dit "autistisant" dont il faudrait identifier les premiers signes afin d'en infléchir l'évolution vers l'autisme ?

Quoi qu'il en soit, certains signes observables chez le nourrisson doivent attirer l'attention. Mais il convient de rester prudent ! Tous ces signes n'auront de véritable signification que dans la relation interactive de l'enfant avec son entourage. Un signe isolé n'a aucune valeur s'il n'est associé à aucun autre, s'il est observé en dehors de tout contexte ou encore s'il s'inscrit dans un contexte immédiat particulier évident (événement personnel ou familial notamment, comme par exemple une séparation prolongée avec le milieu habituel, quelle qu'en soit la cause) qui fera davantage évoquer un problème réactionnel, qui, par définition, ne dure pas contrairement au signes autistiques.

Il faut par ailleurs souligner que ces signes d'alerte peuvent tout à fait passer inaperçus, surtout s'ils sont discrets et qu'il s'agit d'un premier enfant, les parents n'ayant pas de points de repères par rapport à une fratrie.

Différents "signes d'alerte" à retenir :

⇒ Durant le premier semestre

- Absence d'échange avec la mère et d'intérêt pour les personnes : indifférence
   à la voix et au visage de la mère, absence d'échange de regard avec celle-ci.
- Indifférence au monde sonore et impression de surdité
- Troubles du comportement :
        soit sagesse excessive : enfant "trop calme" restant sans bouger
        soit au contraire, agitation désordonnée, enfant "trop excité".
- Troubles psychomoteurs :
        - défaut d'ajustement postural et d'agrippement lors de la prise de l'enfant par
           l'adulte : enfant "poupée de son"
        - absence d'attitude anticipatrice de l'enfant lorsque l'on ébauche
           le mouvement de le prendre dans les bras (normalement, l'enfant accompagne
           le mouvement en tendant les bras)
        - Troubles du tonus : hypotonie le plus souvent (hypertonie parfois)
- Retranchement des processus perceptifs : pose dans la visualisation et
   indifférence au monde sonore.
- Anomalie du regard, strabisme persistant mais variable.
- Troubles graves et précoces du sommeil :
        - insomnies calmes, les yeux grands ouverts
        - ou au contraire, insomnies avec agitation.
- Troubles oro alimentaire avec défaut de succion.
- Absence ou pauvreté des vocalisations.
- Absence de sourire au visage humain, qui apparaît normalement vers
   le 2ème-3ème mois et qui constitue un bon signe des capacités relationnelles
   de l'enfant (premier organisateur de Spitz)


⇒ Durant le deuxième semestre

Durant cette période, les signes précédents se confirment (inintérêt pour les personnes, défaut d'ajustement postural, indifférence au monde sonore et visuel), mais d'autres signes apparaissent :

- Quête active de stimuli sensoriels entraînant une sorte d'état extatique
   (fixation du regard sur des lumières, des objets qui tournent, jeux de doigts
   devant les yeux)
- Intérêt compulsif pour des objets insolites, souvent durs, contrastant
   avec le désintérêt général pour le monde environnant et l'utilisation d'objets
   dans le jeu.
- Ne réagit pas aux bruits ou de façon inconstante ou paradoxale
- Peu ou pas d'émissions vocales
- Absence d'intérêt pour les personnes (défaut de contact)
- Absence de participation à des activités comme "faire coucou", "bonjour"
   (n'imite pas)
- Absence d'angoisse lors de la séparation d'avec les personnes qui
   s'occupent habituellement de lui.
- Absence d'angoisse de l'étranger.

Pour comprendre :

On sait que l'angoisse de l'étranger apparaît normalement vers 8 mois. L'enfant, lorsqu'il est mis en présence d'un étranger en l'absence de sa mère, montre, à cette période, des manifestations plus ou moins importantes d'angoisse.

Celles-ci traduisent l'installation d'une image intériorisée de la mère (représentation psychique) dont la confrontation avec la perception de l'étranger vient signifier pour lui l'absence maternelle, source d'angoisse (deuxième organisateur de Spitz).

Le deuxième organisateur est le témoin de la capacité nouvelle du bébé à se représenter mentalement sa mère. Cette capacité n'existe pas chez le petit enfant autiste (Cf. cours sur le développement normal du nourrisson)



⇒ Durant la deuxième année

Les signes précédents se confirment, notamment le désintérêt pour les personnes, une fascination trop vives pour les stimulations sensorielles.

D'autres signes peuvent être notés à cette période :

- Absence de "pointage" (c'est-à-dire d'utilisation, à partir de 9-14 mois,
   de l'index pour indiquer à une autre personne un objet source d'intérêt).
   L'absence de pointage est considérée comme très caractéristique d'autisme.
- Absence de jeux de "faire semblant" (c'est-à-dire de jeux symboliques,
   apparaissant dès l'âge de 12-15 mois, dans lesquels les objets sont utilisés
   comme s'ils avaient d'autres propriétés) également très spécifique.
- Les troubles du langage +++, constants :
        - peu ou pas de gazouillis - apparition tardive des premiers mots
          (après 18 mois)
        - absence d'utilisation du "je"
        - écholalie.
- Pauvreté des jeux, absence d'imitation des mimiques, des gestes…
- Anomalies de la marche avec évitement de l'appui plantaire en position
   debout entraînant une marche sur la pointe des pieds
- Phobies de certains bruits (en particulier les bruits mécaniques)
- Manifestations d'autoagressivité, automutilations
- Stéréotypies gestuelles.

Le diagnostic ne peut s'appuyer que sur la présence d'une constellation de signes et surtout sur l'impression persistante de difficultés majeures de la communication de la part de l'enfant.

Ce diagnostic, nous le rappelons à nouveau, doit être très prudent et peut nécessiter une période d'observation, soit au domicile de la famille, soit dans une structure d'accueil à temps partiel.


7°/ Problèmes diagnostiques et diagnostics différentiels

L'autisme associé à un retard mental.

Dans ces situations, le retard mental est souvent reconnu en premier, les signes autistiques étant découverts lors des premiers bilans.

Il convient de différencier l'autisme débutant d'autres pathologies qui lui sont d'ailleurs parfois associées :

⇒ Une surdité précoce
   
Le diagnostic entre ces deux affections peut être d'autant plus difficile
   que certaines surdités s'accompagnent de comportements d'allure psychotique
   (isolement et autostimulations notamment) et qu'il existe d'autre part, comme
    nous l'avons vu, de réels syndromes autistiques associés à un authentique
    déficit auditif. Dans les cas les plus difficiles, l'évolution de la communication
    de l'enfant sous appareillage permettra d'affiner le diagnostic.

⇒ La cécité
   
Le commentaire est le même qu'en ce qui concerne la surdité.

Les carences affectives précoces et les dépressions infantiles
   
Ces deux affections peuvent s'accompagner de signes d'allure autistique
   (isolement et autostimulations en particulier à type de balancement).
   Toute séparation précoce prolongée d'avec sa mère (ou son substitut)
   ainsi que certaines carences intra-familiales graves peuvent déclencher
   des tableaux qui font parfois évoquer une psychose infantile débutante.
   Toutefois, si la situation est prise à temps, tous ces signes disparaissent
   lorsque l'enfant est placé dans des conditions affectives satisfaisantes.
   Il reste cependant probable que dans les cas de carence affective prolongée,
   le tableau peut évoluer vers d'authentiques psychoses.

⇒ Le retard mental
 
Autisme et retard mental ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. La majorité
   des enfants autistes ont un retard souvent important, mais leur fonctionnement
   intellectuel est hétérogène et diffère de celui des enfants retardés du même niveau.

8°/ Formes cliniques

Les autistes de "haut niveau"

Moins le retard est sévère et plus les particularités de la communication dominent la symptomatologie; elles ne se voient pas toujours facilement dans la vie quotidienne. Certains autistes appelés "autistes savants" développent même des capacités exceptionnelles dans des domaines bien particuliers et restreints comme la mémorisation, les perceptions visuo-spatiales ou musicales… C'est le cas pour le Syndrome d'Asperger. On utilise généralement ce terme pour désigner des sujets ayant un passé d'autisme infantile plus ou moins prononcé mais ayant accédé au langage oral et écrit. Ils ont parfois un intérêt démesuré pour un domaine précis ou une aire de compétence particulière. Malgré ces acquisitions ou certaines performances parfois fascinantes, ces patients souffrent d'anomalies du contact social.

Le poly-handicap

Lorsqu'un retard de développement, des troubles neurologiques et des signes d'autisme sont associés, on parle de "poly-handicap avec autisme". Le secteur de la communication est alors le plus souvent perturbé; il existe des comportements caractéristiques (stéréotypies…)



EVOLUTION DE L'AUTISME ET DES PSYCHOSES PRECOCES


Cette question est essentielle.

Deux grands volets sont à distinguer : celui du pronostic lors de la découverte de la pathologie, et celui de l'évolution réellement constatée lors du suivi longitudinal des patients.

1°/ Les facteurs pronostics

La question du pronostic renvoie au questionnement des parents : que va devenir notre enfant ? Cette question est parfaitement légitime mais se heurte à des réponses aléatoires de la part des professionnels, certaines vécues comme alarmistes, d'autres comme insuffisantes voire désinvoltes. L’expérience clinique montre que la qualité de la relation thérapeutique avec l'enfant et son entourage importe bien plus que des réponses "toutes faites" qui atteindront très vite leurs limites voire produiront des effets délétères.


- Facteurs liés à l'enfant lui-même

On retiendra comme éléments de meilleur pronostic :

                 - l'absence de déficience intellectuelle précoce
                 - l'apparition du langage avant 5 ans
                 - les formes d'apparition plus tardive (dysharmonies psychotiques) par
                    rapport aux formes d'apparition plus précoce (autisme de Kanner)

- Facteurs liés à l'environnement

On retiendra conne facteurs de meilleur pronostic :

                 - la précocité du diagnostic et donc de la prise en charge
                 - la qualité de la prise en charge
                 - la qualité de la coopération et du soutien familial.


2°/ L'évolution à long terme

Elle est extrêmement variable et fonction de multiples facteurs (dont les facteurs pronostics déjà évoqués) parfois d'ailleurs difficiles à identifier clairement.

Au mieux, certains patients (environ 20 %) s'insèreront correctement sur le plan professionnel et social.

Certains autres développeront une certaine autonomie mais seront gênés par un certain déficit intellectuel ou certains traits de personnalité pathologique.

D'autres auront une évolution plus sévère avec, en particulier, une faible autonomie liée à un déficit intellectuel moyen ou sévère.

Un dernier groupe, de faible importance, est constitué de sujets qui évoluent à l'âge adulte vers une schizophrénie de l'adulte, avec un faible niveau d'adaptation psychosociale.


PRISE EN CHARGE DES ENFANTS AUTISTES ET PSYCHOTIQUES

Elle doit être nécessairement pluridisciplinaire et comporte trois grands volets : éducatif, pédagogique et thérapeutique. Ces trois domaines sont de nos jours étroitement imbriqués puisqu’il existe maintenant de nombreux liens (travail en réseau) entre les différentes structures d’accueil des enfants comme :

Structures scolaires spécialisées (après passage en commission spécialisée) :
               - Classes d’Intégration Scolaires (C.L.I.S.)
               - Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA)
               - Etablissements Régionaux d’enseignement adapté (EREA)
               - Instituts Médico-Educatifs (IME)
               - Instituts Médico-Pédagogiques (IMP)
               - Instituts Médico-Professionnels (IMPro)

Structures de soins :
               - Hôpitaux de jour
               - Centres de consultation (ou sont reçus l’enfant mais aussi ses parents)
               - Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiels (CATTP) etc.

Enfin, il convient de ne pas oublier le rôle de plus en plus prégnant des associations de parents d’enfants autistes. Au-delà des échanges sur l’expérience de chacun au quotidien, ces associations travaillent notamment au développement de structures d’accueil pour jeunes adultes autistes. Il faut en effet reconnaître que les prises en charge actuelles concernent essentiellement l’enfant et l’adolescent.

On peut ainsi retenir, en matière de prise en charge, que :

- Le travail éducatif vise à développer l’autonomie de l’enfant
- Le travail pédagogique s’intéresse à son développement intellectuel
- Le travail thérapeutique aide l’enfant à se constituer une identité
   suffisamment "solide" pour lui permettre de développer des modalités
   relationnelles de qualité. Précisément, en ce qui concerne
   la vie de relation de l’enfant, celle qui touche à la vie de famille
   se révèle souvent capitale dans le devenir du patient.
   A ce titre, les rencontres régulières avec les parents s’avèrent
   indispensables.

D'un point de vue médicamenteux :

Aucun traitement médicamenteux n’est curatif et la prescription médicamenteuse a une place secondaire dans les stratégies thérapeutiques chez l'enfant autiste. Elle est ajustée en fonction de chaque cas. Les neuroleptiques sont les molécules les plus prescrites; ils atténuent parfois la symptomatologie (en particulier l’angoisse de l’enfant psychotique) et favorisent ainsi la reprise du processus structurant ainsi que la qualité de la relation thérapeutique.

Pour en savoir plus…

Mazet P. & Coll. : Autisme infantile et psychoses précoces de l’enfant. Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, 37-201-G-10, 2001, 28 p.
Marcelli D. : Enfance et psychopathologie. Ed. Masson, 5ème édition, Paris, 1996, 286-326.
Ferrari P. : L’autisme infantile. Ed P.U.F. Coll. Que sais-je ? 3ème édition, 2001.

2 février 2006

Définition de l'autisme

Définition de l'autisme

A. La découverte de l'autisme

B. Différentes explications

C. Apparition du terme TED

D. Deux conceptions différentes: l'européenne et l'américaine

E. Définition

F. Prévalence et troubles associés

G. Causes
 
 

I. Historique et définition

A. La découverte de l'autisme

En 1943, Leo Kanner, psychiatre américain, publie un article décrivant 11 enfants présentant un ensemble de symptômes particuliers, qu'il regroupe en sept caractéristiques essentielles:

  • - la solitude;

  • - des obsessions pour des routines;

  • - une mémoire extraordinaire;

  • - l'écholalie;

  • - la sensibilité aux stimuli;

  • - une gamme d'intérêts limitée;

  • - une intelligence normale.

  • Kanner a attribué la présence de l'autisme principalement à l'attitude et à la qualité des contacts des parents envers leurs enfants. Cependant, il n'a pas exclu la possibilité que certains éléments caractériels des parents aient pu passer, de façon héréditaire, chez les enfants.

    Un an plus tard, en 1944, et de façon totalement indépendante, un médecin autrichien du nom de Hans Asperger publie une description d'un groupe de 4 enfants présentant ce qu'il appelle "une psychopathologie autistique". Un certain nombre d'éléments du fonctionnement de ces enfants peut s'apparenter à ceux du groupe de Kanner (le retrait social, les stéréotypes au niveau du langage et du mouvement, une résistance aux changements et un intérêt particulier pour certains objets ou sujets). Toutefois, deux aspects diffèrent: tandis que les enfants du groupe de Kanner avaient un langage très réduit, tous ceux du groupe d'Asperger s'expriment bien et ils sont, de plus, un peu maladroits en terme de motricité globale.

    Chacun des deux auteurs a emprunté le terme "autistique" à Eric Bleuler qui, dans un article en 1908, s'était servi de ce terme pour parler du retrait social qu'il avait observé chez un groupe d'adultes schizophrènes. Cependant, ni Kanner ni Asperger n'ont associé l'autisme à la schizophrénie (bien qu'ils le considéraient comme une psychopathologie): en effet, l'autisme se distinguait, pour eux, par trois éléments: le problème se présente en bas âge, le sévérité du problème semble diminuer un peu avec l'âge et aucun client n'avait rapporté d'hallucinations.

    • En 1966, Andreas Rett rapporte avoir identifié 22 personnes, toutes des filles, qui présentent un ensemble de comportements de type autistique, mais suite à une régression après les cinq ou six premiers mois de leur vie, période pendant laquelle leur développement avait été normal.

    B. Différentes explications

    Après cette période de découverte, vint une période d'explication, ou plutôt de tentatives d'explication. Dans les années 50, Bruno Bettelheim eut beaucoup d'influence avec une théorie qui expliquait les caractéristiques des enfants autistiques par la nature de l'interaction mère/enfant. Il avança la théorie de la "mère-réfrigérateur". De son point de vue, un enfant devient autistique parce qu'il ne peut supporter son environnement menaçant qui manque d'amour. Kanner fut tellement influencé lui-même par cette interprétation psychogénétique qu'il cessa de considérer la possibilité d'une composante héréditaire de l'autisme.

    Le terme "autisme" apparaît pour la première fois en 1968, dans la deuxième édition du manuel de diagnostic et de classification des troubles mentaux (DSM-II), de l'association psychiatrique américaine. L'autisme y est classifié comme la "schizophrénie infantile" et les termes "psychose symbiotique" et "psychose infantile" ont été employés comme synonymes.

    Cependant, les années 60, sont une période de questionnement sur les causes de l'autisme. En 1968, également, paraît un article qui marque le début du changement dans la façon de concevoir l'autisme et qui va vers ce qui est accepté de nos jours. Michael Rutter y publie les résultats d'une analyse exhaustive de la littérature sur l'autisme et les symptômes qui y sont associés. Il propose que ces symptômes soient regroupés en trois grandes catégories:

  • - un manque d'intérêt à socialiser avec les autres personnes;

  • - des perturbations de communication plutôt au niveau qualitatif que quantitatif;

  • - un manque d'imagination manifesté par des intérêts très limités ou des comportements rituels.

  • Rutter a de plus été le premier à spécifier que l'apparition de ces symptômes devait se faire avant l'âge de 3 ans. Au cours des années 70, l'idée fait, petit à petit, son chemin que l'autisme n'est plus une seule entité. En 1979, Lorna Wing propose que l'autisme soit un trouble parmi d'autres, dont le coeur des problèmes se situe au niveau de troubles de socialisation, de langage et d'intérêt/comportement.
     
     

    C. Apparition du terme TED

    En 1980, dans la troisième version du DSM, on voit apparaître le reflet de ce changement de perception. L'autisme s'appelle maintenant "l'autisme infantile" et est regroupé, avec trois autres troubles, dans une nouvelle rubrique intitulée "troubles envahissants du développement" (TED). Les TED sont définis comme un groupe de troubles sévères et précoces, caractérisés par des retards et des déformations du développement des habiletés sociales, cognitives et du développement de la communication.

    Le DSM-III-R, publié en 1987, regroupe les troubles faisant partie des TED, les faisant passer de quatre à deux: l'autisme et les TED non spécifiques. Pour la première fois, les critères utilisés pour poser le diagnostic sont concrets et opérationnels.
     
    En 1994, le DSM-IV positionne l'autisme comme un trouble parmi quatre autres de la catégorie TED. Aujourd'hui, font partie des TED:

            - l'autisme;

    • - le syndrome de Rett;

    • - les troubles désintégratifs de l'enfance (syndrome de Heller), aussi appelés démence infantile ou psychose désintégrative;

    • - le syndrome d'Asperger;

    • - les troubles envahissants du développement non spécifiques.

    Cette classification représente un consensus surtout américain, puisque la Classification Internationale des Maladies élaborée par des experts européens propose, dans sa dixième édition (CIM-10), huit sous-catégories pour les TED:

  • - l'autisme infantile;

  • - l'autisme atypique;

  • - le syndrome de Rett;

  • - le syndrome d'Asperger;

  • - les troubles désintégratifs de l'enfance; - les troubles d'hyperkinésie associés à la déficience intellectuelle et des mouvements stéréotypiques;

  • - les autres troubles envahissants du développement;

  • - les troubles envahissants du développement non spécifiques.

  • Nous pouvons retenir de cette différence qu'à défaut de s'entendre sur la classification et l'organisation des sous-catégories, les deux systèmes de classification tombent d'accord sur la notion des TED. Cette notion est l'aboutissement d'un processus d'évaluation de l'ensemble des symptômes présentés non seulement par des gens ayant la symptomatologie de l'autisme, mais également des gens présentant une symptomatologie semblable. Le résultat est l'identification de d'autres troubles regroupés dans la même grande catégorie.
     
     

    D. Deux conceptions différentes: l'européenne et l'américaine

    Il est utile de noter que le point de vue américain diverge de l'européen quant aux critères de classification utilisés pour établir un diagnostic, avec un impact sur l'intervention subséquente. La communauté médicale française a sa propre classification des maladies mentales (qui situe l'autisme dans la catégorie générale des psychoses infantiles (CCNE, 1996)) et n'utilise pas les classifications diagnostiques internationales reconnues par la communauté scientifique comme validées et fiables.

    Il n'y a pas de concordance entre les descripteurs principaux des différentes classifications. La majorité des psychiatres français privilégie l'hypothèse de l'origine psychogénétique et dirige ainsi les enfants vers le secteur psychiatrique avec une prise en charge d'inspiration psychanalytique. Au Québec, nous suivons au contraire le modèle américain.

    Bien que le diagnostic doit être posé par un psychiatre, l'hypothèse de l'origine organique des troubles du développement y est plus largement acceptée et les enfants tendent plutôt à bénéficier d'une éducation spécialisée spécifique à leurs caractéristiques en leur permettant de s'épanouir au maximum de leur personnalité.
     
     

    E. Définition

    La définition de l'autisme, selon le DSM-IV (1996, p.79), est mondialement reconnue (sinon utilisée). Les caractéristiques essentielles en sont "un développement nettement anormal ou déficient de l'interaction sociale et de la communication, et un répertoire considérablement restreint d'activités et d'intérêts. Les manifestations du trouble varient largement selon le stade de développement et l'âge chronologique" de la personne.

    Les critères diagnostiques du Trouble autistique (toujours selon le DSM-IV, sous le code 299.00) se retrouvent dans trois sphères et douze éléments:

    A) Un total de six (ou plus) parmi les éléments décrits en (1), (2) et (3), dont au moins deux de (1), un de (2) et un de (3):

    (1) altération qualitative des interactions sociales, comme témoignent au moins deux des éléments suivants:

  • (a) altération marquée dans l'utilisation, pour réguler les interactions sociales, les comportements non verbaux multiples, tels que le contact oculaire, la mimique faciale, les postures corporelles, les gestes;

  • (b) incapacité à établir des relations avec les pairs correspondant au niveau de développement;

  • (c) le sujet ne cherche pas spontanément à partager ses plaisirs, ses intérêts ou ses réussites avec d'autres personnes (par ex: il ne cherche pas à montrer, à désigner du doigt ou à apporter les objets qui l'intéressent);

  • (d) manque de réciprocité sociale ou émotionnelle.

  • (2) altération qualitative de la communication, comme en témoigne au moins un des éléments suivants:

  • (a) retard ou absence totale de développement du langage parlé (sans tentative de compensation par d'autres modes de communication, comme le geste ou la mimique);

  • (b) chez les sujets maîtrisant suffisamment le langage, incapacité marquée à engager ou à soutenir une conversation avec autrui;

  • (c) usage stéréotypé et répétitif du langage, ou langage idiosyncrasique;

  • (d) absence d'un jeu de "faire semblant" varié et spontané, ou d'un jeu d'imitation sociale correspondant au niveau de développement.

  • (3) caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités, comme en témoigne au moins un des éléments suivants:
    (a) préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d'intérêts stéréotypés et restreints, anormale soit dans son intensité, soit dans son orientation;
    (b) adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques et non fonctionnels;
    (c) maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs (par ex: battements ou torsions des mains ou des doigts, mouvements complexes de tout le corps);
    (d) préoccupations persistantes pour certaines parties des objets.

    B) Retard ou caractère anormal du fonctionnement, débutant avant l'âge de trois ans, dans au moins un des domaines suivants: (1) interactions sociales, (2) langage nécessaire à la communication sociale, (3) jeu symbolique ou d'imagination.

    C) La perturbation n'est pas mieux expliquée par le diagnostic de Syndrome de Rett ou de Trouble désintégratif de l'enfance.
     
     

    F. Prévalence et troubles associés

    Selon le DSM-IV (1996), les études démontrent que de 2 à 5 cas d'autisme apparaissent pour 10,000 personnes. L'ANDEM (Agence Nationale pour le développement de l'Évaluation médicale) de France parle plutôt d'un taux de prévalence de 4 à 5.6 . Dans la plupart des cas, il existe un diagnostic associé de déficience intellectuelle, dont la fréquence et la gravité varient selon les auteurs. Selon Goldberg (1986) , 85 % des enfants atteints d'autisme auraient également une déficience intellectuelle, la plupart du temps grave, alors que le DSM-IV, parle de 75% des enfants autistes qui auraient une déficience mentale associée, qui serait habituellement de sévérité moyenne (Q.I. 35-50) . Tous s'entendent pour dire que l'autisme touche plus souvent les garçons que les filles, dans une proportion de quatre à cinq hommes pour une femme, sauf l'ANDEM pour qui le "sex ratio" serait de 3 pour 1. Les variations rapportées par les études françaises peuvent s'expliquer par les différences dans la définition et la classification retenue.
     
     

    G. Les causes

    Les opinions varient sur l'origine de l'autisme, bien que la plupart s'entendent pour dire que les causes sont multiples (CCNE, 1996, p.10). Il y a grosso modo deux théories sur l'origine de l'autisme: l'hypothèse psychogénétique (privilégiée en France, comme nous l'avons vu), et l'hypothèse organique (plutôt envisagée ici en Amérique du Nord).

    Selon le CCNE (1996, p.8), la théorie psychanalytique de l'hypothèse psychogénétique explique l'autisme par une dysharmonie dans les interactions précoces entre la mère et l'enfant. Le syndrome autistique serait une modalité particulière d'organisation psychique en réponse à ce dysfonctionnement.

    La théorie psychanalytique a été développée dans les années 50, à une époque où l'on ne disposait pas des moyens actuels d'investigation du système nerveux central. Cette théorie n'a pas été construite sur des données scientifiques, mais elle s'appuie sur des études de cas et propose des modèles d'explication des symptômes à partir de concepts psychanalytiques. Il n'existe aucune étude épidémiologique permettant d'étayer cette théorie.

    Au contraire, des études entreprises dans les années 70, et, surtout anglo-saxonnes, mais corroborées par Fombonne (1995), montrent qu'il n'y a pas d'arguments en faveur des facteurs environnementaux, particulièrement ceux liés à la dépression de la mère. Si on suit les enfants de mères souffrant de dépressions sévères récurrentes, on constate qu'il n'y a pas d'association avec l'autisme. Les enfants élevés dans des conditions extrêmement défavorables comme certains enfants élevés en institutions ou en situation de carence affective ne sont pas sur-représentés dans la population des personnes autistes.

    Introduite dès 1965 par Bernard Rimland, l'hypothèse de l'origine organique de l'autisme est maintenant étayée par des études épidémiologiques qui en éclairent certaines facettes (CCNE, 1996, p.8).

    a) Facteurs infectieux

    Dans la catégorie des facteurs infectieux, on note que leur influence n'est pas démontrée. Bien que le DSM-IV (1996, p.81) mentionne que le syndrome autistique peut être associé à la rubéole congénitale, cela n'est pas concluant puisque certains cas de rubéole congénitale s'améliorent au fil du développement, contrairement à ce qui est observé dans l'autisme.

    b) Facteurs génétiques

    Les facteurs génétiques sont plus susceptibles d'apporter une explication, quoique partielle. Tant le CCNE que le DSM-IV affirment qu'il existe un risque accru de trouble autistique dans la fratrie des sujets atteints du trouble. Ce risque est de 3% (CCNE), ce qui est environ 60 fois plus élevé que dans la population en général. D'autre part, il existe une incidence élevée chez les parents aux premiers degrés (10% chez les parents et 20% chez les frères et soeurs) d'anomalies du développement du langage ou des relations sociales proches de celles observées dans l'autisme.

    Ces anomalies sont toutefois d'intensité mineure (phénotype élargi de l'autisme). Les études entreprises sur les jumeaux montrent chez les monozygotes une concordance de 60 à 70% et de 90% si l'on tient compte du phénotype élargi. Chez les dizygotes, la concordance est de 3 à 4 % et de 10% si l'on tient compte du phénotype élargi.

    Certaines maladies génétiques ou affections médicales ou neurologiques peuvent être associées à l'autisme (CCNE, 1996 et DSM-IV, 1996). Cette association serait d'environ 10% (CCNE). En ce qui concerne la sclérose tubéreuse, on constate que de 1 à 4 % des enfants autistes en sont atteints, alors que de 20 à 40% des enfants ayant la sclérose tubéreuse ont un syndrome autistique. Environ 5% des enfants autistes ont le syndrome de l'X fragile, mais ce pourcentage n'est pas plus élevé que chez les autres garçons déficients intellectuels non autistes. Inversement, 30 à 40% des garçons atteints du syndrome de l'X fragile ont un syndrome autistique.

    Mais il y a trop de filles atteintes d'autisme pour que le syndrome soit uniquement lié au chromosome X. L'autisme serait le trouble psychopathologique le plus largement transmis. Les facteurs génétiques semblent donc déterminants. Les données disponibles suggèrent qu'il ne s'agit pas d'une maladie monogénique (CCNE).

    c) Facteurs neurobiologiques

    Pour certains (CHU de Tours, en France, cité dans CCNE), des études du taux de sérotonine dans le sang conduiraient à penser que les systèmes producteurs et régulateurs des catécholamines pourraient être impliqués dans la physiopathologie du syndrome de l'autisme. Cependant, cette hypothèse est considérée comme n'ayant aucune valeur diagnostique par le DSM-IV (1996).

    d) Facteurs cérébraux

    D'autres chercheurs se sont penchés sur le dysfonctionnement du cerveau et, par imagerie cérébrale, ont essayé de comprendre l'autisme (Bachevalier, 1994; Chesselet, 1984; Courchesne, 1995; Gedye, 1991; Goodwin et al, 1971; Hashimoto et al, 1989, 1995; McKelvey et al, 1995; Nowell et al, 1990; Piven et al, 1995; Thivierge et al, 1990; Zibovicus et al, 1995). Une étude du débit sanguin cérébral a permis de constater un hypodébit frontal chez les enfants autistes âgés de 3 ans. Un nouvel examen chez ces enfants, à l'âge de 6 ans, a montré que le débit était devenu normal. Ces résultats suggèrent un retard de la maturation métabolique des lobes frontaux chez les enfants autistes (CHU de Tours, cité dans CCNE, 1996).

    *Paradis, Suzanne. (1997). Revue de littérature sur l'autisme. Granby: Les Centres Butters-Savoy et Horizon

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