article publié sur le site d'Autisme Infantile le 18 juin 2012
Le frère de « l’autiste »!
Léonard, mon fils porteur d’autisme, a eu un petit frère quand il avait 8 ans:
Ismaël, qui va avoir 3 ans cet été.
Je parle rarement de lui ici, puisqu’a priori il n’est pas autiste, mais je me suis dis que je pouvais bien lui consacrer un article quand même, surtout que sa vie est pas mal conditionnée par l’autisme de son frère.
J’ai ’écrit « a priori » parce qu’à cet âge-là je ne savais pas encore pour Léo, et que maintenant je sais donc qu’on peut apprendre bien après la naissance de son enfant qu’il peut être différent (avant de savoir pour Léo, je ne savais pas; mais en fait, avant de savoir pour Léo, j’ignorais tout des différents handicaps).
Aujourd’hui, j’ai envie d’écrire un article sur ce petit garçon qui a forcément une vie différente puisqu’il a un frère différent, avec une prise en charge et une scolarité à l’extérieur, mais aussi à la maison.
Déjà, il faut savoir qu’Ismaël vit en résidence alternée (une semaine chez son père, une semaine chez moi avec son frère) depuis qu’il a 17 mois, et cela est en partie dû justement à l’autisme de son frère.
En effet, une psychologue a jugé bon, lors d’une expertise médico-psychologique demandée par le TGI, de préconiser une résidence alternée pour un enfant âgé alors de 9 mois, ainsi qu’un mode de garde en collectivité (je suis en congé parental) afin qu’il soit le moins possible en contact avec sa mère psychogène (moi), puisqu’elle a été capable de rendre son fils aîné autiste.
Dans l’expertise, c’est écrit comme ça:
« Il nous semble fondamental pour la construction psychique de ce jeune enfant, qu’un tiers puisse s’instaurer dans la relation mère-enfant. En effet, si le lien maternel est primordial pour les jeunes enfants, il convient également que la mère n’instaure pas une relation exclusive de toute puissance avec l’enfant. »
(…) « Dans ce contexte, nous préconisons pour l’enfant Ismaël, une résidence alternée d’une semaine chez son père et d’une semaine chez sa mère (…). L’admission dans un lieu d’accueil de la petite enfance nous parait également souhaitable ; ainsi Ismaël pourrait bénéficier d’un espace intermédiaire et stable qui pourrait faire le lien entre sa double vie. »
Je ne sais pas si je dois être parano ou pas, mais ce passage où l’on parle de stabilité dans un lieu d’accueil me parait quelque peu accusateur pour mon foyer: élèverai-je mes enfants dans l’instabilité?!
Bref, d’entrée de ce jeu, Ismaël se trouve « victime », je trouve, de l’autisme de son frère, mais heureusement il ne le vit pas trop mal!
Ismaël adore Léonard, c’est son héros. Il veut faire tout comme Léonard: aller à l’école bien sûr, mais aussi au SESSAD (gloups!), faire du théâtre, du judo, de la planche à voile, du ski comme Nonarrrr (c’est ainsi qu’Ismaël appelle son frère), et même porter des slips comme Nonarrrr! J’adore! Je suis vraiment heureuse (malgré le contexte) d’avoir pu créer une fratrie unie.
Pour Léonard, c’est peut être un peu plus compliqué: il a du mal à prêter ses affaires (ils n’ont pas la même chambre). Pour lui, qui a été fils unique pendant 8 ans, et qui tient à ses affaires (surtout à celles appartenants à de ses intérêts restreints) comme à des trésors, c’est un peu compliqué pour lui de voir tous ses Max et Lili rangés dans le désordre.
Léonard a 71 Max et Lili, et ils sont rangés sur son étagère par ordre. Il adore les Playmobils et ne supporte pas de perdre des épées, des chapeaux, des capes, alors il a peur et se met a hurler dès qu’Ismaël s’approche d’un peu trop près!
Seulement, grâce à son frère, Ismaël connaît aussi les 71 Max et Lili: il connaît les titres de tous ceux que nous avons à la maison, et peut donner le titre juste en voyant la couverture – et cela depuis qu’il a 2 ans! Il connaît également Tintin et tous les personnages de Tintin. Il connaît Astérix, Obélix, etc., et sait que ce sont des Gaulois. Il connaît Cléopâtre, César et l’espion de César. Il connaît Louis XIV (programme d’histoire de CM2), il sait qu’on l’appelait le Roi Soleil et qu’il habitait à Versailles.
Bref, Ismaël est certainement le petit garçon le plus cultivé de sa halte-garderie grâce à l’autisme de son frère!
Le 2 mai 2012, je suis allée avec mes deux garçons sur le Parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, car c’était la journée de l’autisme. Ismaël a adoré « la fête de l’autisme » et demande régulièrement à y retourner!
Depuis que j’écris pour Autisme Infantile, et depuis la mobilisation soulevée par le film Le Mur de Sophie Robert, je connais plein de mamans crocos, et plein d’enfants autistes. Ismaël est complètement intégré dans ce « monde » d’enfants NT et atteints de TSA.
Une enseignante de VECV et l’éducatrice spécialisée du SESSAD interviennent à la maison, et durant ces moments-là nous devons laisser Léonard « travailler ». Ismaël adore ces dames qui viennent pour Léonard, il est ravi d’apporter le thé à l’enseignante, et fait de gros bisous à l’éducatrice (qui est très jeune et très jolie).
Notre emploi du temps est tributaire des interventions pour Léonard, mais j’essaie de faire en sorte de passer de bons moments avec lui, même quand nous sommes coincés à la maison parce que Léonard travaille.
Ismaël semble être un peu garçon heureux et épanoui (ce qui me semble miraculeux, vu le contexte et sa situation parentale). Il sera ouvert à la différence et ça ça me fait plaisir! Il sera un petit bonhomme tolérant, pour qui le handicap fait parti intégrante de la vie.
J'ai beaucoup aimé ce reportage je l'ai trouvé juste, et ne tombant jamais dans le "pathos". La participation de personnes atteintes d'autisme, était vraiment nécessaire, j'ai beaucoup aimé que la parole leur soit donnée (trouver un moyen de les faire communiquer n'est t'il pas le premier pas vers une possible amélioration?...).
J'ai évidemment été touchée par les témoignages, par les images de la fiction, par le fait d'y voir des comportements de ma puce, les situation de la vie quotienne difficiles, (même si ses troubles sont plus modérés). J'ai eu un sourire en revoyant des images de l’hôpital RD, et du service du docteur Chabanne, ou la puce été diagnostiquée.
Et j'ai eu ce même sentiment de fierté que toi d'appartenir à cette "famille", d'en connaitre ses joies, ses peines, ses colères, ses espoirs.
Pourtant, malgré l'évolution, malgré cette émission, malgré le plan autisme 2012, et ceux qui suivront, je reste pessimiste.
A la fin du reportage, mon mari me faisait remarqué que la solution est simple, et pas si coûteuse que ça: imposer aux médecins des CMP, CAMPS,SESSAD, IME etc.. déjà en place l'obligation d'utiliser les méthodes recommandées par la HAS, et les menacer de les "déboulonner" s'ils ne le font pas, et mettre en application cette sentence... Malheureusement les médecins sont intouchables...
Quand j'entends que l'on expérimente des choses, que ça marche, mais que l'on va continuer a expérimenter parce que, on est pas sûr... ça me donne envie de hurler!
Et puis je déteste cette petite phrase "il faut que l'on soit sûr que les méthodes comportementales soient efficaces, on ne veut pas laisser la porte ouverte aux charlatans..." et à chaque fois que j'entends ça je me dit "ha oui... et les méthodes que l'on utilise depuis 50 ans elles donnent quoi comme résultat? elles ont été évaluées? elles sont peu coûteuses à la société?".. la réponse est non bien entendu. Mais les révoquer serait se mettre à dos toute une profession, alors en bon politique ils tentent de ménager la chèvre et le chou...
Tant que personne ne prendra de décision radicale, les choses n’évolueront qu'à petit (tout petits) pas.
Désolée, d'être si négative.
Dernièrement j'ai été blessée, par des paroles prononcées par des personnes de ma connaissance, en ma présence, alors qu'ils sont au courant des troubles de ma fille (ils ont utilisé le mot autiste comme une insulte pour ce moquer d'une personne) et je ne crois pas que le visionnage du reportage leur aurait fait comprendre leur stupidité aussi sur ce point je rejoins le témoignage du jeune garçon présent sur le plateau...
Je garde pourtant un petit espoir... un espoir de me tromper, un espoir de voir tout ça changer... tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir après tout.