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"Au bonheur d'Elise"
20 mars 2016

Autisme : le cri d'alarme de parents auprès de François Hollande

12h25, le 20 mars 2016

Autisme : le cri d'alarme de parents auprès de François Hollande © AFP

Le manifeste demande aussi que l'accueil des enfants autistes dans les écoles publiques soit généralisé, réclame des recrutements et une formation spécialisée des AVS.

Des chiffres sur l'autisme "qui explosent", et "plusieurs décennies" de retard dans la prise en charge de ce handicap en France: l'association de parents SOS Autisme fait dix propositions dans un manifeste devant être remis à François Hollande avant la journée de l'autisme du 2 avril.

250.000 enfants concernés en France. Un nouveau-né sur 100 serait atteint de troubles du spectre de l'autisme (TSA), et "650.000 personnes, dont 250.000 enfants", seraient concernés en France, selon SOS Autisme. "On ne guérit pas de l'autisme, mais la précocité du diagnostic, associée à une prise en charge adaptée, suivant les préconisations de la Haute autorité de santé (HAS), permettent de faire progresser l'enfant au point d'avoir une vie +normale+", souligne l'association dans son manifeste.

Dix propositions soumises à Hollande. La HAS a estimé en 2012 que l'approche psychanalytique, "non consensuelle", n'avait pas fait la preuve de sa pertinence, et a recommandé, dès le plus jeune âge, des méthodes éducatives et comportementales, telles la méthode ABA (Applied Behavior Analysis), qui travaillent sur les apprentissages à l'aide de jeux ou pictogrammes. Parmi les dix propositions qui doivent être remises au chef de l'Etat, ainsi qu'à plusieurs ministres (Santé, Famille, Handicap) et élus, l'association demande une prise en charge par la Sécurité sociale de soins prescrits par les médecins mais non remboursés (psychologues spécialisés en méthode ABA, psychomotriciens, ergothérapeutes). Seules les séances d'orthophonie sont remboursées.

Entre 2.000 et 3.000 euros par mois. "La prise en charge correcte d'un enfant autiste se situe entre 2.000 et 3.000 euros par mois, dépenses impossibles pour la grande majorité des familles", souligne le manifeste. "Mon fils Ruben, 10 ans, est aujourd'hui scolarisé en CM1, avec une AVS (ndlr: auxiliaire de vie scolaire) privée", témoigne la présidente de SOS Autisme, Olivia Cattan, ancienne journaliste. "Il parle avec un vocabulaire élaboré, a 16 de moyenne, mais fait toujours des crises de violence. Il n'a plus de prise en charge psychologique car je n'ai plus les moyens".

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4 avril 2016

Autisme : Si l'Etat aidait les familles, elles s'épuiseraient moins

A l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Sandra, maman de deux enfants autistes, se confie sur les difficultés qu'elle rencontre au quotidien.

Interview.

Sandra est maman de deux garçons : Samy et Eddy, 8 et 9 ans, tous deux autistes. A l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, cette mère de famille nous raconte quels signes l'ont alertée, comment ont été diagnostiqués ses enfants et quelles difficultés elle a rencontré…

Quels signes vous ont alertée ?

Sandra : Eddy a toujours été un enfant anormalement calme. Il ne me regardait pas dans les yeux, n'interagissait pas avec son environnement, souffrait d'un retard des acquisitions. C'était également compliqué de l'alimenter. Evidemment, j'ai été très attentive à Samy, son petit frère, et ai observé les mêmes symptômes. Il avait toutefois plus de crises que son grand frère et était encore plus difficile au niveau de l'alimentation puisqu'il ne mangeait que trois sortes de petits pots jusqu'à ses 4 ans.

Comment ont été diagnostiqués vos enfants ?

Mes fils ont été diagnostiqués quasiment simultanément à l'âge de 3 et 4 ans, mais cela a été un long parcours du combattant. En effet, lorsque j'ai décelé les premiers symptômes, j'ai commencé à m'inquiéter mais la pédiatre me rassurait systématiquement. Je voyais pourtant que j'étais rattrapée par la réalité. Je me suis donc documentée sur Internet et ai fait seule le diagnostic. Après leur avoir fait faire un test auditif sur les conseils de mon médecin généraliste, j'ai pris rendez-vous avec un pédopsychiatre. J'ai attendu 18 mois avant d'avoir le rendez-vous puis de nouveau un an avant d'avoir un bilan. Pendant ce temps, je me suis débrouillée… J'ai suivi plusieurs formations ABA (Analyse Appliquée du Comportement) qui m'ont permis de mieux prendre en charge mes enfants et qui m'ont aidée à comprendre leurs comportements.

Comment ont-ils été pris en charge ?

Avant d'entrer en école spécialisée, mes fils allaient le matin à l'école maternelle et avaient ensuite leurs rendez-vous chez l'orthophoniste, la psychomotricienne… C'est seulement un an et demi plus tard qu'ils ont eu une prise en charge adaptée. A ses 4 ans, Samy est en effet entré en classe soleil dont l'objectif est d'intégrer les enfants autistes dans une école classique. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé puisque Samy, qui est passé d'autiste sévère à autiste léger, est entré trois ans plus tard en CP et est aujourd'hui en CE1. Eddy, lui, a été admis à 6 ans dans l'école pilote Agir et Vivre l'autisme. Il se rend par ailleurs une matinée par semaine dans une école classique afin de se sociabiliser. Ses progrès ont été moins spectaculaires que ceux de Samy puisque contrairement à son petit frère qui est devenu verbal à ses 4 ans et demi, Eddy ne parle pas. Il communique avec sa tablette par le biais de pictogrammes. Toutefois, ils ont une bonne relation et s'apportent énormément mutuellement.

Comment la prise en charge de l'autisme pourrait-elle être améliorée en France ?

L'Etat a fait de bonnes choses pour les personnes autistes. La formation des aidants est désormais gratuite, il y a également une campagne de sensibilisation à l'autisme. En revanche pour les familles, les moyens ne sont pas suffisants. La prise en charge d'un enfant autiste est de 3 000 euros par mois, c'est considérable. De plus, c'est très difficile d'obtenir une place dans une école pilote ABA car peu de places sont disponibles. C'est ainsi regrettable que le modèle de la classe soleil ne soit pas repris. Elle est composée d'une équipe de professionnels qui forment également les parents, et est gratuite. C'est une chance pour les familles !

"Je connais des parents qui sont prêts à s'endetter pour soigner leur enfant."

Aujourd'hui, la plupart des parents doivent se battre pour obtenir une auxiliaire de vie scolaire (AVS) qui, en plus, n'est souvent pas formée. C'est alors à eux de prendre en charge sa formation. Il est certain qu'une aide financière de la part de l'Etat est indispensable. Je connais des parents qui sont prêts à s'endetter pour soigner leur enfant. Il faut aussi savoir qu'il n'y a pas de système de garde pour les enfants autistes. Dans mon cas, j'ai dû arrêter de travailler pour pouvoir m'occuper de mes fils. Ce n'était pas possible autrement.

Où trouvez-vous l'énergie ?

Le handicap est une vraie leçon de vie. Avec mes deux garçons autistes, je relativise beaucoup plus qu'auparavant. Mes enfants sont mon moteur. En revanche, il est certain que si l'Etat aidait les familles, elles s'épuiseraient moins. Le fait de voir un psychologue, chose que l'on ne m'a pas proposé, m'a également fait beaucoup de bien. Avec un divorce et le handicap de mes deux enfants, j'étais dans une situation compliquée. J'ai ainsi préféré faire la démarche.

Quels conseils donnez-vous aux parents ?

Les parents doivent absolument s'investir car ils sont les premiers éducateurs de leur enfant. C'est ainsi important qu'ils se forment, se battent pour obtenir les meilleures places en école spécialisée même si cela est compliqué. Il faut savoir que tous les enfants autistes progressent, à des rythmes différents soit, mais encore faut-il pour cela ne pas les laisser tomber. Pour réussir à tenir, les parents doivent ainsi faire attention à eux. Il est donc essentiel qu'ils soient suivis et accompagnés par un psychologue. Car si les parents vont mal, comment peuvent-ils soigner leur enfant ?

Plus d'informations :

Ecole soleil - Institut Saint Dominique à Neuilly-sur-Seine.

Ecole pilote Agir et vivre l'autisme à Paris (20e).

Formation ABA de Julie Tuil

13 avril 2016

Les conseils départementaux et l'autisme : un exemple dans le Finistère

article publié dans MEDIAPART13 avr. 2016
Par Jean VinçotBlog : Le blog de Jean Vinçot
Les conseils départementaux ont un rôle essentiel dans le financement des dispositifs pour les personnes handicapées, essentiellement pour les adultes. Nos associations doivent s'impliquer dans le fonctionnement des MDPH. Il nous faut des SAVS et SAMSAH pour vivre en milieu ordinaire. Revue de détail à l'occasion de la préparation d'un schéma handicap dans le Finistère.

Nous négligeons trop souvent le rôle majeur des conseils départementaux dans le handicap.

A l'occasion du 4ème schéma départemental pour personnes handicapées du Finistère 2013-2018, nous avons eu l'occasion de participer à sa préparation. Nous étions 2 dans le groupe de travail n°2 : « adapter l'offre aux besoins et s'assurer de la pertinence de l'offre existante » : Yves (de l'ADAPEI, père d'un adulte non-verbal, actuellement en MAS) et moi (père d'une aspie de 30 ans, Asperansa). Nous nous sommes concertés aussi avec Autisme Cornouaille et Lud'Autisme

Nous avons bénéficié d'un contexte politique favorable, le Conseil Général - avec Nathalie Satrrabezolles, à l'époque 1ère vice-présidente du Conseil Général - ayant dès le départ indiqué qu'il y aurait un volet autisme.

Dans ces discussions, nous sommes bien entendu solidaires des autres associations qui réclament des « places ».

Mais, en ce qui nous concerne, les seules structures spécialisées autisme dépendent de l'ARS (SESSAD Autisme, SACS de Quimper, sections TED d'IME – pour les enfants -, MAS de Ploudalmézeau – pour les adultes).

Les personnes autistes, quand elles sont dans des institutions, sont dans des structures « généralistes », non formées à l'autisme, non organisées en fonction de ce handicap.

Un recensement a été effectué dans le cadre de la préparation du schéma :

Type de structures et % personnes TED

  • Foyer de vie – Foyer d’accueil médicalisé – accueil de jour /// 24,21%
  • Foyer d'hébergement ou unités de vie extérieures pour travailleurs d'ESAT /// 14,32%
  • SAVS (service d'accompagnement à la vie sociale) /// 2,29%
  • MAS (maison d’accueil spécialisé) /// 16,68%
  • Soins de suite et de réadaptation SSR – SAMSAH – SSIAD – MAPHA et autres structures /// 16,10%

D'autres études ont été faites ensuite par l'ARS et les CD.

Les personnes TED sont bien présentes, et surtout dans les structures les plus éloignées du milieu ordinaire.

Le financement des 3 premiers types de structures dépend exclusivement du Conseil Départemental (partiellement pour les FAM : part assurance maladie pour les soins).

Ce qui nous importe, pour nous associations défendant les personnes autistes, c'est d'abord d'améliorer la qualité de l'accompagnement. Un mauvais accompagnement peut se traduire par l'apparition de troubles du comportement, une escalade médicamenteuse, une orientation vers une autre structure … mais avec longue liste d'attente.

C'est actuellement la situation de « Krys », jeune adulte dans un foyer de vie. Nombreux psychotropes prescrits. Comme il s'ennuie, il démonte des trucs. Le foyer de vie l'a envoyé régulièrement à l'HP. La commission (départementale) de régulation des admissions l'a classé comme prioritaire pour la MAS autisme. Il est envoyé dans une structure de répit. Mais cette structure, au bout d'une journée, ne l'accepte que si les parents le reprennent pendant la nuit ! Seule solution, la Belgique ...

Un pouvoir important dans les MDPH

Les conseils départementaux assurent la tutelle des MDPH. Ils ont la moitié des voix dans la COMEX (commission exécutive). Nous devons donc nous adresser au CD en demandant des moyens pour le fonctionnement de la MDPH, en proposant des améliorations des procédures, et, sur le fond, en faisant en sorte que les moyens de compensation accordés soient efficaces pour l'autisme.

Les actions pour obtenir un fonctionnement correct des MDPH doivent être soutenues par l'ensemble des assos de personnes handicapées : délais, proposition préalable de plan personnalisé de compensation, possibilité de participation à la réunion de la CDAPH, motivation des décisions, réception par l'équipe pluridisciplinaire sur demande … sont des problèmes communs (voir enquête Toupi et Cie …). 

Les actes du colloque CRA-MDPH (septembre 2014) permettent de voir ce qui peut être amélioré dans les MDPH  en lien avec l'autisme:

  • grille d’évaluation (GEVA) des besoins adaptée dans les Pyrénées-Atlantiques (pp.19-24) – à noter que ce département avait commencé à prévoir un volet autisme

  • étude d’évaluation des besoins des enfants en Basse-Normandie (mais sans concertation avec les assos) (pp.25-28)

  • évaluation pluridisciplinaire des situations complexes en cellule 16-25 ans /Val-de-Marne (pp.29-31)

  • Pratiques de collaboration entre CRA et MDPH sur les situations complexes / Pas-de-Calais . Correspondants autisme, situations complexes (pp.31-34)

  • Livret autisme Rhône-Alpes (pp.36-37)

  • prise en compte des interventions en libéral / Languedoc -Roussillon (pp.37-39)

Il faut compter sur la publication du guide CNSA sur les TED (comme celui sur les dys auparavant)  pour améliorer le contenu des décisions des CDAPH. Cette publication est annoncée incessamment. Il faudra aussi que soient mises en place les plate-formes d'intervention en libéral.

Les MDPH doivent jouer un rôle dans l'expression des besoins. Cela implique que les certificats médicaux utilisent les classifications internationales reconnues, et que les MDPH enregistrent ces codifications dans leur système d'information, comme c'est légalement prévu. « Bizarrement », en matière d'autisme, il y a floraison d'étiquettes obsolètes. Lorsque les MDPH ne veillent pas à exiger des médecins un diagnostic conforme aux données de la science et qu'elles n'enregistrent pas ces données dans leur système d'information, elles privent les politiques de moyens pour mener une politique du handicap.

A noter : les décisions concernant la PCH, financée par le département, ne représentent que'1,86% des décisions de la MDPH concernant les enfants. Par contre, 61,35% concernent l'AEEH et son complément – financées par les Prestations Familiales. La PCH (et l'ACTP) représentent par contre 9,54% des décisions concernant les adultes. (Bilan 2012 – MDPH 29)

SAVS (service accompagnement à la vie sociale) pour les personnes TED

 

Dépliant SAVS TED 29 Dépliant SAVS TED 29

Les SAVS assurent aux personnes handicapées adultes (plus de 20 ans) :

  • a) Une assistance ou un accompagnement pour tout ou partie des actes essentiels de l'existence ;
  • b) Un accompagnement social en milieu ouvert et un apprentissage à l'autonomie.

Lors de la préparation du 4ème schéma, il y a eu des débats, à partir de l'expérience, sur la spécialisation des SAVS par type de handicap.

Le Conseil Général avait financé partiellement une antenne d'Handisup Bretagne à Brest, pour les étudiants. 

Le Collectif des Associations de Personnes Handicapées du Finistère a critiqué cette création, qui ne correspondait pas à une demande des associations.

Des étudiants autistes ont été accompagnés par Handisup. Nous n'avions, en fait, aucune alternative à leur proposer.

Il y avait 797 places de SAVS sur le Finistère, surtout dans des services spécialisés par type de handicap. Mais aucune place pour les troubles TED ou dys. Des SAVS « transversaux » existent pour des anciens travailleurs des ESAT. Une quinzaine d'adultes TED seulement bénéficiaient d'un accompagnement par un SAVS.

La MDPH orientait les adultes TED vers des SAVS handicap psychique. Dans le groupe de travail sur le sujet, nous nous sommes aperçu que la responsables d'un de ces SAVS était à côté de la plaque – idéologiquement - en matière d'autisme : « qu'est ce qu'un trouble neurodéveloppemental ? », « pour les adultes autistes, à la différence des enfants, il n'y a besoin que de soins ». De plus le mode de fonctionnement de ces SAVS est étroitement lié aux relations avec l'HP. La prise en charge est basée sur un contrat de suivi des soins.

Il faut donc des SAVS spécifiques pour les TED.

Le Conseil départemental a adopté cette orientation dans son 4ème schéma. Un appel à projets a été fait pour un SAVS TED et dys – 20 places. Il y a eu deux candidatures, chacune pour 10 places : l'une pour les dys, l'autre pour les TED. Cela correspondait au souhait des associations. Le SAVS TED a été attribué aux Genêts d'Or. Ces locaux sont au même endroit que le CRA, à Guipavas. Il a 10 places financées par le CD (17.000 € environ par personne par an). Le « recrutement » des bénéficiaires a commencé en août 2015 : le service était complet dès octobre, et la liste d'attente s'allonge.

Un volet important de l'activité du SAVS est le « job coaching », l'accompagnement pour l'emploi. Ce que n’assure pas vraiment un SAVS handicap psychique, selon notre expérience.

Par ailleurs, le Conseil départemental a renouvelé, à titre expérimental, pour 2015-2016 la convention avec Handisup Bretagne : l'intervention est limitée au Finistère (auparavant Handisup Brest intervenait sur le Morbihan aussi) et commence dès la seconde et pour tous les dispositifs d'alternance.

Cependant, l'accompagnement des étudiants TED est souvent insuffisant. Il n'y a pas de vrai tutorat pour leurs études, malgré leurs difficultés de planification. Et l'accompagnement à la vie sociale est insuffisant dès lors qu'ils ne vivent pas chez leur sparents.

Des SAMSAH TED à créer

Les SAMSAH ont les mêmes fonctions que les SAVS, mais ont aussi du personnel médical.

La création de SAMSAH et leur financement résultent d'une décision commune entre le conseil départemental et l'ARS.

Une étude du CREAI Bretagne pour l'ARS que 4 SAMSAH avec orientation TED en France. (voir pp.49-51 - février 2014)

40 places handicap psychique et TED étaient prévues pour le département du Finistère. Il y a eu une hésitation au départ : fallait-il des SAMSAH communs ou séparés (handicap psychique et TED) ? Le choix a été fait, à juste titre, de SAMSAH séparés. L'appel à candidatures pour des SAMSAH handicap psychique a été fait, et les SAMSAH mis en place (Nord et Sud du département, comme souvent).

Mais rien n'apparaît pour des SAMSAH TED pour le moment dans les annonces de l'ARS et du Conseil Départemental (ces organismes sont tenus de faire connaître à l'avance le programme des appels à projets).

Les GEM (groupes d'entraide mutuelle) pour les personnes TED ?

Les GEM doivent lutter contre l'isolement des personnes avec troubles psychiques ou cognitifs : ces personnes doivent s'auto-organiser avec le soutien d'une association.

Ils sont financés à raison de 75 000 € par an par la CNSA. Cela permet de rémunérer à peu près deux animateurs.

En Bretagne, ils sont répartis entre handicap psychique et traumatisés crâniens. C'est un type de structure qui pourrait être très utile aux adultes autistes. Un GEM a été repris en Bretagne par une association autisme, et cela se passe très bien. Les activités peuvent être organisées en tenant compte des intérêts spécifiques des autistes. Il y a une plus grande stabilité.

L'ARS a confirmé que cela pourrait concerner des adultes TED, mais n'est pas prête à en financer d'autres.

Le Conseil Général du Finistère versait 12.000 € par an à chaque GEM, ce qui permettait de financer un autre poste. Cependant, il a supprimé ces subventions cette année, e n se basant sur le fait que ce n'était pas une dépense obligatoire pour lui.

Impasse de ce côté là pour l'instant.

Des maisons de l'Autisme ?

Nous avons demandé la mise en place de maisons de l'autisme :

  • Les différents professionnels intervenant auprès des personnes autistes sont dispersés, difficiles à connaître : le Conseil Général crée des maisons de l'autisme qui permettront aux TED et à leurs parents d'avoir accès à des professionnels regroupés, ce qui doit faciliter la coordination de la prise en charge.

  • Des SAMSAH (service accompagnement médico-social des adultes handicapés) trouvent leur place dans ces maisons de l’autisme. C’est le cas autant que possible des SESSAD spécialisés.

  • Ces maisons de l'autisme proposent aux parents une formation en fonction des recommandation de la HAS, en vue de leur permettre d'être responsables des méthodes éducatives à mettre en œuvre.

  • Elles sont également équipées de « matériathèque », pour permettre aux parents et professionnels de prendre connaissance et d’utiliser des outils spécifiquement adaptés. Le département encourage les échanges de matériels éducatifs avec les établissements.

  • Les maisons de l'autisme peuvent accueillir des écoles ABA, des « groupes de compétences sociales », des G.E.M (groupes d’entraide mutuelles) et sont des lieux de socialisation.

  • Les maisons de l’autisme proposent, en coordination avec Cap Emploi, une aide à la recherche d’emploi et de formation professionnelle.

  • Les maisons de l’autisme sont mises en place en lien avec l’ARS et le CRA.

    Nous n'avons pas pu faire avancer la proposition de Maison de l'Autisme. La mise en œuvre de plate-formes d'intervention sera l'occasion de relancer cette demande.

Les actions prévues dans le 4ème schéma

Une revue de plusieurs actions inscrites dans ce schéma départemental.

Fiche-Action 1.4. Créer une commission départementale chargée de la régulation des admissions

(…) Identifier les situations particulièrement complexes et trouver des solutions.

Cette commission départementale regroupe essentiellement le conseil départemental et les organismes gestionnaires. Les associations ont obtenu d'y être représentées.

Les « situations complexes » deviennent souvent, faut de solutions, des « situations difficiles ». Jusqu'à présent, la MDPH refuse de faire participer à la commission issue du rapport Piveteau « zéro sans solution » des représentants des usagers. Le département n'ayant pas choisi de participer à la première vague d'application de l'article 21 bis (Plan d'Accompagnement Global), la MDPH peut donc se permettre de réunir cette commission sans qu'y participent des représentants associatifs et la personne concernée (ou ses parents) !

Fiche-Action 2.1 Mieux accompagner les troubles « Dys », les Troubles envahissants du développement (TED) et le handicap psychique

La création de SAVS est une première concrétisation de cette action.

Pas de nouvelle par contre pour un SAMSAH.

Fiche-Action 2.3. Favoriser l’accès aux études et à la formation professionnelle

Voir le financement d'Handisup

Penn ar bed - Plateforme autonomisation Penn ar bed - Plateforme autonomisation

Fiche-Action 2.4. Impulser un dispositif spécialisé d’accompagnement vers l’autonomie pour les jeunes

Construire une structure souple permettant d’accompagner des jeunes vers l’autonomie (insertion professionnelle, sociale, vie quotidienne…). Cette structure d’accueil temporaire comprendra de l’hébergement et de l’accompagnement ou accueil de jour sur plusieurs années.

Le passage à l'âge adulte est un moment très difficile pour les jeunes autistes. Ils sortent d'un système scolaire encadrant, pour ceux qui ont pu suivre une scolarité ordinaire, pour rentrer dans l'enseignement supérieur ou dans le marché du travail, avec une absence quasi-totale d'encadrement ou d'accompagnement. Ils prennent beaucoup plus conscience de leur différence , sur le plan social (école-emploi) comme individuel (amis-sexe).

D'autres sont en IME, parce que l'Education Nationale s'en est débarrassé. Les perspectives professionnelles qui leur sont proposées ne sont pas adaptées. Ils ont des capacités négligées.

Le dispositif décidé par le Conseil Départemental se met en place actuellement sur Brest Métropole. Il est géré par l’association Les Genêts

Dépliant plate-forme pour l’autonomisation Brest Dépliant plate-forme pour l’autonomisation Brest

d'Or, qui gère également le SAVS TED et le CRA.

Il vise les jeunes avec déficience intellectuelle et/ou TED. Il concernera bien entendu les jeunes maintenus en IME, avec l'amendement Creton.

44 jeunes sont concernés, dont 30 dans une sorte de « foyer de vie » ouvert début 2017 : il y aura divers degrés d'autonomie des chambres ou studios. Il y a 5 places en accueil de jour, et 9 places en SAVS – dont 4 en habitat regroupé.

Nous suivons cette expérience. Ce n'est pas parce qu'une personne est autiste qu'elle est condamnée à vivre dans un habitat collectif. Il faut que chacun puisse choisir.

Fiche-Action 2.6. Mieux identifier les besoins des aidants familiaux

Il y a du pain sur la planche pour permettre aux aidants familiaux d'être reconnus, … et d'être relayés par des services compétents.

Fiche-Action 4.3. Redéfinir les projets d’accueil temporaire (services d’accueil de jour et hébergement temporaire) afin de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées et développer des projets d’accueil alternatifs

L’exemple de « Krys » montre qu'il y a du chemin à faire.

Les services d'accueil de jour ne sont pas non plus adaptés aux personnes TED. Comment est-il possible qu'un adulte autiste soit menacé d'un signalement parce qu'il ne supporte plus la nullité de l'accueil ?

Fiche-Action 4.4. Approfondir la réflexion sur la prise en charge des personnes handicapées autistes souffrant de troubles envahissants du développement (TED) dont l’autisme, afin d’améliorer l’accueil en établissement

  • Calendrier de réalisation 2013-2014 : Étude réalisée en collaboration avec l’ARS et les autres Conseil généraux bretons sur l’accompagnement des personnes autistes ou présentant des TED

Je reviendrai sur cette étude réalisée par le cabinet CEKOIA .

Fiche-Action 5.1. Faire des contrats de territoire un levier pour prendre en compte le handicap dans toutes les politiques publiques du Conseil général et de ses partenaires

  • Définir des critères visant à conditionner les aides accordées par le Conseil général à la prise en compte des publics en situation de handicap

    Fiche-Action 5.3. Mener des actions de sensibilisation à tous les types de handicaps dans différents domaines (sport, culture, loisirs, transport, etc.)

Pour ces actions 5.1 et 5.3, il faut s'assurer que l'autisme est pris en compte.

Fiche-Action 5.4. Développer l’information à destination des personnes handicapées et des familles et la formation des professionnels à l’éducation sexuelle tout au long de la vie

Le Collectif des Associations de personnes handicapées du Finistère (CAPH 29) a indiqué, sur ce point : « si l'on veut accompagner les personnes handicapées dans leur choix de devenir parents et d'assumer ce rôle en plein autonomie, il conviendrait de prendre en compte les actes liés à la parentalité (lever l'enfant, le coucher, le langer, le nourrir, aller à l'extérieur.) au même titre que les autres actes essentiels de la vie.

Piste de travail :

La P.C.H. Aide Humaine, après évaluation individuelle, interviendrait alors pour compenser l'impossibilité totale ou partielle d'accomplir seul(e) ces actes.

De même, les aides techniques ou le matériel adapté permettant de compenser les conséquences du handicap pour l'accomplissement de la parentalité pourraient être prises en compte par une P.C.H. aide technique.

Nous sollicitons du Conseil Général la mise en place d'une P.C.H. Parentalité dont les modalités pourraient être élaborées par un groupe de travail regroupant au minimum le Conseil Général, la P.M.I., CAF, la M.D.P.H. et les usagers. »

La plupart du temps, les personnes autistes qui sont ou deviennent parents ne sont pas concernées par la PCH, parce qu'elles ne remplissent pas les critères généraux d'éligibilité à cette prestation.

Il y a cependant besoin d'aide, notamment parce que l'autre parent est aussi TED ou a un autre handicap. Les parents sont alors des « cibles » toutes trouvées de l'ASE !

Les personnes autistes n'étant pas des « spécialistes » des interactions sociales, les procédures conduisant aux relations sexuelles sont terra incognita pour elles.

Il faudra de plus tenir compte du fait que leur orientation sexuelle est plus diversifiée que pour les « neurotypiques ».

D'autres compétences du Conseil Départemental

Le Conseil départemental est un employeur important. Il a la possibilité d’accueillir des élèves et étudiants autistes en stage, mais aussi d'embaucher des adultes. Sur ce plan, le Conseil Départemental a embauché un auxiliaire de vie professionnelle pour accompagner l'emploi d'une jeune adulte Asperger.

Le CD s'occupe aussi des collèges et continue à être responsable des transports scolaires des élèves handicapés.

Les CAMSP (centres d’accueil médico-social précoce – pour les enfants de moins de 6 ans) sont financés à 20 % par les CD, et c'est regrettable qu'il s'agisse d'un financement passif.

N'oublions pas l'Aide Sociale à l'Enfance et les enfants autistes

Cette question n'a pas été abordée lors de la préparation du 4ème schéma handicap. A vrai dire, ce sont les parents d'enfants autistes qui s'inquiètent des signalements, qui subissent les procédures judiciaires et les pressions pour accepter une orientation.

Une intervention des associations auprès des politiques, les conseillers départementaux, a du poids.

Ce que nous constatons, c'est que le personnel de l'aide sociale à l'enfance est très dépendant des médecins. Les risques sont plus élevés dans les zones du département où le service de pédopsychiatrie refuse d'appliquer les recommandations de la HAS. Continuent à fleurir diagnostics de « psychose infantile », de « dysharmonie évolutive », de « troubles de la personnalité ». On n'hésite pas à dire que c'est parce que la mère envoie l'enfant chez des médecins que l'enfant a des troubles du comportement. Si un des parents ou les deux parents sont autistes, le risque est accru.

Nous avons eu la chance pendant longtemps de bénéficier de l'appui déterminant du CRA, qui intervenait en urgence pour des diagnostics dans des situations comparables, qui a aidé à faire cesser les placements – qui duraient parfois depuis 10 ans. La période 2013-2015 a été douloureuse, le CRA se remettant à produire, pour les enfants, des « troubles de la personnalité » avec les conséquences imaginables dans une procédure judiciaire.

Ce critère d'urgence doit, selon nous, être pris en considération par le nouveau CRA dans la gestion des listes d'attente.

Mais comme il vaut mieux prévenir que guérir, la formation sur l'autisme est nécessaire pour le personnel de l'aide sociale à l'enfance : des connaissances actualisées et la distance critique par rapport au discours psychiatrique. L'Aide Sociale à l'Enfance ne devrait pas être ressentie comme une menace, mais comme une ressource pour les parents afin de répondre au défi de l'autisme.


Les Conseils Départementaux ont un rôle essentiel dans le handicap, en particulier pour les adultes. Les MDPH doivent prendre des décisions sur la base des recommandations de la HAS, avec des outils adaptés aux personnes TED. Pour l'inclusion dans le milieu ordinaire, il nous faut des SAVS et SAMSAH spécialisés pour les TED.

A ne pas oublier : l'Aide Sociale à l'Enfance ne doit pas être une menace pour les parents d'enfants TED.

Voir également : les propositions pour le sous-groupe de travail sur l'autisme

22 avril 2016

Autisme : vers une amélioration du quotidien des familles ?

Autisme : vers une amélioration du quotidien des familles ? Une femme brandit une affiche de l'association "Vaincre l'Autisme" jeudi 21 avril à l'occasion du Comité national autisme.
AFP / ELLIOTT VERDIER

A lors que le gouvernement était présent au Comité national autisme, qui se tenait jeudi 21 avril, une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales pointe les défaillances des réponses apportées aux autistes, et à leurs familles.

"Améliorer l'aide concrète au quotidien" des familles d'enfants autistes. Voilà ce que le gouvernement a annoncé jeudi 21 avril, lors du Comité national autisme. L'idée : apporter une meilleure prise en charge financière d'intervenants spécialisés, une demande, que les parents d'autistes soutiennent depuis longtemps.

Moins de frais à la charge des parents

Devant ce comité, composé de représentants des associations, de professionnels et des administrations, chargé du suivi du 3e plan
autisme (2013-2017), Ségolène Neuville, secrétaire d'État en charge du handicap, a dit vouloir pallier "l'insuffisance de prise en charge financière" de certains spécialistes tels que les psychologues, éducateurs ou psychomotriciens.

Elle a annoncé un dispositif portant sur la création de "pôles de compétences et de prestations externalisées", des structures médico-sociales vers lesquelles les parents pourront se tourner pour organiser les interventions de ces professionnels à leur domicile ou à l'école. Ces intervenants seront rémunérés par ces structures sur des crédits de l'Assurance maladie, et les parents n'auront plus rien à payer", a-t-elle assuré.

"Dysfonctionnements nombreux"

Dévoilé également lors de ce comité, le rapport de l'IGAS pointe néanmoins des défaillances persistantes. Des "dysfonctionnements trop nombreux" sont notamment pointés du doigt dans les 26 Centres de ressources autisme (CRA), qui ont un rôle clé notamment dans le diagnostic. Ségolène Neuville a assuré qu'une réorganisation serait étudiée en concertation avec les associations de familles.

Car le diagnostic est complexe, et les familles ont dû se battre, pour une prise en charge plus rapide. En effet, l'Igas "fait le constat de délais d'attente considérables dans les différentes phases du processus diagnostic". Ainsi, "pour l'année 2014, le délai global entre la réception de la demande et la restitution du bilan dans les 22 CRA est, en moyenne de 419 jours", rapporte Libération.

Et pour les adultes autistes ?

Les données sont floues, et insuffisantes, selon l'IGAS, qui évoque même une "génération sacrifiée". Alors, afin d'améliorer la réponse aux besoins des adultes autistes, "pas suffisamment prise en compte dans les différents plans", Ségolène Neuville a annoncé vouloir confier une mission à Josef Schovanec, autiste Asperger et "expert de l'insertion professionnelle des adultes autistes". 

Le problème est que les Centres ressources autisme (CRA) sont déjà surchargés. Les adultes autistes ne sont donc pas une priorité. Un point noir dans le rapport de l'IGAS, qui recommande aux CRA de prendre davantage en charge les adultes.

Enfin Libération pointe un problème également majeur, qui bloque énormément de familles dans leurs démarches : le manque de travail de la part des Agences régionales de santé, qui n'ont pas toutes mis en place un plan autisme dans leur région. Ainsi, Ségolène Neuville devrait annoncer un changement de structure des Centres ressources autisme, afin qu'au moins un soit présent par région.

22 avril 2016

Autisme : les défaillances de la prise en charge dénoncées

Un rapport, rendu public jeudi 21 avril, dénonce les délais de délivrance du diagnostic dans les centres de ressources autisme (CRA)

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) constate aussi que les recommandations des autorités sanitaires sont insuffisamment appliquées, au grand regret des familles

Des militants de l’association  ZOOM

Des militants de l’association "Vaincre l'Autisme" devant l’Hôtel de ville de Paris le 21 avril 2016. / Elliott Verdier/AFP

Comment améliorer le diagnostic et la prise en charge des personnes autistes en France ? Cette question importante est au cœur d’un rapport rendu public jeudi 21 avril par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Un rapport qui dresse un constat sans concession des nombreuses défaillances qui continuent à exister en France dans l’accueil et le suivi des enfants, des adolescents et des adultes concernées par des troubles envahissants du développement (TED).

Ce rapport montre que la situation conflictuelle entre les associations de parents et les défenseurs des approches psychanalytiques sont loin d’être apaisées. Et que les recommandations des autorités sanitaires ont du mal à se diffuser de manière large et sereine.

Des centres très sollicités par les familles

Ce rapport de l’Igas est consacré aux 26 Centres de ressources autisme (CRA) qui existent en France. Mises en place à partir de 1999, ces structures jouent un rôle essentiel dans l’accueil et le diagnostic des personnes autiste. Ces centres sont très sollicités par les familles, notamment pour la phase cruciale du diagnostic.

« Une des difficultés majeures vécues par les parents d’enfants autistes concerne l’établissement du diagnostic, dès lors qu’ils se sont inquiétés des signes d’anomalies du comportement de leur enfant et ont consulté (...) La formulation du diagnostic est essentielle car elle répond au besoin des parents de se repérer et de comprendre », souligne l’Igas.

Des délais trop long pour le diagnostic

Le rapport évoque sur ce point des « délais d’attente qui peuvent atteindre entre un et deux ans ». Le rapport dénonce en particulier « le retard pris par la France » en ce qui concerne les autistes adultes « encore moins diagnostiqués que les enfants ou mal diagnostiqués. La prise en charge peut, dès lors, se révéler inadaptée. Il est urgent de se saisir de cette question », insiste l’Igas.

À lire :​A l’écoute des besoins des autistes adultes

Autre constat : il existe une extrême hétérogénéité des CRA sur le territoire. « Certains centres sont composés d’experts de l’autisme reconnus tant par leurs pairs que par les associations d’usagers. À l’autre extrémité, se trouvent des CRA qui sont toujours en construction », souligne le rapport, en constatant que les familles reprochent souvent à ces centres un « développement insuffisant d’équipes de proximité » formées aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS).

Il s’agit là d’un enjeu majeur. En effet, le troisième plan autisme (2013-2017) prévoit que ces centres ressources doivent jouer un rôle d’accélérateur dans la diffusion des bonnes pratiques.

Un rejet de la psychanalyse par les familles

Or, à l’évidence, c’est encore loin d’être le cas. Pour comprendre le contexte, il convient de rappeler que, pendant longtemps, en France, la prise en charge des enfants autistes a été assurée très largement par des pédopsychiatres très influencés par la psychanalyse.

Puis, comme le note l’Igas, à partir des années 1990 une « crise de confiance » s’est développée chez de nombreux parents, qui ont rejeté l’approche psychanalytique parfois très culpabilisante, notamment à l’encontre de mères. Et les associations de parents se sont mobilisées pour développer des approches éducatives et comportementales, venus des pays anglo-saxons

À lire : Josef Schovanec, saltimbanque de l’autisme

2012 marque un tournant important avec une prise de position forte de la HAS. Cette instance sanitaire a estimé que les approches psychanalytiques étaient « non consensuelles ». Et elle a donné la priorité aux approches éducatives et comportementales. Ce qui a rendu furieux un grand nombre de pédopsychiatres qui se sont de nouveau étranglés, en mai 2013, avec la présentation du 3e plan autisme. Dans le sillage de la HAS, le gouvernement a alors souligné la nécessité de mettre en œuvre les méthodes éducatives, à la grande satisfaction des familles.

Une approche transdisciplinaire

Trois ans plus tard, le climat ne s’est pas toujours apaisé sur le terrain, comme le souligne l’Igas. Des nombreuses familles ont le sentiment que les professionnels du secteur sanitaire et médico-social font de la résistance et n’appliquent pas les recommandations de la HAS.

« Aujourd’hui, la plupart des intervenants dans le domaine de l’autisme expriment la volonté d’aborder ces troubles par une approche transdisciplinaire », souligne l’Igas. Idéalement, il faudrait ainsi faire travailler ensemble des pédopsychiatres, des psychiatres, des pédiatres, des psychologues, des psychomotriciens éducateurs, des chercheurs en sciences cognitives, des généticiens ou des neurobiologistes.

Mais, en pratique, cette volonté se heurte à de nombreux obstacles avec des « rivalités disciplinaires », des « désaccords concernant les choix thérapeutiques » ou des « tensions entre les familles et entre les soignants », souligne l’Igas. « Ces conflits représentent un frein à l’élaboration de réponses constructives et la mise en œuvre de plans d’actions partagées entre les acteurs. Ils participent également d’un mouvement plus général de disqualification des professionnels intervenant auprès des personnes autistes, ce qui conduit à une perte de confiance mutuelle », déplore le rapport.

Pierre Bienvault
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22 avril 2016

Commentaire sur le rapport IGAS sur les CRA

22 avr. 2016
Par Jean VinçotBlog : Le blog de Jean Vinçot

Un rapport passionnant de l'IGAS sur les Centres de Ressources Autisme (CRA). Une occasion de revisiter l'audit sur le CRA de Bretagne. Et un espoir d'une évolution positive pour les usagers.

J'ai commencé à lire le rapport de l'IGAS sur les CRA à la lumière de la crise que nous avons connue en Bretagne et de l'audit alors réalisé à la demande de l'ARS.

Le rapport est bien plus intéressant que ce que j'attendais.

Ce rapport permet, par ailleurs,  de constater que le CRA de Bretagne faisait un très bon travail jusqu'à ce qu'une opération de destruction organisée intervienne.

Mon analyse est surtout technique, détaillée point par point. Je laisse à d'autres une analyse d'ensemble du rapport.

Les professionnels et les établissements doivent mettre en œuvre les recommandations de la HAS et de l'ANESM

Notons d'abord une mise au point très précise sur le caractère opposable des recommandations de bonnes pratiques de la HAS par rapport aux professionnels de santé, ainsi que celles de l'ANESM dans l'évaluation des établissements (page 19).

Dans ce cadre, le CRA est un outil de diffusion des bonnes pratiques, en application du 3ème plan autisme.

L'IGAS examine le fonctionnement des CRA à l'aune de cet objectif.

Données statistiques sur la prévalence

Les données sur la prévalence (pp.14 et 15) sont limitées. Il n'exploite pas les données recueillies par l'ARS de Bretagne et par les 4 conseils généraux, à partir de 3 sources :

  • l'enquête (nationale) ES Handicap 2010, renseignées par tous les établissements médico-sociaux (il est fait partiellement référence à cette enquête nationale p.50)

  • le RIMP (données sanitaires)

  • l'enquête CEKOIA dans les 500 établissements médico-sociaux de Bretagne.

Le rapport mentionne (page 28) qu'il est anormal que les MDPH ne renseignent pas le code CIM 10 dans leurs fichiers, alors qu'elles le devraient. Ce serait essentiel pour mener une politique de l'autisme, au niveau départemental, régional et national. Voir : https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/170314/autisme-comment-cacher-un-elephant

Crise et audit du CRA de Bretagne

Vous pouvez trouver des éléments sur l'audit du CRA de Bretagne à partir de la page http://www.asperansa.org/actu/cra_201402/

Quand la crise a éclaté en fin 2012, le Pr Botbol, envoyé là par le Conseil National des Universités (CNU), menait campagne contre son équipe du CRA avec les arguments suivants :

  • le CRA ne fait pas assez de diagnostics ;

  • il laisse scandaleusement les familles sans soutien et orientation dans la période énorme qui précède le diagnostic ;

  • c'est parce qu'il sort de son rôle en faisant du conseil aux familles

  • et parce qu'il consacre son temps aux recherches, alors que le CRA ne doit pas en faire.

Toutes ses critiques semblaient trouver une oreille complaisante à l'ARS, qui prétendait par exemple interdire au CRA de continuer les recherches qui se sont avérées très prometteuses sur le bumétanide (plusieurs brevets déposés par l'hôpital de Brest).

Les données d'activité

Fin 2013, pour la dernière fois était présenté au CTRA de Bretagne un rapport d'activité du CRA, avec une diapo sur l'évolution du nombre de diagnostics, censée démontrée un redressement spectaculaire de l'activité des diagnostics en 2013, suite à l'expulsion du Dr Lemonnier vers le service de dermatologie de l'hôpital.

Aujourd'hui, grâce aux données CNSA, figurant dans le rapport de l'IGAS et dans un document de l'ARS de fin 2014, - données 2012/2013/2014 - on s'aperçoit que les données étaient complètement bidonnées. Les diagnostics du CRA ont été divisées par 2 à Brest – en partie masqués par la montée des équipes associées de Rennes et de Vannes (Saint Avé).

Pour la région Bretagne, 233 bilans ont été réalisés en 2012 et 159 en 2013 (pp.40-41). Rapport IGAS (P.35) : environ 110 en 2014.

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a été incapable d'analyser cette évolution.

Pages 35 et 36 du rapport de l'IGAS, le CRA de Bretagne figure désormais dans les mauvais élèves de la classe (4 diagnostics pour 100 000 habitants – graphique 3, 485 jours de délais – graphique 4) , comme dans le graphique 5 (rapports entre le délai de diagnostic et le nombre de diagnostic). Dans ce dernier graphique, le Limousin caracole en tête. Amer pour les bretons. Criant

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a été également incapable de recueillir des données budgétaires sur le CRA, disparues on ne sait comment. La transparence n'est pas évidente (voir p.28 du rapport de l'IGAS), notamment quand du personnel de l'hôpital utilisé ailleurs est rémunéré sur des crédits fléchés autisme.

Les données existaient quand même - c'est ce qu'on voit dans ce rapport. Il apparaît que le CRA de Bretagne était sous-doté par rapport à sa population (graphique 8 page 40) : non seulement sous doté, mais dotation sous-utilisée. Son expérience lui permettait d'assurer beaucoup de services, ce qui a été détruit méthodiquement depuis 4 ans. La preuve est désormais faite.

Le conseil aux familles

Le rapport montre que cette mission n'est pas prise en considération par bien des CRA, si ce n'est une assistance sociale.

C'est pourtant la première mission réglementaire des CRA.

C'était la mission qui devait être renforcée au CRA de Bretagne, suite au rapport d'évaluation de la structure expérimentale du 1er plan autisme (CIERA).

C'est celle qui a été supprimée par le Pr Botbol : fin décembre 2013, il se vantait que les conseils aux usagers étaient passés de 754 à 2 (cf diapo 5 ). Deux de trop pour lui.La fonction d'un CRA était réduite à ramener à la pédopsychiatrie de secteur les usagers qui se sont adressés au CRA, avec un diagnostic "puisqu'ils y tiennent"..

Trois CRA seulement ont mis en place un groupe d'expression des usagers (page 30). Au CRA de Bretagne, il y avait un ou deux groupes d'expression des usagers par mois, animés par le Dr Lemonnier (deux groupes de parents en fonction du degré de sévérité, un groupe d'adultes). Supprimés en janvier 2013.

A noter que le nouveau CRA de Bretagne a prévu un dispositif se rapprochant de la recommandation n°4 (page 31) : un psychologue par département est le référent des familles.

La recherche

Le rapport IGAS trouve insatisfaisant la participation à la recherche des CRA, dont c'est une des missions.

C'est un reproche qu'on ne pouvait faire au CRA de Bretagne, impliqué dans la publication sur le SHANK 3, puis dans les brevets sur le bumétanide, par exemple.

Mais l'ARS et le Pr Botbol ont cherché à l'empêcher de continuer sur ce plan.

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a négligé tout cet effort (cf. pp12-14). Et le rapport avait réduit la question de la recherche à la question des bons rapports entre les Prs Botbol et Tordjmann (bien entendu, puisque Sylvie Tordjmann était un des 5 membres de la section CNU qui nous l'a expédié en cadeau).

Avec le rapport IGAS, on a au moins la satisfaction amère que le CRA travaillait bien, était bien dans sa mission.

La procédure de diagnostic

PP.31-32, l'IGAS décrit le processus classique de diagnostic dans les CRA.

Je me rappelle des discussions sur ce point au CTRA de Bretagne Pays de Loire. Le CIERA (qui regroupait les deux régions) prévoyait dans son protocole que la restitution du diagnostic se faisait en invitant les parents et l'équipe de proximité qui suivait l'enfant. C'est ce qui se passait à Rennes et à Nantes très souvent, mais à Brest, les équipes de proximité boycottaient systématiquement cette réunion. Elles estimaient que l'annonce du diagnostic relevait de la démarche thérapeutique, et donc était leur monopole. Sans tenir compte qu'elles avaient passé des années à éviter un diagnostic pour « ne pas stigmatiser », prendre en charge la « souffrance parentale » etc …

Le CRA de Bretagne demande aujourd'hui qu'un usager soit orienté pour un diagnostic par un médecin, généraliste, psychiatre ou pédiatre. La présence de ce médecin lors de la restitution du diagnostic – avec les parents ou la personne autiste bien sûr, et pas dans son dos comme certains le veulent - me semble une chance pour la suite.

L'IGAS soulève une intéressante question sur le rôle des différents métiers dans la procédure de diagnostic. Ces questions doivent être abordes, à mon avis, en fonction de la degré de complexité du diagnostic. Les étapes actuelles ont été définies par les premiers CRA. Elles mêlent diagnostic proprement dit et évaluations du fonctionnement. Il y a une directive européenne qui impose de commencer la prise en charge dans les 3 mois qui suivent la suspicion d'autisme. Le processus de diagnostic n'a donc pas besoin d'être finalisé pour que les méthodes éducatives nécessaires soient mises en œuvre. Si cela est assuré, je laisse le soin aux professionnels de se mettre d'accord sur le nom de la personne qui mettra son tampon à la fin du dossier.

Page 37, le CRA de Bretagne fait partie des 5 CRA (dont le Limousin) qui assurent un bon niveau de diagnostic adultes. Avouons que le Pr Botbol a foutu la paix à ce pôle.

P.43, la mission IGAS revient sur le processus de diagnostic. Elle dit que dans la moyenne d'un tiers, les demandes de diagnostic ne concernent pas des autistes. La mission n'avait pas les moyens d'apprécier si ce résultat a des bases solides. Nous savons qu'il y a des CRA de qualité, expérimentés. Mais un diagnostic de non-autisme dans certains CRA n'a pas beaucoup de valeur. La comparaison des diagnostics entre CRA devrait assez facilement valider ou invalider cette hypothèse.

Il est de toute façon indispensable de mettre en route les prises en charge dans les 3 mois de la demande de diagnostic, dans des conditions acceptées par les MDPH.

CRA et formations

Le graphique 198, page 58, montre un CRA de Bretagne ayant réduit au string dans la formation des professionnels. Ceci après un rapport d'audit incapable de voir l'intense activité de formation du CRA auparavant. Il est vrai que le chef du CRA préférait faire venir cette année-là (2014) MC Laznik pour babiller sur le mamanais guérisseur des bébés à risque autistique. En 2014, le CRA n'était pas dans une phase de « refondation » (sic), mais de destruction, contre les RBP !

A noter qu'il ne faut pas surestimer le coût des formations sur le diagnostic pour les professionnels. Le CRA de Bretagne, dans le temps, les assurait pour 200 € (3 jours !), supervision comprise ensuite. Ceux qui voulaient s'en saisir pouvaient le faire. Le CRA NPDC avait une offre ADOS à 540 € ! Voir pp. 3 à 5 

La difficulté en Bretagne, ce n'était pas le coût, mais la volonté de s'en servir.

L'équipe de St-Avé signalait lors d'un CTRA que leurs collègues formés préféraient transférer au CRA le diagnostic, pour éviter de passer une heure 30 à l'ADI-R....

Page 65, il est indiqué, au sujet de la mise à jour de la formation initiale des médecins, que « les blocages sont bien identifiés au niveau des CNU [conseil national des universités] de psychiatrie et de pédopsychiatrie ».

On a bien entendu ce blocage lors du comité national autisme du 21 avril, avec une représentante essayant de venir au secours de "La Main à l'Oreille".

Nous en avons surtout été victimes en Bretagne, puisque c'est la section CNU de pédopsychiatrie (5 mandarins) qui nous a expédié le Dr Botbol. Technicien de surface efficace (il a éliminé le Dr Lemonnier et l'autre chef de service de pédopsychiatrie, Maria Squillante, du réseau PREAUT pourtant).

Et les MDPH …

La question des réévaluations de diagnostic par les MDPH avait déjà été soulevée lors de la 2ème journée CNSA – CRA – MDPH.

A mon sens, cela soulève un problème crucial dans les orientations vers les ITEP. En Bretagne, 35% des jeunes en ITEP ont une psychose infantile, synonyme de TED dans la CIM-10. Or, les jeunes autistes ne devraient pas y être orientés.

Comment les équipes pluridisciplinaires des MDPH peuvent accepter ce diagnostic obsolète, non conforme aux RBP et aux règles concernant les certificats médicaux et leur application informatique ?

Je constate aussi que la qualité des certificats médicaux a des conséquences notamment sur l'attribution des droits (AAH, RQTH, SAVS, PCH …) pour les adultes autistes. Ce serait quand même plus simple s'il n'était pas nécessaire de faire un recours gracieux pour que les préconisations du CRA soient acceptées par la MDPH !

Le statut des CRA

J'aime l'optimisme de l'IGAS quand elle considère que le CRA de Bretagne est en train d'évoluer vers un statut de GCMS. Il est vrai que c'est que nous demandons, et que l'association Les Genêts d'Or, qui a obtenu la gestion du CRA, a accepté comme perspective à terme.

Mais l'ARS bloque la participation des usagers à cette structure.

Le projet présenté par Les Genêts d'Or prévoyait une instance de décision composé de 6 représentants des usagers sur 14. L'ARS a fait en sorte ensuite que nous passions à 2 seulement sur 14. Et surtout, que toutes les décisions soient prises en dehors de tout représentant des usagers depuis un an.

De ce point de vue, la recommandation n°23 de l'IGAS est plus conforme à ce que nous voulons.

Alors que le CRA de Bretagne a fait l'objet à sa création d'une cogestion entre le CHU et une association d'usagers (Sesame Autisme), c'est lamentable de voir l'ARS agir pour réduire la part des usagers.

La mission de l'IGAS (pp. 81-82) n'a pas bien compris – pas complètement - les raisons de l'indépendance  nécessaire par rapport au sanitaire - que nous réclamons.

Bien entendu, les CRA Rhône-Alpes et Languedoc Roussillon sont implantés dans des services hospitaliers. Mais le premier dépend complètement de l'existence d'une délégation du directeur général des hôpitaux de Lyon. Le deuxième dépend de la personnalité du professeur de pédopsychiatrie. Nous avions le Pr Lazartigues : après diverses manœuvres, les 5 membres de la section CNU de pédopsychiatrie nous ont expédié le Dr Botbol. Et depuis 4 ans, nous avons régressé.

Le changement du statut des CRA a, selon moi, plusieurs objectifs :

  • rendre plus réactif le fonctionnement du CRA ;

  • éviter les détournements de budget, assurer la transparence du financement ;

  • permettre aux usagers d'intervenir activement dans l'orientation, dans une instance décisionnelle ;

  • permettre aussi à d'autres acteurs (médico-social, éducation nationale, emploi …) d'intervenir dans une instance décisionnelle ;

  • arracher l'autisme de la pédopsychiatrie pour y inclure tous les professionnels et chercheurs (neurosciences, génétique, psychologie, TCC …).

La cerise sur le gâteau dans un changement des participants aux lieux de pouvoir, c'est que la psychanalyse post-kleinienne ira plus rapidement dans les poubelles de l'histoire.

23 avril 2016

Un plan d'action pour a prise en compte de l'autisme par l'ASE présenté

article publié dans la Gazette des Communes

Publié le 22/04/2016 • Par Isabelle Raynaud • dans : France

© Brandon and Kaja Geary / Flickr CC

Après le rapport du Défenseur des enfants et la polémique en Isère, les attentes sur la prise en compte de l'autisme par les services de l'aide sociale à l'enfance étaient grandes. La réponse reste vague.

 

« Jamais aucun plan autisme n’a eu un telle ambition de changement », a assuré la secrétaire d’Etat Ségolène Neuville lors de son bilan d’étape sur le plan autisme 2013-2017, le 21 avril 2016 devant le comité national autisme. Elle est revenue sur les engagements qu’elle avait pris en 2015 pour « faire le point » : « je veux vous le dire d’emblée : tous ces engagements ont été tenus ! », s’est-elle félicitée.

Dans les faits, si la plupart des points du plan ont connu des avancées (dépistage précoce, soutien aux famille, scolarisation…), la mise en route est parfois très récente.

La formation initiale des travailleurs sociaux est en cours d’audit pour déterminer si des besoins d’améliorations des contenus sont nécessaires. Si des carences existes, les jeunes diplômés qui sortent des écoles en juin ne seront donc toujours pas au niveau.

Le guide pratique pour aider les équipes pluridisciplinaires des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) n’est lui distribué que depuis le 21 avril, jour de l’annonce par la secrétaire d’Etat…

Concernant les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), les attentes étaient importantes, autant de la part des familles que des agents. Les parents d’enfants autistes rapportent régulièrement des pressions pour accepter placements ou traitements, sous peine d’être signalés aux services sociaux qui seraient alors susceptibles d’ordonner le placement de l’enfant.

D’ailleurs, une violente polémique avait éclaté en août 2015 : 127 associations avaient lancé une campagne de soutien à une mère après le placement de ses trois enfants, dont l’un diagnostiqué autiste.
Les associations accusaient l’ASE de l’Isère de « placement abusif », ce que le département réfutait.

« Le département de l’Isère n’a pas d’autre possibilité que de respecter la décision du juge en opérant le placement », expliquait un communiqué, soulignant une situation « plus complexe ».

La secrétaire d’Etat s’était pourtant dit « choquée par ce que vit actuellement cette maman vivant à Grenoble », en janvier. Et alors que la décision de placement était contestée en justice et la décision pas encore rendue, elle ajoutait : « je ne commente pas [la décision pas encore prise]. Mais je suis surprise, et même choquée, qu’un magistrat puisse remettre en cause un diagnostic qui n’est pas de sa compétence. » La justice a finalement confirmé le placement. Mais la ministre n’a pas été plus loin dans sa prise de position.

Comité de suivi en mai

Un plan d’action portant sur « la prise en compte des spécificités de l’autisme dans les prises de décisions en protection de l’enfance », avec une fiche-action, a été ajouté au plan autisme. Elle précise :

« Au travers de l’ensemble de ces actions, il s’agit d’un point de vue opérationnel de pouvoir :

  • Mieux prendre en compte les spécificités de l’autisme dans les procédures de protection de l’enfance, depuis la manifestation d’une information préoccupante, jusqu’aux investigations judiciaires, une fois l’autorité judiciaire saisie ;
  • Renforcer les connaissances et l’appui aux professionnels en matière d’autisme (formations, outils partagés) ;
  • Favoriser les approches pluri institutionnelles et s’appuyer davantage sur les représentants des usagers et les associations pour accompagner les enfants autistes et leurs familles (hors et dans le champ de la protection de l’enfance). »

Un comité interministériel sera installé en mai pour assurer le suivi opérationnel.

Le Défenseur des droits pourra en suivre la mise en œuvre, a précisé Ségolène Neuville.

Le dernier rapport de la Défenseure des enfants, sous l’autorité du Défenseur des droits, était en effet consacré aux enfants en situation de handicap pris en charge par les services de la protection de l’enfance. 70 000 enfants suivis par l’ASE seraient handicapés : « ils sont « invisibles » dans les politiques publiques d’accompagnement du handicap, comme dans celles de protection de l’enfance, car oubliés des systèmes d’information existants, et donc ni quantifiés ni identifiés », affirmait alors Geneviève Avenard, la défenseure des enfants.


 

Focus

Si des annonces sont à faire, ce sera par François Hollande

Pour les grandes annonces, il faudra repasser. La secrétaire d’Etat Ségolène Neuville n’a fait aucune annonce pour les autistes ou leur famille. « La course en avant pour sans cesse annoncer de nouvelles mesures, sans le suivi sur l’application, c’est cela qui décribilise la parole politique », a affirmé la secrétaire d’Etat… Ajoutant néanmoins que la Conférence national du handicap, sous l’autorité de François Hollande, aurait lieu d’ici fin mai et que ce sera « un rendez-vous important pour l’autisme ». Pour les annonces, il faudra donc attendre la parole présidentielle.

5 janvier 2017

Syndrome X fragile. Pablo : son fils, sa bataille

Publié le 04 janvier 2017 à 00h00
Modifié le 04 janvier 2017 à 15h10

Pablo, tout sourire, avec son papa Emmanuel.

  • Pablo, tout sourire, avec son papa Emmanuel.


Les Vannetais Emmanuel et Anne Paugam ont un fils de 7 ans, Pablo, atteint du syndrome X fragile. Une maladie génétique qui entraîne des retards de développement. Loin de baisser les bras, le couple se bat pour que son enfant soit le mieux intégré possible à l'école, mais aussi au rugby. Portrait.

« Notre parcours du combattant a commencé là »... Emmanuel Paugam s'en souvient comme si c'était hier. Pablo, son fils chéri, avait prononcé ses premiers mots « papa » et « maman » à 10 mois. À l'époque, contrairement aux enfants de son âge, il ne pointait pas du doigt. « À ses 15 mois, la crèche nous a alertés par rapport à ses retards. Il commençait à se tenir assis, mais pas encore debout. On a fait quelques recherches via le Camsp (Centre d'action médico-sociale précoce, NDLR), spécialiste de la détection des maladies orphelines ».

Mais Pablo communiquait quand même et ne présentait pas de troubles autistiques marqués. « Un pédopsychiatre a cherché si ça ne venait pas d'un problème de couple, dans notre relation à l'enfant. Pour résumer, on nous accusait d'avoir abandonné l'enfant parce qu'on l'avait mis à la crèche à 2 mois et demi ». Des mots qui font mal à entendre.

« Maintenir Pablo dans des structures normales »

Les entretiens et les dépistages par prises de sang durent cinq mois. Jusqu'à ce que le généticien vannetais Hubert Journel se penche sur Pablo et trouve la cause de ses retards. « Un jour, en juin 2011, il nous a appelés, il voulait nous voir rapidement. Il nous a annoncé qu'il était X fragile. Il a ajouté que ses troubles pouvaient être envahissants, mais qu'il allait falloir nous battre pour maintenir Pablo dans des structures les plus normales possibles ». En effet, l'enfant se développe par mimétisme. « C'est une éponge. S'il est au contact d'enfants violents, il peut le devenir lui aussi ».

En septembre 2011, Pablo effectue sa première rentrée à l'école Sainte-Jehanne-d'Arc, même s'il n'est pas encore propre. Au bout de quinze jours, l'école n'a plus voulu le prendre le matin, car il était trop fatigué.

Autre parole prononcée à cette époque-là qui a choqué Emmanuel et Anne, sa maman : « Une pédopsychiatre nous a dit textuellement de faire le deuil de notre enfant. Ces mots-là, à mon avis, devraient être condamnés. Elle nous disait qu'il y avait une place pour lui à l'hôpital de jour ».

Un discours diamétralement opposé à celui d'Hubert Journel. Les parents décident d'écouter ce dernier. « J'ai la chance d'avoir une femme qui a la force d'aller à l'encontre du discours d'un médecin », ajoute Emmanuel.

Des thérapies cognitives pour développer l'autonomie

Tous deux se rapprochent alors du Goéland, une association des parents d'enfants X fragile en France, mais aussi de familles canadiennes. « Là-bas, ils ont laissé tomber les approches psychanalytiques au profit de thérapies cognitives et comportementales, avec des psychologues formées à ces nouvelles méthodes qui s'adaptent aux troubles de l'enfant et les amènent à plus d'autonomie rapidement ».

Contrairement à ce qui lui avait été indiqué au départ, Emmanuel en est aujourd'hui persuadé : « Ce qui a aidé Pablo, c'est d'être au contact d'autres enfants très tôt à la crèche. Ça a pu gommer les troubles autistiques qui auraient dû se développer ».

Un élément moteur pour un groupe

Aujourd'hui, Pablo reste un garçon ritualisé. Par exemple, il se lève exactement de la même façon et n'aime pas les changements. Il souffre encore de troubles du sommeil et se réveille avant 6 h. « Mais il est toujours très joyeux au réveil et moteur dans un groupe. Au centre de loisirs, par exemple, les animateurs nous disent qu'il veut toujours participer et qu'il entraîne les autres enfants avec lui. À l'école aussi, c'est un plus pour les autres : ça permet de souder le groupe. Les enfants n'ont pas de barrière avec le handicap ».

Aujourd'hui, Pablo est scolarisé à l'école Saint-Guen, dans la classe Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire), avec des enfants de 6 à 12 ans, une enseignante spécialisée et une auxiliaire de vie scolaire (AVS) collective. Il est inscrit, depuis la rentrée, au Rugby-club de Vannes, toujours dans l'idée de faire comme les autres. « Il a un peu de mal à comprendre toutes les règles, mais l'éducateur a pris Pablo sous son aile ! Avant, il ne voyait pas l'intérêt de courir, mais il le fait maintenant, par mimétisme. Il a pris de la musculature et deux kilos en un an. Il se dépense plus, donc il mange mieux ».

Sur le plan médical, Pablo est suivi par une orthophoniste et une psychomotricienne (lire ci-dessous). Avec le Service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), il bénéficie de séances à la piscine de Theix ? « il adore l'eau » ? et d'ateliers de poterie pour développer la motricité fine. « Le but, conclut Emmanuel, c'est de le rendre le plus autonome possible pour le jour où on sera trop vieux pour s'occuper de lui ».

La défense d'un corporatisme sur les bancs de l'Assemblée

Fort de son expérience, Emmanuel a récemment signé la pétition de parents d'autistes soutenant la proposition de loi de Daniel Fasquelle visant à interdire les remboursements pour la prise en charge psychanalytique liée à l'autisme. Car il préférerait que la Sécu finance les thérapies comportementales, plus efficaces selon lui. « Aujourd'hui, les parents n'ont pas tous le choix. Jusqu'à ses 6 ans, nous payions 1.200 € pour les frais de garde et 400 €, non remboursés, pour un accompagnement en équithérapie ». Peine perdue : les députés ont rejeté la proposition de loi. « Il y a eu la défense d'un corporatisme et l'enfant n'a jamais été au coeur des débats ». Mais Pablo, lui, comme Niels, son petit frère, est et restera au coeur de la vie d'Emmanuel et Anne.

23 mai 2017

Sophie Cluzel veut « rapatrier décemment » les enfants handicapés accueillis en Belgique

Sophie Cluzel veut « rapatrier décemment » les enfants handicapés accueillis en Belgique
Sophie Cluzel était interviewée par Jean-Jacques Bourdin, sur RMC dans la matinale du mardi 23 mai.

Publié le 23 mai 2017

Première interview de la nouvelle secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, ce matin, sur RMC. Sophie Cluzel a fait le point sur ses priorités : la scolarisation, l’exil des enfants handicapés en Belgique ou bien encore l’emploi accompagné.

Tous les élèves handicapés qui en ont besoin auront-ils une auxiliaire de vie scolaire (AVS) à la prochaine rentrée scolaire ? Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, n’a pas pu s’y engager, au micro de RMC, ce matin. « C’est une responsabilité du ministre de l’Éducation nationale », a-t-elle expliqué à Jean-Jacques Bourdin, qui l’interviewait.

Sophie Cluzel veut éviter « les ruptures de parcours » des élèves handicapés .

Combien manque-t-il d’AVS et où ?

Mais elle a rencontré Jean-Michel Blanquer, lundi 22 mai, pour « travailler vraiment activement pour préparer cette rentrée scolaire ». Ils vont commencer par dresser un état des lieux afin de savoir combien il manque d’AVS et dans quelles écoles.

Sophie Cluzel veillera également à ce que les élèves en situation de handicap puissent accéder à la cantine et aux centres de loisirs. Elle veut qu’il n’y ait « pas de rupture de parcours ».

« Il faut qu’on invente des solutions innovantes. »

Autre sujet abordé par Jean-Jacques Bourdin : la promesse d’Emmanuel Macron de créer « les postes et les structures pour que les enfants n’aient plus à aller à l’étranger ». 1 451 enfants étaient ainsi accueillis en Belgique, en 2015.

« C’est une priorité de rapatrier ces enfants décemment, a insisté Sophie Cluzel. Il va falloir créer des structures certes mais aussi on peut réfléchir différemment : on peut créer des vrais services d’accompagnement. (…) Il faut qu’on invente des solutions innovantes. »

Sophie Cluzel veut développer l’emploi accompagné

Sophie Cluzel a également annoncé qu’elle allait lancer le quatrième plan autisme avant la fin de l’année. Elle veut, par ailleurs, développer l’emploi accompagné, « un levier magnifique ». Mais aussi que les bailleurs sociaux « flèchent » mieux les logements adaptés.

« Les attentes et les besoins des personnes en situation de handicap et de leurs familles sont immenses, a conclu la secrétaire d’État, qui présidait, jusqu’à sa nomination, la Fnaseph, une fédération d’associations au service des élèves en situation de handicap. Je pense les connaître assez bien. Donc, je vais me bagarrer. » Signalé par Franck Seuret

À réécouter sur RMC, en replay (à partir de 37.30).

18 avril 2017

Prise en charge de l'autisme: la France, un pays retardataire?

17/04/2017

 

L'autisme, un mystérieux trouble comportemental. Magali Pignard, la cofondatrice de l'association Le Tremplin à Grenoble, et aussi mère d'un enfant autiste, préfère le voir comme une "particularité". À l'occasion de la journée mondiale de l'autisme le 2 avril 2017, elle a réclamé une meilleure charge de l'autisme en France, un pays "retardataire" en la matière, estime-t-elle. Et surtout, elle entend mettre fin aux idées reçues. Rencontres.


Magalie Pignard et son fils Julien, en photo. Photo (c) Anaïs Mariotti
Magali Pignard et son fils Julien, en photo. Photo (c) Anaïs Mariotti

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Julien a le visage d’un ange et le sourire innocent d’un enfant de 11 ans. Mais à la différence des autres, Julien ne parle toujours pas. "[Malgré tout, j’ai le sentiment de mieux le comprendre que d’autres personnes]i", raconte sa mère Magali Pignard, dévouée à la progression de son enfant.

Les causes exactes de l’autisme demeurent très mystérieuses. Toutefois, les scientifiques s’accordent à dire qu’il existe des prédispositions génétiques. C’est pour cette raison que Magalie décide à son tour de réaliser un diagnostic. Coup de théâtre pour cette enseignante alors âgée de 32 ans: les résultats diagnostiquent un léger syndrome d’Asperger. À première vue, rien ne laisse à croire qu’elle est également atteinte de troubles autistiques. Grande et élancée, un peu timide et probablement maladroite, Magalie Pignard s’était souvent sentie différente. "C’est vrai que les codes sociaux, c’est pas mon truc", affirme-t-elle en riant.

Mais on constate aussi chez les autistes Asperger le développement de capacités artistiques ou intellectuelles étonnantes. Musicienne dans l’âme, Magali est par exemple capable de reconnaître les notes de musique dès la première écoute d’un morceau.

La pédagogie ABA proposée par l'association Le Tremplin à Grenoble

A l'association Le Tremplin. Photo courtoisie (c) Marine B Photographies
A l'association Le Tremplin. Photo courtoisie (c) Marine B Photographies

Née dans les années 1960 aux États-Unis, la méthode ABA est adoptée très tardivement en France. Depuis 2012, elle fait finalement partie des méthodes recommandées par la Haute autorité de la santé (HAS). Dans de nombreux cas, des progrès spectaculaires sont remarquables. Comment? Grâce à des programmes individualisés, créés spécialement en fonction des compétences de l'enfant autiste.

C'est pourquoi en 2009, Magalie Pignard décide de fonder l'association Le Tremplin à Grenoble, avec sa mère, Françoise Galletti. Son objectif? Permettre une meilleure intégration des personnes autistes, grâce à l’approche pédagogique ABA (analyse appliquée du comportement).

Un éducateur spécialisé s'occupe d'un élève à la fois. À la clef, des récompenses permettent de stimuler leurs progressions. "D'une personne à une autre, la manifestation des troubles autistiques est totalement différente. L’ABA tient compte de ces particularités", explique Magalie.

Entre autres, les enfants apprennent le langage des signes. "La communication est la première étape pour débloquer d’autres troubles", explique Françoise Galletti, la directrice de l’association. Ainsi, la méthode ABA préconise une prise en charge dès le plus jeune âge. "Plus on le prend en charge tôt, plus il y a des chances d'amélioration", poursuit-elle. Et cette pédagogie semble porter ses fruits: "trois élèves sur huit ont appris à parler à l'association le Tremplin", se félicite Françoise.

En matière d'éducation, la France a 40 ans de retard sur ses voisins européens

"La France a 40 ans de retard sur certains de ses voisins européens", déplore Magali. Alors que son fils était scolarisé en maternelle dans une école "classique", les enseignants ont suggéré à Magali de n'amener son fils que six heures par semaine et de compléter avec l’hôpital de jour pour éviter, semble-t-il, le poids de la prise en charge.

Alors qu'en Italie près de 80% des élèves autistes sont scolarisés en milieu ordinaire, ce taux avoisinait seulement les 20% en France, en 2014. L'Hexagone avait d'ailleurs été sanctionné par le Conseil de l'Europe, accusé d'avoir "délaissé l'éducation des jeunes autistes". Bien que la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances avait promis une meilleure intégration scolaire des personnes handicapées, les résultats sont toujours en deçà des espérances.

Pour Magali Pignard, l’Éducation nationale devrait être reformée pour permettre une meilleure intégration des personnes autistes. "À l'école, les jeunes autistes peuvent imiter le comportement des enfants "normaux" et progresser de cette manière. S'ils restent entre eux, ils n'imiteront que le comportement d'autres enfants autistes", explique-t-elle.

En réalité, ces derniers sont souvent orientés vers des IME (Instituts médico-éducatif). Souvent surchargés et en manque d’effectifs, ces instituts ne permettent pas toujours une prise en charge individualisée de l’enfant. Pire encore, des autistes sont dirigés vers les hôpitaux psychiatriques. Une "aberration" pour Magali, compte tenu du fait que la HAS a abandonné l'approche psychanalyste, considérée comme "non recommandée", au profit de l'approche comportementale (ABA par exemple). "On donne encore des neuroleptiques qui, au lieu de faire progresser l’enfant, augmentent ses troubles", estime Magalie. Pour certains, cette politique serait une manière très critiquable de désengorger les IME.

Le réel handicap, c’est presque le regard des autres

A l'association le Tremplin. Photo (c) Anaïs Mariotti
A l'association le Tremplin. Photo (c) Anaïs Mariotti

Quant aux discriminations, Magalie se heurte aux conventions sociales: "le réel handicap, c’est presque le regard des autres". À travers une intéressante métaphore, elle partage sa vision de l'autisme: "Imaginons un extraterrestre, qui débarque sur Terre et qui ne comprend rien aux codes sociaux et aux coutumes. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas moins intelligent que les autres".

À ses yeux, l'autisme n'est pas un trouble à combattre: "la variété des personnes fait la richesse d’une société". Il s'agit plutôt de le comprendre, de l'appréhender et de l'intégrer. Finalement, "la définition du handicap dépend du regard que lui donne la société", affirme-t-elle, sagement.

Elle regrette également que l’autisme soit encore trop souvent associé au syndrome d’Asperger qui est, selon elle, "plus attrayant pour les médias". Pour la journée de l’autisme le 2 avril 2017, Magali Pignard a voulu rendre hommage à toutes les personnes du spectre autistique. Et surtout, elle entend mettre un terme aux idées reçues. L’autisme n’est-il finalement pas qu’une différence parmi tant d’autres?

29 juin 2017

Signalement abusif, que faire ?

 

signalement abusif

C’est (presque) toujours la même histoire… L’incompréhension de l’école ou d’un professionnel face au comportement d’un enfant TDAH ou autiste se transforme en information préoccupante auprès des services sociaux. Le début d’un chemin souvent long et douloureux pour que les parents prouvent leur non-culpabilité.

Victime d’un signalement abusif : l’éducation est remise en cause

« Une fois que l’information préoccupante est ouverte, la machine infernale est lancée », explique Myriam, maman de trois enfants TDAH, dont deux victimes de signalement abusif aux services sociaux en primaire.  Même cas de figure pour Cathy, maman de Théo, autiste Asperger : « mon fils n’était pas encore diagnostiqué… ça été un vrai choc d’apprendre qu’il était considéré comme dangereux à l’école primaire. Et cela s’est répété lors d’un déménagement. Le Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) a ouvert une information préoccupante, en expliquant que les troubles de l’enfant étaient le fait d’un conflit parental ». Avec le début de l’enquête, deux grandes difficultés apparaissent pour les parents : la mécompréhension des troubles du comportement chez l’enfant TDAH ou autiste et l’intrusion dans la vie familiale. « C’était un moment horrible où notre vie et l’éducation de nos enfants sont remises en question » raconte Myriam. L’enquête dure souvent plusieurs mois et débouche ensuite soit sur :

  • un non-lieu,
  • une AEMO (Action Educative en Milieu Ouvert),
  • un signalement au juge des enfants.

Les parents, présumés coupables de maltraitance

Les parents d’enfants handicapés sont rarement préparés à un signalement abusif. Et ceux qui ont témoigné à la rédaction de Déclic insistent sur l’importance de se « blinder » moralement. Certains mots font tellement mal… S’entourer de bons professionnels de santé est indispensable pour la crédibilité. « Il vaut mieux dire : «  le médecin spécialiste explique que les troubles du comportement de mon enfant  sont dus à… » plutôt que « mon enfant est TDAH, explique Olivier Revol, chef du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent aux Hospices Civils de Lyon. Parfois, les propos très durs émanent de médecins eux-mêmes, faisant preuve de la maltraitance médicale selon Martin Winckler. En cas de mauvaise relation avec des professionnels de santé, et dans la mesure du possible, mieux vaut en changer.

Dialoguer avec l’école et les services sociaux : une clé fragile

Cathy et Myriam ont toutes les deux toujours beaucoup dialogué avec les enseignants de leur enfant, mais cela n’a pas suffi. « Lors du passage chez le juge, même lui ne savait pas réellement ce qu’était l’autisme. C’est là que l’avocat est indispensable pour argumenter, poser les bonnes questions et démontrer qu’il est impossible de reprocher à un enfant handicapé de l’être, sans tomber dans la discrimination… », explique Cathy. Il faut aussi penser à signaler les éléments qui ont évolué depuis l’ouverture du signalement abusif aux services sociaux, comme le début de tel traitement, etc.

Comment protéger son enfant handicapé d’un signalement ?

L’impact d’un signalement abusif sur l’enfant n’est pas négligeable. « Ces enfants sont souvent des « sentinelles », ils voient le danger avant tout le monde », explique fréquemment Olivier Revol. Il semble donc important de dialoguer avec son enfant handicapé, d’autant plus que des visites au domicile sont souvent programmées. Le tout, sans apporter une pression supplémentaire. « C’était difficile pour Théo, déjà victime de maltraitance scolaire en primaire, puis au collège. Comme si mon enfant subissait les doubles conséquences de son handicap », raconte Cathy.

S’entourer de proches suite à un signalement de maltraitance

Les deux mamans ont aussi dû protéger leurs enfants de ceux qui le considèrent comme fou ou mal éduqué. Le regard des proches ou d’autres parents d’élèves change souvent brutalement lorsqu’on est « sous le coup d’une information préoccupante ou d’un signalement abusif », décrit Myriam. Mais il faut continuer à s’entourer, même si le cercle devient plus restreint. Sans oublier les réseaux sociaux, comme l’explique Cathy : « j’ai trouvé dans les groupes Facebook de la bienveillance et des conseils précieux : sur l’assistance juridique pour les frais de défense, sur les associations, sur les professionnels spécialistes en région ».

Faire face à la phobie scolaire suite au signalement des parents

Les enfants dont les parents sont désignés comme « mauvais » se sentent souvent trahis. La fille de Myriam a ainsi développé une phobie scolaire. « Elle avait très bien compris que sa maitresse d’école avait émis des soupçons, et cela l’a traumatisé. La rupture de confiance nous a obligé à la changer d’école en urgence. Parfois, elle me confiait avoir peur qu’un jour je ne sois pas à la sortie de l’école pour l’attendre, à cause de la justice ». Pour affronter ces difficultés, mais aussi l’impact sur le temps, l’argent, l’énergie… pas de solution miracle, mais « la motivation de construire l’avenir et l’autonomie de mon enfant », explique Cathy.  Même regard du côté de Myriam : « notre seule arme est de maintenir la tête haute, d’essayer de ne pas trop penser au couperet et de cacher l’inquiétude à ses enfants ».

Se réparer en aidant d’autres parents victimes de signalement

Après un non-lieu, la reconstruction des deux mamans s’est faite grâce aux associations, aux réseaux sociaux et à l’aide qu’elles procurent maintenant aux autres. Leur engagement est une « façon de se réparer », raconte Myriam. Mais aussi d’éviter que cela n’arrive à d’autres en les incitant à dialoguer avec les écoles et établissements, à transmettre des fiches sur le handicap de l’enfant ou à les guider vers des spécialistes. Éviter l’engrenage d’une information préoccupante, en attendant d’autres évolutions…

Avis d’expert sur l’information préoccupante et signalement

Sophie Janois, Avocate au barreau de Paris, spécialiste du droit de la santé (dont autisme/TDAH/DYS) et des établissements médico-sociaux.

J’aide régulièrement des parents victimes d’un signalement abusif. La règle n°1, c’est de répondre le plus sincèrement possible à l’enquête des services sociaux, mais sans être trop vindicatif, car cela peut être mal perçu et se retourner ensuite contre les parents. Il faut penser à adopter le principe de double réponse qui montre la nuance. À la question : « Que faites-vous quand votre enfant pleure ? », répondez par exemple, « ça dépend, soit c’est un caprice soit il a un problème et je vais chercher à l’aider ». En tant qu’avocate, je ne peux pas intervenir juridiquement au stade de l’information préoccupante. Je conseille aux parents d’enfants handicapés d’obtenir des attestations démontrant le caractère génétique – et non éducatif – des troubles du comportement, auprès de médecins. Si un signalement abusif est malgré tout déclenché, j’incite les parents à consulter le dossier auprès du greffier, au préalable. Pour connaitre les faits exacts reprochés et démentir certains faits. Lors du passage devant le juge, je conseille aux parents de ne pas nier la situation et de montrer ce qu’ils font pour le bien de l’enfant (dialogue avec l’école, association, consultations médicales). Et bien sûr, lorsque les parents sont séparés, il est important qu’ils se mettent d’accord au préalable et se soutiennent lors de l’audition !

David Monchanin

6 juillet 2017

4ème plan autisme : la concertation engagée à l'Elysée

article publié sur handicap.fr

Résumé : A l'Elysée, le 6 juillet 2017, Emmanuel Macron reçoit les institutions et associations du champ de l'autisme pour définir les priorités du 4ème plan autisme.

Par , le 06-07-2017

C'est l'Elysée que le chef de l'État a choisi pour lancer la concertation autour du 4e plan autisme, le 6 juillet 2017 dans l'après-midi. La séance vient de débuter. Devant l'impatience, voire le désespoir de familles, les associations (une cinquantaine sont présentes) demandent au gouvernement de "prendre la mesure de l'urgence" en matière de  recherche, d'accompagnement vers l'emploi et de scolarité ou encore de création de places dans des structures spécialisées pour éviter des départs forcés en Belgique.

14h30. 4 ministres au RV

Sophie Cluzel (secrétaire d'Etat en charge du handicap) prend la parole. "L'autisme est une question majeure qu'il nous faut mieux comprendre, mieux diagnostiquer, mieux accompagner".

Frédérique Vidal (ministre de l'Enseignement supérieur), Jean-Michel Blanquer (ministre de l'Education nationale) et Agnès Buzyn (ministre de la Santé) sont également présents, réunis en formation interministérielle. Les ministres de l'emploi, la culture et le sport sont représentés.

Jean-Michel Blanquer déclare que son ministère veut faire de l'accueil des élèves autistes une priorité. Pour mener à bien cette politique, il considère que l'interministérialité est la "clé de l'efficacité". Il y a, pour lui une évidence : "l'école de la République doit accueillir tous les enfants. Lorsque la situation ne le permet pas, une réponse doit aider les familles à trouver une organisation adaptée". Il reconnait être "au milieu du gué" et dit "connaître les inquiétudes des familles à cause de procédures lourdes et complexes". Il promet, en 2017, 112 unités d'enseignement en maternelle pour les enfants autistes. Selon lui, 50 % d'entre eux poursuivront en primaire. Il assure également que la formation des AESH sera amélirorée et que le dépistage précoce sera fait le plus tôt possible, dès la maternelle grâce à un suivi médical des enfants au sein de l'école. En 2017, 280 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en France, dont 29 326 avec des troubles autistiques (soit plus 30% depuis la fin des années 2000).

Agnès Buzyn dit vouloir partir des besoins individuels et regretter "un trop grand retard dans le champ de l'acompagnement des personnes autistes". Ce 4eme plan aura 4 axes prioritaires : développer le repérage, renforcer la qualité des interventions au sein des établissements et hopitaux, renforcer l'inclusion sociale et professionnelle et l'acompagnement des familles et des proches.

Frédérique Vidal assure que le champ de la recherche sera mobilisé dans le domaine du diagnostic, du traitement, de la prise en charge avec, notamment, l'appui de la robotique. Elle souhaite mettre en place une plateforme collaborative pour diffuser la recherche à tous les lieux de diagnostic, en soutien des familles. Elle souhaite par ailleurs développer la pédo-psychiatrie dans ce domaine et encourager la formation initiale et continue aux spécificités de l'autisme pour tous les pros de l'accompagnement.

15h15. Josef Schovanec s'exprime au nom des adultes autistes

ll rend hommage à Ségolène Neuville, ex-secrétaire d'Etat au handicap,  qui a "osé l'impensable, faire travailler une personne autiste". Josef Schovanec a en effet rédigé un rapport en 2017 sur l'emploi des personnes avec autisme, regrettant qu'aucun media ne l'ait interrogé à ce sujet au moment de sa sortie. Il déplore que ses amis autistes soient au chômage car négligés par le monde du travail. ll regrette que la France se soit concentrée sur les enfants et adolescents en oubliant qu'ils deviendraient un jour adultes. Il lutte pour que l'expertise des personnes autistes soit reconnue.

15h45 Le robot NAO fait son entrée dans la salle

Ce petit humanoïde de 58 centimètres est équipé de deux caméras et de nombreux capteurs qui enregistrent les réactions des enfants. Produit par une société française, Aldebaran Robotics, il a été testé dès 2014 auprès d'enfants autistes. Il entame un dialogue avec Sophie Cluzel exliquant tout le bénéfice qu'il leur apporte via des conversations en direct et des jeux.

16h Le détail sur la concertation du 4ème plan

Les réunions pour préparer ce plan auront lieu entre juillet et décembre 2017 et devront donner lieu à des propositions concrètes. Cinq groupes de travail seront mis en place : scolarité et formation professionnelle, insertion dans la société et dans le monde du travail, recherche et nouveauté, famille et, enfin, aide au changement.  Cette concertation doit faire participer les familles, les collectivités territoriales. Elle doit aussi repérer les actions à mettre en place. Le troisième plan autisme avait été doté de 205 millions d'euros pour la période 2013-2017.

16h Goûter avec des enfants autistes à l'Elysée

Avant son discours de clôture en fin de journée, le président Emmanuel Macron rencontre avec son épouse Brigitte un groupe de jeunes autistes  pour leur faire visiter le palais du chef de l'Etat.

16h30 Cri de colère de Danièle Langloys

La présidente d'Autisme France lance un cri d'alarme : "Comment peut-on construire un 4ème plan autisme sans rendre ses enfants à Rachel ?". Largement applaudie par la salle, elle fait allusion à cette maman de trois enfants autistes qui lui sont arrachés depuis deux ans. Elle accuse certains départements de "perversité et d'incompétence" qui continuent de mettre le trouble autistique sur le dos des mamans. Elle se veut la porte-parole de la "détresse et de l'épuisement des familles". Pour elle, deux autres axes majeurs pour ce futur plan : simplifier le parcours "cauchemardesque" des parents dans les MDPH et proposer une véritable aide aux familles, notamment via de la guidance à domicile, des relais en cas d'épuisement. Elle lance un "appel au secours au Gouvernement" et espère le soutien massif de la Nation.

17h Le président prend la parole

Arrivant à la conclusion des débats, le chef de l'Etat dit avoir beaucoup appris avec les jeunes avec lesquels il a passé un peu de temps en compagnie de son épouse Brigitte. Il dit se "méfier des plans qui sont trop souvent homogènes. La vingtaine de jeunes avec qui j'étais suffit à montrer qu'il n'y a aucune homogénéité. Et donc les réponses sont multiples". Et de saluer le travail global réalisé par l'ensemble des acteurs et l'intérêt du caractère interministériel de ce chantier, les ministres présents ayant déjà intégré dans leur action cette dimension. Il est interrompu par le jeune Thomas qui ne tient plus en place, et s'adressant avec le sourire à ses éducateurs : "Je crois que vous avez échoué à le mettre sous une contrainte". Avant d'ajouter : "Et c'est sans doute très bien ainsi".

Les 6 prochains mois seront donc consacrés à l'analyse de cette approche transversale, "partant plutôt du bas qu'un plan dicté d'en haut" selon le chef de l'Etat, en proposant des "familles de solutions". C'est, selon lui, la "plus-value de ce 4ème plan", en articulant convenablement le médico-social et non médico-social et sans oublier les adultes qui "peuvent se retrouver plongés dans la violence d'un monde qui n'est pas fait pour eux." Et de conclure : "les sociétés contemporaines ont ce défi à relever, et c'est plutôt un défi de civilisation. Et c'est dans cette maison que cela doit se faire", même s'il se dit conscient que ces problèmes ne seront pas réglés en un jour. Le chef de l'Etat affirme qu'il sera présent, sur le terrain, "pas pour de grandes annonces" mais pour des "situations concrètes" et, cela, "autant de fois que cela sera nécessaire". 

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Sur Handicap.fr

5 août 2017

Prise en charge de l’autisme : les initiatives grenobloises face au retard français

Par AMa | le 03/08/2017 | 22:57 | logo petit

DÉCRYPTAGE – L’autisme, un mystérieux trouble comportemental ? Beaucoup préfèrent y voir une « particularité » à intégrer. Place Gre’net a rencontré des associations grenobloises, des psychiatres et des psychologues pour faire le point sur la prise en charge de l’autisme dans le milieu scolaire et médical. Constat ? La France a bien des retards en comparaison à ses voisins européens.

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Julien, le fils de Magalie Pignard. © Magalie Pignard

Julien a le visage d’un ange et le sourire innocent d’un enfant de onze ans. Mais à la différence des autres, il ne parle toujours pas. « Malgré tout, j’ai le sentiment de mieux le comprendre que certaines personnes neuro typiques [sans troubles, ndlr]», confie sa mère Magalie Pignard, dévouée à l’éducation de son fils, atteint d’autisme.

L’origine exacte de ce trouble comportemental demeure très mystérieuse, même pour les scientifiques. Toutefois, ces derniers s’accordent à dire qu’il existe des prédispositions génétiques, favorisant le développement du trouble. C’est pourquoi Magalie, alors âgée de 32 ans, a décidé à son tour de réaliser un diagnostic, une fois celui de son fils établi.

“Les codes sociaux, ce n’est pas vraiment mon truc »

Coup de théâtre pour cette enseignante : les médecins diagnostiquent un léger syndrome d’Asperger. A priori, quand on la rencontre, rien ne porte à croire qu’elle est atteinte de troubles autistiques. Un peu timide, parfois “maladroite », Magalie Pignard s’est pourtant souvent sentie différente. « C’est vrai que les codes sociaux, ce n’est pas vraiment mon truc », affirme en riant cette quadragénaire à l’allure élancée. Elle est par ailleurs, comme souvent les autistes Asperger, dotée de capacités artistiques ou intellectuelles étonnantes. Musicienne dans l’âme, Magalie est par exemple capable de reconnaître les notes de musique dès la première écoute d’un morceau.

Magalie Pignard et son fils en photo © Anaïs Mariotti

Magalie Pignard et son fils en photo. © Anaïs Mariotti

Pour le docteur Philippe Narang, psychiatre indépendant à Grenoble et spécialisé dans l’autisme Asperger, cette particularité n’est pas un handicap mais plutôt une “dyslexie des relations sociales“. En d’autres termes, “l’apprentissage des codes sociaux n’est pas automatique pour ces personnes », précise le médecin.

“Trois élèves sur huit ont appris à parler”

Magalie ne garde pas de bons souvenirs de la scolarisation de son fils en milieu ordinaire. En 2009, elle a décidé de fonder à Grenoble l’association Le Tremplin, avec sa mère, Françoise Galletti. Son objectif ? Permettre une meilleure intégration des personnes autistes, grâce aux méthodes pédagogiques de l’analyse appliquée du comportement (ABA).

Née dans les années 1960 aux États-Unis, « l’analyse appliquée du comportement est un principe scientifique qui se base sur la motivation et sur les particularités de la personne » explique Coralie Fiquet, psychologue spécialisée dans l’autisme et dans la méthode ABA à Grenoble. Les programmes sont individualisés et spécialement créés en fonction des compétences de l’enfant. « D’une personne à une autre, la manifestation des troubles autistiques est totalement différente. L’ABA tient compte de ces particularités », explique Magalie Pignard.

Application de la pédagogie ABA à l'association Le Tremplin à Grenoble © Marina B Photographie

Application de la pédagogie ABA à l’association Le Tremplin à Grenoble © Marina B Photographie

Au Tremplin, un éducateur spécialisé se charge ainsi d’un élève à la fois. À la clef, des récompenses permettent de stimuler leurs progressions. “Trois élèves sur huit ont d’ailleurs appris à parler, grâce à l’ABA, dans notre association“, se félicite Françoise Galleti, directrice de la fondation. « La communication est la première étape pour débloquer d’autres troubles », ajoute-t-elle.

En parallèle, Magalie a aussi cofondé l’Association francophone des femmes autistes, un espace d’écoute et de dialogue qui a pour objectif de lever certains tabous, dont celui des violences sexuelles. Dans son entourage, Magalie relate en effet des cas de viols : “Ces violences sont fréquentes, particulièrement chez les autistes dénués de parole. Mais personne n’en parle, par honte ou par méconnaissance », déplore-t-elle.

“La France a quarante ans de retard sur ses voisins européens”

« La France a quarante ans de retard sur ses voisins européens en matière d’autisme », estime Magalie Pignard. Un constat partagé par le Docteur Fiquet : « La France a en effet beaucoup de retard, notamment en raison d’une méconnaissance de l’autisme et d’un manque d’informations. » De plus, « des idées reçues et des stéréotypes ont longtemps freiné sa prise en charge », ajoute-t-elle.

La méthode ABA a d’ailleurs été adoptée très tardivement en France, dans le courant des années 2000, contrairement à d’autres pays européens, comme l’Italie, qui la pratiquent depuis de nombreuses années. Et ce n’est qu’en 2012 que l’approche psychiatrique de l’autisme a été abandonnée par la Haute autorité de la santé au profit de l’approche comportementale (ABA), désormais recommandée par cette institution publique.

Application de la méthode pédagogique ABA à l'association Le Tremplin ©Marina B Photographie

Application de la méthode pédagogique ABA à l’association Le Tremplin. © Marina B. Photographie

Il faut dire que ces approches comportementales ont fait l’objet de désaccords idéologiques au sein même de la sphère médicale. Les détracteurs de l’ABA contestent le système de récompenses, qu’ils qualifient de « dressage » ou de « conditionnement ». Pour le Dr Élisabeth Giraud Baro, psychiatre à la clinique du Dauphiné et fondatrice du Centre expert Asperger à Grenoble, il n’en est rien.

Dr. Elisabeth Giraud Baro, psychiatre à la clinique du Dauphiné. © DR

Dr Élisabeth Giraud Baro, psychiatre à la clinique du Dauphiné. © DR

« Le changement est très anxiogène pour une personne autiste. La méthode ABA modifie l’environnement de la personne. Les récompenses leurs permettent donc de dépasser leurs peurs », explique-t-elle.

D’ailleurs le système de « récompense » est, selon elle, un stimulant inhérent à la nature humaine. « Il en est de même dans le monde du travail. Le salaire encourage nécessairement la motivation professionnelle. »

Autrefois, les médecins imposaient la socialisation des personnes autistes. Un « calvaire » pour ces derniers. Or, on sait aujourd’hui que « l’environnement doit être adapté à la personne, et non pas l’inverse », explique la psychiatre, qui a introduit les thérapies cognitives et comportementales à Grenoble, grâce à son Centre.

Une véritable révolution, qui implique un consensus au sein de l’équipe médicale. Et surtout, davantage de moyens à disposition des soignants.

L’autisme est encore assez méconnu, même dans le milieu médical

Pour le Dr Giraud Baro, hors de question de se montrer pessimiste. « En vingt ans d’expérience, j’ai vu la situation nettement s’améliorer », affirme-t-elle. Toutefois, des problèmes de taille continuent de freiner une meilleure prise en charge de l’autisme en France.

Dr Philippe Narang, psychiatre à Grenoble spécialisé dans le syndrome d'asperger.

Dr Philippe Narang, psychiatre à Grenoble spécialisé dans le syndrome d’Asperger.

Selon le psychiatre Philippe Narang, ce retard français s’explique tout d’abord par un important manque d’informations et de connaissances. En réalité, l’autisme est encore assez méconnu, même dans le milieu médical. Un manque de formation qui a parfois engendré des erreurs de diagnostic…

Au cours de ma carrière, j’ai rencontré des personnes qui ont d’abord été diagnostiquées schizophrènes. Après une révision du diagnostic, les médecins se sont rendu compte qu’il s’agissait en réalité d’un syndrome d’Asperger », témoigne le Dr Narang. Des erreurs médicales – dues à une “méconnaissance totale” – loin d’être anodines ayant débouché sur des prises en charge inadéquates.

Ainsi, ces personnes sont parfois orientées vers des hôpitaux psychiatriques, bien que ces structures ne soient pas adaptées à ce type de trouble. “Par mimétisme, ils imiteront le comportement des personnes internées, ce qui ne favorise pas leurs progressions”, explique Philippe Narang.

La France manque considérablement de moyens et de financements

Pour Magalie Pignard, l’hospitalisation en milieu psychiatrique serait une manière de désengorger les instituts médico-éducatifs (IME), très souvent surchargés. “On donne encore des neuroleptiques qui, au lieu de faire progresser l’enfant, augmentent ses troubles“, estime-t-elle.

Image d'illustration, médicament. Photo Domaine Public

Image d’illustration, médicaments. DR

Dans la grande majorité des cas, ces psychotropes ne sont pas adaptés. Mais comme toutes règles, il y a des exceptions », précise toutefois le psychiatre. En effet, la prise de neuroleptiques peut être justifiée pour un laps de temps très court, quand l’autisme est associé à des troubles neurologiques (crise d’épilepsie, épisode schizophrénique…), confirme Élisabeth Giraud Baro.

Malgré tout, ils ne peuvent en aucun cas se substituer à un traitement de fond. Fort heureusement, « la tendance médicale recommande davantage un traitement éducatif que médicamenteux » explique-t-elle. “Si les médicaments sont nécessaires, il faut une dose très faible et provisoire. Sinon, les effets secondaires peuvent dégrader la personne et augmenter ses chances de développer une déficience intellectuelle », explique le Dr Narang.

En plus du manque de connaissances, la France manque considérablement de moyens et de financements. En résultent des listes d’attente pour obtenir une place dans les IME, source de souffrances pour les familles. “Il faut trois ans pour pouvoir faire un diagnostic. Et les familles attendent en moyenne deux ans pour obtenir une place dans un IME », explique la psychologue Coralie Fiquet. Parfois, des adultes restent même hospitalisés dans le pôle pour enfants, en raison du manque de places.

Scolarisation des élèves autistes : vers l’intégration ?

« À la maternelle, les enseignants m’ont demandé de n’amener mon fils que six heures par semaine à l’école. Et de compléter avec l’hôpital de jour pour éviter, semble-t-il, le poids de la prise en charge », témoigne Magalie Pignard. Pour Coralie Fiquet, il n’y a pourtant pas de doute : « Dans la mesure du possible, il faut tendre vers une intégration maximale des enfants autistes en milieu ordinaire. »

Si en Italie, la quasi totalité des élèves autistes est scolarisée en milieu ordinaire,  seulement 20 % d’entre eux l’étaient en France, en 2014. L’Hexagone avait d’ailleurs été sanctionné par le Conseil de l’Europe, accusé d’avoir “délaissé l’éducation des jeunes autistes“. La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances avait laissé espérer une meilleure intégration scolaire des personnes handicapées mais les résultats sont toujours en-deçà des espérances…

Photographie d'illustration. Association Le Tremplin à Grenoble. © Marina B Photographie

Association Le Tremplin à Grenoble. © Marina B Photographie

La méthode ABA permet justement de favoriser la scolarisation des enfants en milieu ordinaire, assure Coralie Fiquet. « En moyenne, un enfant sur deux réintègre l’école ordinaire grâce à l’analyse du comportement », certifie-t-elle. Mais pour parvenir à un tel résultat, des moyens doivent être alloués par l’État et les collectivités territoriales.

“Il est indispensable d’aider et de soutenir les enseignants”

D’abord, “les enseignants devraient pouvoir être formés fréquemment et dès le début de leur carrière pour accueillir tout type de handicap », estime Philippe Narang. Ensuite, l’effectif des classes doit impérativement être diminué. “Dans une classe de trente élèves, entre l’élève brillant, le cancre, le dyslexique et celui autiste, l’enseignant ne peut pas tout assurer seul », affirme-t-il. Enfin, il est indispensable de recruter des enseignants spécialisés et des auxiliaires de vie scolaire pour l’aide individuelle (AVS-I).

Enfants à l'école. © Joël Kermabon – placegrenet.fr

Enfants sur le chemin de l’école. © Joël Kermabon – placegrenet.fr

En somme, il existe une réelle volonté de la part du corps enseignants, “mais on ne leur donne pas les moyens. Il est impératif de les aider et de les soutenir », argue le Dr Narang. Et l’actuelle suppression des postes dans l’Éducation nationale freine encore davantage l’avancée de cette intégration. Des réformes sont largement envisageables, mais actuellement au point mort, faute de financement par les pouvoirs publics.

Pourtant, les associations et les médecins s’accordent à dire que la scolarisation en milieu ordinaire est non seulement bénéfique pour les enfants autistes mais aussi pour les élèves sans handicap. « À l’école, les enfants autistes peuvent imiter les codes sociaux des autres enfants. S’ils restent entre eux, ils ne progresseront pas », estime Magalie Pignard. Sans compter que cette politique permet de stimuler l’entraide, la solidarité et la tolérance chez les enfants dès leur plus jeune âge. L’autisme, une simple différence parmi tant d’autres ?

Anaïs Mariotti

 

« IMAGINONS UN EXTRATERRESTRE QUI DÉBARQUE SUR TERRE »

« Le réel handicap, c’est le regard des autres », affirme Magalie Pignard. À travers une intéressante métaphore, elle partage sa vision de l’autisme : “Imaginons un extraterrestre, qui débarque sur Terre et qui ne comprend rien aux codes sociaux et aux coutumes. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas moins intelligent que les autres. »

 

Enfant autiste à l'association Le Tremplin à Grenoble. © Marian B Photographie

Enfant autiste à l’association Le Tremplin à Grenoble. © Marian B Photographie

Pour le docteur Philippe Narang, “il n’y a pas de handicap, il y a surtout un fonctionnement cognitif différent“. Il explique que le schéma de pensée des personnes autistes n’est pas moins efficace que les autres, mais fondamentalement différent. Pour une personne lambda, le raisonnement est “probabiliste” : “Constamment, nous raisonnons sous forme d’hypothèses », explique le psychiatre.

Un esprit “en arborescence”

À l’inverse, une personne Asperger a davantage un raisonnement analytique et pragmatique. “Leur esprit est en arborescence, il fonctionne comme un arbre décisionnel », poursuit-il. C’est pourquoi ils ont notamment des difficultés à comprendre l’ambiguïté, les sous-entendus ou encore l’ironie.

Alors peut-on réellement parler de handicap ? “Les autistes Asperger ont un handicap dans les relations sociales, mais dans d’autres domaines, c’est moi qui suis handicapé ! », ironise Philippe Narang. En d’autres termes, “ils sont extrêmement performants dans certains domaines techniques, là où la majorité des gens ne le sont pas. Il n’y a pas de handicap, mais simplement des modes de raisonnement différents.”

“La variété des personnes fait la richesse d’une société”

Aux yeux de Magalie Pignard, l’autisme n’est pas un trouble à combattre. “Je considère que la variété des personnes fait la richesse d’une société », estime-t-elle. Il s’agit plutôt de comprendre, d’appréhender et d’intégrer, sans vouloir absolument modifier le comportement de ces personnes.

En d’autres termes, ce ne sont pas les autistes qui doivent coûte que coûte intégrer la société. “C’est la société qui doit s’efforcer de les intégrer.” Finalement, « la définition du handicap dépend du regard que lui porte la société », estime-t-elle.

L’ATYPIK, UN RESTAURANT PAS COMME LES AUTRES

À la terrasse du restaurant l’Atypik à Grenoble, Annie Raymond attend celui qu’elle nomme “son merveilleux“. Diagnostiqué autiste Asperger, son fils Clément est un jeune homme de 23 ans qui n’a pas froid aux yeux.

Clément portrait

Clément, 23 ans, membre actif à l’association et au restaurant l’Atypik à Grenoble. © Anaïs Mariotti

À ses heures perdues, il travaille au café-restaurant l’Atypik, un lieu convivial qui porte bien son nom où sa mère est  bénévole. Créée en 2013 par la compagnie des TED, un sigle qui signifie “troubles envahissants du développement”, cette enseigne emploie de jeunes autistes comme serveurs ou cuisiniers.

Le restaurant est aussi un lieu de vie, de formation et d’activité pour les personnes autistes et leur famille. Depuis quatre ans maintenant, L’Atypik, situé près de la place Notre-Dame, a un mot d’ordre : valoriser la différence. Il permet également à ces jeunes d’intégrer le monde du travail en toute sécurité.

Clément veut se lancer dans la politique

Mais Clément ne compte pas travailler dans la restauration à l’avenir. Après avoir gagné un concours d’éloquence à l’âge de 17 ans, il veut désormais se lancer dans une carrière politique.

Passionné de géopolitique, d’histoire et de sciences sociales, il souhaite plus précisément devenir conseiller municipal. Avec ses larges connaissances culturelles et politiques, le jeune homme ne semble pas moins capable que les autres mais reconnaît rencontrer davantage de difficultés. “Les discriminations, j’en suis victime tous les jours, mais je préfère ne pas parler de choses qui fâchent”, raconte-t-il en esquivant rapidement ce sujet qui semble douloureux.

Sans aucun regret, sa mère, ancienne comédienne, a mis de côté sa carrière pour s’occuper de lui. Ensemble, ils veulent aujourd’hui bouleverser le regard de la société. « Il est plus difficile d’être autiste en France qu’ailleurs », affirme-t-elle. Et pour cause, elle estime que « le système français cherche à gommer les différences au lieu de les accepter et les mettre en valeur ».

25 août 2017

Baisse des contrats aidés : l'Unapei s'inquiète

article publié sur Handicap.fr

Résumé : L'Unapei a exprimé, le 24 août 2017, sa préoccupation devant la volonté du gouvernement de diminuer les emplois aidés. Elle rappelle qu'ils sont " indispensables " pour l'accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap.

Par , le 25-08-2017

« En 2016, le ministère de l'Éducation nationale recensait 45 000 contrats aidés d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) ainsi que 25 000 emplois à temps plein d'AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap), pour accompagner 122 000 élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire », a rappelé l'Unapei (Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés), dans un communiqué à l'AFP, le 24 août 2017. La Fédération a exprimé sa préoccupation devant le projet gouvernemental de réduire les emplois aidés, rappelant qu'ils sont « indispensables » au bon accompagnement à l'école des élèves porteurs d'un handicap.

Des emplois d'AVS aux contrats aidés

Ces chiffres « témoignent de la prédominance » du recours aux emplois aidés, estime l'organisme. « Leur suppression ou diminution n'auraient de sens que s'ils étaient compensés à hauteur des besoins par la création de postes supplémentaires d'AESH ». « L'accueil des élèves en situation de handicap est notre grande priorité, a assuré le 24 août, sur Twitter, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Nous y consacrons 8 000 emplois de plus en cette rentrée. »

Selon son ministère, interrogé par l'AFP, il s'agit précisément de 8 068 équivalents temps plein supplémentaires déployés à la rentrée 2017 par rapport à 2016, pour l'accompagnement des élèves handicapés. Le gouvernement actuel poursuit le plan engagé sous le quinquennat de François Hollande, qui consiste à convertir des emplois d'AVS recrutés en contrats aidés, en accompagnants (AESH) sous contrat de droit public.

Une enveloppe réduite de moitié en 2018 ?

Si les incertitudes liées à la diminution des emplois aidés persistent, « elles risquent de mettre en péril la scolarisation de nombreux enfants », a averti l'Unapei. La fédération a rappelé que « l'ensemble des moyens d'accueil et d'accompagnement des enfants en situation de handicap est déjà insuffisant » et que « nombre d'entre eux se trouvent encore sans solution d'accueil et d'accompagnement éducatif ». L'enveloppe pour les contrats aidés sera de 310 000 signatures ou renouvellements en 2017, selon une instruction adressée par le ministère du Travail aux préfets, dont l'AFP a obtenu copie le 24 août. Leur nombre était de 459 000 en 2016, tous secteurs confondus. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a laissé entendre ce même jour que l'enveloppe passerait sous les 200 000 en 2018.

© Fotolia / WavebreakmediaMicro

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Sur le web

26 août 2017

A quoi sert le Plan Autisme 4 (partie 2) ?

26 septembre 2017

Plan handicap du gouvernement : réactions !

Résumé : Certaines associations réagissent aux annonces faites lors du Comité interministériel du handicap. Malgré des progrès encourageants, elles repèrent des mesures en demi-teintes et quelques oublis, notamment en matière de compensation.

Par , le 25-09-2017

Comme un écho aux promesses faites par Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls, les CIH (Comité interministériel du handicap) se suivent et se ressemblent… 17 pages de mesures pour Edouard Philippe en 2017, 36 pour Manuel Valls en 2016, 45 pour Jean-Marc Ayrault en 2013. Des « objectifs », des « engagements », souvent les mêmes, toujours à 5 ans. Le premier CIH du quinquennat Macron s'est réuni à Matignon le 20 septembre 2017 sur le thème « Vivre avec un handicap au quotidien ». La mesure phare a porté sur l'augmentation de l'AAH (article en lien ci-dessous).

Peut mieux faire

Balayant d'avance les déceptions, Edouard Philippe a insisté sur les autres sujets abordés lors de ce comité pour « améliorer la vie de tous les jours » des personnes handicapées à travers 5 grands domaines : accueil et accompagnement tout au long du parcours de la crèche à l'université, insertion professionnelle, logement, accès aux droits, aux soins et à la prévention et enfin aux sports et à la culture (article en lien ci-dessous). « Des progrès ont déjà été réalisés » mais « on peut faire mieux », a assuré Edouard Philippe. Insistant sur l'implication de tous les membres de son gouvernement, il a affirmé « qu'aucun ministère, aucune personne publique » ne peut « se dispenser de participer à l'effort ». Sa feuille de route apporte des éclairages sur ses premières orientations et décisions…

Les annonces majeures

Dans la perspective des Jeux de Paris en 2024, le Premier ministre a souligné que SNCF Réseau s'est engagé à investir 870 millions d'euros dans l'accessibilité des transports. Affichant sa volonté d'éviter les « ruptures » dans les parcours scolaires, il a annoncé la création de 250 classes Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire) dans les lycées pendant le quinquennat. L'enseignement supérieur mobilisera « 1 000 services civiques dès 2018, et 2 000 dès 2019 », pour faciliter l'intégration des étudiants handicapés. Une nouvelle enveloppe de 15 millions d'euros sera dédiée à la prévention des départs en Belgique.

Emploi, logement, autisme…

M. Philippe a par ailleurs estimé que la loi de 1987, qui a instauré l'obligation pour les entreprises privées (puis publiques en 2005) d'employer 6% de travailleurs handicapés, n'avait pas donné des résultats satisfaisants. « Nous devons nous interroger sur la pertinence du dispositif et la façon dont on peut relancer l'insertion professionnelle ». Concernant le logement, il a affiché l'ambition « d'atteindre l'objectif de 100% de logements adaptables » au handicap dans les constructions neuves, c'est-à-dire « évolutifs ou réversibles » pouvant être rendus totalement accessibles, sur demande, par des travaux assez simples. Il a par ailleurs assuré que des budgets seraient fléchés, sous forme de subventions aux collectivités territoriales, pour améliorer l'accessibilité des lieux recevant du public. Il a promis « 100 % des ERP dans la démarche Ad'AP et 100 % des ERP de l'Etat accessibles d'ici 2022 ». Le Premier ministre a, en conclusion, confirmé qu'un 4e plan autisme serait dévoilé "début 2018".

Le point de vue des asso

La plupart des associations du champ du handicap ont estimé, à l'instar de l'APF (Association des paralysés de France), que la tenue de ce comité dès le début de quinquennat envoyait un « signal positif », soulignant la « volonté de mener une politique du handicap avec une approche transversale et inclusive ». Elles déplorent néanmoins quelques « oublis »…

Du côté des ressources…

L'APF regrette par exemple que les bénéficiaires de pension d'invalidité ou de rente -dont le montant est parfois très faible- n'aient bénéficié, contrairement aux allocataires de l'AAH, d'aucune annonce ou revalorisation. De son côté, l'Unapei (association de personnes avec un handicap mental) s'inquiète que les prochaines mesures de simplification, de clarification des dispositifs d'aides publiques et fiscaux ainsi qu'une future réforme des minimas sociaux ne viennent annuler les effets de la revalorisation de l'AAH. Elle met en garde sur « des annonces qui ne seraient pas suivies d'une réelle hausse de niveau de vie des personnes en situation de handicap, malheureusement souvent condamnées à la précarité »

La PCH, grande oubliée ?

Grande oubliée de ce CIH, la compensation du handicap. La Fnath (fédération des accidentés de la vie) remarque qu'elle ne fait l'objet d'aucun « chantier » alors que ses contours et les montants n'ont pas évolué depuis 2005. « L'absence d'orientations concernant la PCH n'est pas compréhensible alors que les besoins d'aide humaine, de financement des aides techniques, de l'aménagement du logement et du véhicule figurent parmi les préoccupations majeures des personnes en situation de handicap », renchérit l'APF.

Une solution pour tous ?

La question de l'accueil des personnes handicapées est également au cœur des préoccupations. Or l'Unapei s'inquiète de « mesures en demi-teinte comme de l'absence de réponse pérenne aux situations d'urgences de dizaines de milliers de personnes handicapées aujourd'hui sans solution d'accueil et d'accompagnement en France ». « Cela passe, selon elle, par une transformation de l'offre médico-sociale, une réforme de profondeur (…) qui prendra nécessairement des années ». « En attendant, poursuit-elle dans un communiqué, le gouvernement annonce une généralisation du dispositif « réponse accompagnée pour tous », aujourd'hui utilisé pour résoudre temporairement des situations critiques, et qui, sans moyen financier nouveau, ne pourra répondre durablement aux besoins et résorber les longues listes de personnes en attente d'accompagnement adapté ». Autre situation partiellement traitée, celle des personnes accueillies faute d'autre choix en Belgique. Le gouvernement annonce un doublement de l'enveloppe « pour prévenir les départs non souhaités », mesure qui reste floue, et oublie celles actuellement accueillies en Belgique via des financements français faute d'accompagnement de proximité. L'Unapei attend un plan d'urgence de création de solutions d'accompagnement durables.

Normes handicap dans l'habitat

Les récentes déclarations du gouvernement sur l'allègement des normes handicap (article en lien ci-dessous) dans la construction ont également tout lieu d'inquiéter les personnes concernées. « Derrière la simplification se cache en effet concrètement une diminution des exigences relatives à l'accessibilité des personnes handicapées, déclare la Fnath. Des logements moins accessibles, dans une société vieillissante, constituent un recul important et un risque supplémentaire d'exclusion des personnes handicapées. »

Relais téléphonique aux abonnés absents

Enfin, Jérémie Boroy, délégué général d'Aditus, juge particulièrement « inquiétant » qu'aucune mention n'ait été faite du relais téléphonique pour les personnes sourdes. « Après plus de 10 ans de mobilisation, un consensus avait été trouvé avec la loi pour une République numérique puis le décret du 9 mai 2017, explique-t-il. Mais il reste tout à faire avant le lancement du dispositif qui doit démarrer en octobre 2018. À ce jour, rien ne semble avoir été entrepris par le nouveau gouvernement ».

Tous affirment se montrer extrêmement vigilants sur les promesses faites et les chantiers en cours. Un premier bilan pourrait être dressé d'ici quelques mois puisqu'Edouard Philippe a annoncé qu'une Conférence nationale du handicap se tiendra en mai 2018.
 

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Sur Handicap.fr

4 octobre 2017

Vague bleue à Pont-de-l’Arche : 1 000 coureurs ont répondu à l’appel de Georgio Loiseau

article publié sur actu.fr

Avec le soutien de la municipalité, L'Oiseau bleu organisait, dimanche 24 septembre 2017, la première Vague bleue à Pont-de-l'Arche. Un succès pour les organisateurs.

Publié le 3 Oct 17 à 9:01
Le départ de la course dimanche 24 septembre 2017. (©EB/La Dépêche de Louviers)

Président de l’association L’Oiseau bleu, Georgio Loiseau n’en revient pas : « Quelle Vague bleue ce week-end ! Qui l’aurait cru ? Même pas moi. Lorsqu’on manipule 1 200 dossards, on se dit que ça fait du monde. Mais lorsqu’on voit 1 200 tee-shirts bouger, ça, c’est extraordinaire ! » Dimanche 24 septembre 2017, cette course solidaire a affiché complet pour sa première édition, à Pont-de-l’Arche.

« Je voulais un fils »

C’est un gros encouragement pour Georgio Loiseau, qui se bat pour la scolarisation des enfants autistes âgés de 6 ans et plus. Cet habitant de Poses est le papa d’Elyes, le petit dernier de la famille Loiseau âgé de 6 ans. Le jeune cadre industriel et son épouse sont aussi les parents de « deux grandes filles » âgées de 18 et 10 ans.

Comme tous les papas, j’avais un vieux fantasme, je voulais un fils. Quand le fiston est arrivé, tout allait bien au début, mais mon épouse avait quelques craintes, il se développait différemment.

Il le reconnaît aujourd’hui : il a été « sec au début ». Son épouse voulait en parler aux médecins. Il ne voulait pas la croire. Le couple a fini par aller consulter son généraliste, qui l’a réorienté vers un pédiatre spécialiste du développement des enfants. « Le Dr Lévy a détecté quelques soucis. Elyes avait deux ans. Il nous a redirigés vers le CRA (Centre régional de l’Autisme) de Saint-Étienne-du-Rouvray. »

Le petit bonhomme a deux ans et demi quand vient le rendez-vous.

Dans la salle d’attente, il y avait un poster en images expliquant comment détecter l’autisme. J’y ai retrouvé mon fils. J’ai dit à ma femme : je crois qu’on est à la bonne adresse.

Georgio Loiseau se bat pour la scolarisation des enfants autistes âgés de six ans et plus. (©TG/La Dépêche de Louviers)

Scolarisation des enfants autistes

Pour Georgio Loiseau, c’était le choc.

Je suis parti en sucette. Il ne fallait plus me parler. Je suis resté hagard pendant quatre à six mois.

Mais son épouse ne perd pas de temps pour se mettre en contact avec une maman d’enfant autiste, par l’entremise d’une infirmière. « Alors, cette maman m’a ouvert les yeux. » Petit lecteur à la base, il engloutit presque un livre sur l’autisme tous les jours et se tourne progressivement vers le milieu associatif. Il crée d’ailleurs une antenne euroise de Réseau Bulle. Il y cesse toute fonction en octobre 2015 pour fonder L’Oiseau bleu.

L’un des principaux chevaux de bataille de Georgio Loiseau, c’est la scolarisation à partir de six ans. À chaque rentrée, le président de L’Oiseau bleu est obligé de débloquer un grand nombre de situations, dont celle d’Elyes, car les enfants autistes manquent cruellement d’auxiliaires de vie scolaire (AVS). Son objectif est d’ouvrir en septembre 2018 une classe adaptée au handicap à l’école de Poses, avec le soutien du maire Didier Piednoël entre autres. Il trouve également une oreille attentive auprès de Richard Jacquet, le maire de Pont-de-l’Arche.

Il a frappé à de nombreuses portes pour faire financer ce projet, qu’il a étudié de fond en comble depuis plus de quatre ans et qu’il a estimé. Une pointe d’amertume dans la voix, il ironise :

Le budget est de 110 000 € par an avec le médico-social. Avec ça, les parents peuvent reprendre une activité professionnelle normale. J’ai écrit au président de la République, au Premier ministre, au secrétaire d’État chargé du handicap, à Sébastien Lecornu… Personne ne m’a répondu. J’ai écrit au président de Région, Hervé Morin, son cabinet m’a envoyé un courrier m’expliquant comment me passer de son aide.

La Vague bleue de dimanche lui donnant des ailes, l’association L’Oiseau bleu va rapidement passer à la vitesse supérieure. « Une grosse campagne de comm » se prépare pour collecter des fonds.

La Vague bleue m’a confirmé ce que j’imaginais : à tous, on peut tout.

La Dépêche - Louviers
24 octobre 2017

Comment le Dr Constant a obtenu son permis de conduire

Blog : Le blog de Jean Vinçot

Le Dr Jacques Constant a publié "Le permis de conduire en pays autiste". Comment y est-il arrivé malgré sa formation psychanalytique ? Sources internes et externes.

J'ai assisté à des conférences du Dr Jacques Constant, je l'ai entendu parler du permis de conduire en pays autiste.

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Il expliquait notamment que la compréhension de l'autisme provenait des expressions des personnes autistes dites de "haut niveau de fonctionnement", de l'utilisation sur le terrain (donc avec des enfants autistes en hôpitaux de jour) des informations apportées par elles et du constat que çà fonctionne.

Les hasards du rangement font retrouver une autre source, celle des infirmières psychiatriques qui sont allées aux USA. Même dans le milieu de la "psychiatrie institutionnelle", les chefs de service pourraient avoir du mal à reconnaitre cet apport ?

(pdf, 1.4 MB)

Extraits de la conclusion  :

Dans mon expérience, lorsque j'entends les éducatrices, il me semble qu'elles apportent un matériel que l'on peut interpréter selon des modèles cognitivistes (comme Bruner le propose dans l'ontogenèse du langage), ou selon des modèles psychodynamiques (comme Bion l'évoque dans sa conception de la naissance de la personne).

Mais, peut-être m'apportent-elles ce matériel parce qu'elles me sentent inquiet sur ma passerelle, entre deux théories, et qu'elles ont besoin de se sentir reliées à leurs collègues et de cesser d'être traitées en pestiférées conditionneuses !

Pour conclure, je leur laisserai la parole (notes prises au cours de réunions) : «Claude, je ne l'ai pas assez dans la tête... Colas, l'autre jour, franchement, il m'a pris le chou... Yann, il est toujours chiatique, mais il a un côté plus vivant dans son chiatique... J'ai senti quelque chose à lui... Damien, c'est comme ils disent dans les stages, le T.I. ça l'aide à gérer sa frustration... Yann, c'est pas pareil, ça l'aide à dépasser les situations angoissantes et Claude, lui, ça lui permet de développer le langage... Quand Yann me demande : «qui commande le soleil ? » ou qu'il médit : «c'est long, une vie...» et «c'est drôle, les cercueils...», ma formation Teacch ne me sert plus à rien...».

Plus de 15 ans après cet article, le Dr Constant ne pouvait s'empêcher de conclure une description d'un objectif réussi - en utilisant typiquement l'ABA - par un recours à l'inconscient. On ne pouvait savoir si c'était une blague (le comportement du jeune adulte autiste étant tout à fait rationnellement explicable).

La deuxième source étant des personnes autistes généralement appelées Asperger, vous pouvez y avoir accès en ligne avec la discussion déjà ancienne avec Stéf Bonnot-Briey : On ne peut pas parler de nous sans nous... (L'information psychiatrique - 2009)

Celle-ci est actuellement salariée d'AFG Autisme, association qui gère des établissements et services.

Les CRA (centres de ressources autisme) emploient actuellement des personnes autistes, dans une proportion sans doute supérieure à ce qu'ils représentent dans la population. Et ce n'était pas évident il y a 10 ans (je m'autocensure).

Dans son rapport sur l'emploi, Josef Schovanec propose, dans la liste des 10 métiers à développer pour les personnes autistes, celui des rapports avec les personnes autistes.

Monica Zilbovicius s'est aussi appuyée sur des personnes Asperger dans ses travaux. Certaines recherches sont plus faciles chez des personnes autistes adultes de "haut" niveau de fonctionnement : voir aussi les recherches de Nouchine Hadjikhani sur le bumétanide. Dans le cadre de la préparation du 4ème plan autisme, les "auto-représentants" contribuent, et apportent une expertise importante, utile au-delà de leurs caractéristiques personnelles.

Même avec une formation psychanalytique, il se trouve des professionnels qui sauront tirer des conclusions de l'expérience et des témoignages.

Ils signeront malheureusement parfois des pétitions avec d'autres dans leur milieu, qui sont dans une logique d'autodéfense corporatiste (pédopsychiatrie) en agressant les associations de personnes concernées ("trio" Cohen, Golse, Delion, Hochmann). Mais nul n'est parfait.

28 octobre 2017

Mortalité précoce des personnes autistes

27 oct. 2017

Par
Cet article d'Amélie Tsaag Varlen fait le point sur cette question, notamment du fait du suicide et de l'épilepsie, ce qui se traduit par une réduction de l'espérance de vie. Dans son article, elle formule des propositions pour une société plus inclusive.

Données-clé :

  • 17 ans de réduction d'espérance de vie en moyenne ; 30 ans chez les personnes non-verbales ou jugées « déficitaires ».

  • Autisme + épilepsie = espérance de vie 39 ans (Hirkivoski et al. 2016).

  • Forte mortalité par maladies et attaques cardio-circulatoires

  • Suicide = première cause de mortalité précoce chez les personnes autistes « à haut niveau de fonctionnement », sous-entendu, fonctionnelles dans la société. Taux de suicide environ 9 fois supérieur à la moyenne. La discrimination est la première cause citée (Segers et Rawana 2014)

  • Pistes d'évolution proposées : renforcer l’évolution vers une société inclusive ; former les accompagnants et familles des personnes autistes concernées à la gestion de la crise d'épilepsie ; créer une boite mail et (éventuellement) une ligne téléphonique dédiée à l'écoute (sans jugement) des problèmes des personnes autistes ; améliorer l'accès aux soins somatiques ; encourager les personnes autistes à adopter un mode de vie moins sédentaire.

Il n'existe pas une étude en langue française pour fournir des clés de prévention du suicide des personnes autistes, ni de statistiques de mortalité. Ces études sont essentiellement menées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark, ces deux derniers pays figurant parmi les plus avancés en matière de société inclusive, et utilisant pleinement les classifications scientifiques internationales de l'autisme, la CIM et le DSM.

Une initiative mérite d’être soulignée, celle du Dr Djéa Saravane, qui a insisté sur l’importance d’un accès aux soins somatiques. Cette initiative est, à notre connaissance, la seule engagée en France pour tenter de réduire cette mortalité précoce.

De quoi meurent les personnes autistes ?

Les études cohorte sur le sujet, entre autres celle des Suédois Hirkivoski et al. publiée en 2016, citent :

  • Les maladies cardiaques et circulatoires (dues notamment au mode de vie sédentaire et à la détérioration des artères par l’anxiété chronique)

  • Les tentatives de suicide réussies (représentant la première cause de mortalité précoce)

  • Les crises d’épilepsie

  • Les maladies respiratoires (pneumonie, asthme)

  • Les néoplasmes (cancers)

  • Les blessures que des personnes autistes s’infligent elles-mêmes, en particulier à la tête.

 © adaptation de Spectrum News © adaptation de Spectrum News

Personne ne « meurt de l’autisme ». L’autisme, le trouble du spectre de l’autisme, le trouble envahissant du développement, le syndrome d’Asperger (catégorie en passe de disparaître des classifications internationales l'an prochain) ne sont pas des « altérations transitoires de la santé susceptibles d’une guérison », mais des conditions générant une situation de handicap plus ou moins importante, et perdurant toute une vie. Les études suggèrent que l'autisme n'est pas en lui-même une cause de mortalité (Bilder et al. 2013), en accord avec la perception de la plupart des personnes autistes.

Les causes de mortalité citées ci-dessus sont propres aux pays dans lesquels ont été menées ces études. En France, où nous détenons le triste record du plus haut taux d’enfants et d’adolescents institutionnalisés du monde occidental (108 000 personnes concernées en 2007 d’après l’étude de Eyal 2010, p.62, soit le double de la moyenne de l’Union Européenne), le nombre de morts par surdoses de neuroleptiques est sans doute très élevé. Il n’est guère besoin de chercher longtemps pour constater que des établissements de soins, même réputés, cachent pudiquement les morts par neuroleptiques ou par blessures auto-infligées sous le tapis, s’abritant derrière l’explication d’une « folie » supposée ou celle, plus légitime, d’un manque de moyens financiers. Un recueil de témoignages ainsi que d'articles de la presse française est en constitution.

Comment la mort des personnes autistes est-elle perçue ?

La mort et les tentatives de meurtres sur des personnes autistes en institution rejoignent la rubrique des « faits divers ». Dans le cas de cet adulte empoisonné par une soignante en juin 2017 pour faire accuser l’une de ses collègues (http://www.courrier-picard.fr/38035/article/2017-06-17/le-patient-autiste-t-il-ete-empoisonne ), l’article se focalise sur la rivalité entre deux femmes, et ne dit rien du « patient » victime d’une tentative d’assassinat. Sinon qu’« il ne peut rien exprimer mais refuse désormais d’ouvrir la bouche, il a la mémoire de ce traumatisme  ». Quel est son centre d’intérêt ? Quels sont ses rêves ? A peine est-il considéré comme un être humain... Comme le soulignent de nombreuses études sociologiques, plus une personne est considérée comme en situation de handicap « lourd », comme un « cas désespéré », plus sont favorisés sa déshumanisation et l'usage de violence à son encontre.

Lorsqu’en 1996, une mère infanticide fut acquittée par un tribunal français, le rapporteur de la loi Chossy eut cette phrase lapidaire : « Chacun comprendra que lorsqu’on est seul et désespéré, c’est quelquefois la mort de l’être cher qui apparaît comme la solution la plus douce ».

Au motif qu’un être humain n’use pas de parole, son droit à la vie peut être nié, son meurtre faire l’objet d’une exception judiciaire. La vision du meurtre comme « solution » est directement corrélée aux difficultés que rencontrent les parents pour faire progresser leurs enfants autistes vers l'autonomie.

Causes de suicide

Le suicide est la seconde cause de mortalité chez les personnes autistes considérées comme fonctionnelles (souvent des personnes diagnostiquées « Asperger » ou « haut niveau de fonctionnement »), après les maladies et attaques cardio-circulatoires. C'est la première cause de mortalité précoce. C’est aussi la seule qui soit plus élevée chez la population autiste vivant en société que chez les personnes moins fonctionnelles. Ce taux de suicide est environ 9 fois supérieur à la moyenne (Autistica, 2016).

En tant qu’adultes autistes vivant en France, nous apprenons régulièrement le suicide d’amis ou de connaissances, souvent au terme d’une longue série de violences et d’exclusions.

Les facteurs de suicide sont en cours d’étude, aussi, les données restent peu nombreuses. La revue de littérature scientifique effectuée par Magali Segers cite, dans l'ordre :

  • La discrimination par les pairs

  • Les problèmes de comportement

  • L’appartenance à une minorité ethnique

  • Le statut socio-économique inférieur

  • Le niveau d’éducation inférieur.

La notion de « souffrance psychique » n'est jamais évoquée dans ces études. La condition de personne autiste ne génère pas per se de « souffrance psychique », et donc d'envies suicidaires. En revanche, la discrimination régulière dont les personnes autistes sont victimes en génère. L'absence de prise en compte de la situation de handicap générée par un environnement difficile ou hostile (modèle social du handicap), qui est pourtant la réalité quotidienne des personnes autistes hors institution, est extrêmement dommageable. Ainsi, il n'est jamais précisé que le haut niveau d'anxiété sociale, considéré comme une « comorbidité de l'autisme » d'ordre psychiatrique, puisse être le résultat de ces situations de harcèlement et d'exclusion.

L'institutionnalisation préventive n'est en aucun cas une mesure de protection acceptable pour la prévention des suicides, mais plutôt une négation supplémentaire des droits fondamentaux des personnes autistes : toutes les personnes autistes consultées pour la rédaction de ce document rejettent le placement forcé en institution.

Les études déjà menées n’explorent pas les facteurs d’intersectionnalité. Par exemple, nous savons que les personnes homosexuelles, particulièrement à l’adolescence, ont entre 4 et 7 fois plus de risques de tenter de se suicider que les hétérosexuelles. On peut être autiste et homosexuel. On peut même être autiste, homosexuel, épileptique, et issu d’une minorité ethnique. Les parcours de vie des personnes se situant à l'intersection d'une pluralité de minorités doivent être étudiés et mis en lumière, ainsi que les facteurs de risque du suicide.

Les rares informations recueillies en France (Schovanec, 2017) tendent à indiquer que le risque suicidaire est le plus élevé au début de l'âge adulte. Un autre moment délicat est celui du décès des parents de la personne autiste, qui trop souvent se retrouve alors sans solution.

Pistes d'évolution

Il n'existe actuellement rien, ou presque, pour réduire la mortalité des personnes autistes, en dehors des contributions publiques du Dr Djéa Saravane. De plus, les facteurs de protection contre le suicide restent méconnus, et pourraient être très différents de ceux de la population générale. Nous préconisons cinq mesures à plus ou moins long terme, dont certaines très simples à mettre en place :

  1. Accélération de l'évolution vers une société inclusive, dans laquelle les comportements des personnes autistes seront jugés plus favorablement, réduisant de fait les situations génératrices de pensées suicidaires. Cela commence dès l’accueil scolaire, et justifie donc pleinement le rôle des assistantes de vie scolaire (AVS) qui, en sensibilisant les classes au handicap, contribuent à l'émergence de cette société inclusive.

  2. L'épilepsie devrait faire l'objet d'une attention particulière, du fait de sa fréquence (un tiers des personnes autistes) et de la possibilité de diffuser des consignes de gestion de la crise épileptique (formation pouvant être assurée, par exemple, par la Croix-Rouge). Ces gestes sont relativement simples à acquérir.

  3. Les témoignages de personnes autistes qui reviennent sur les réseaux sociaux et les forums font état soit d'un manque / d'une absence d'écoute neutre (c'est à dire sans jugement), d'une réduction à la condition d' « autiste » réduisant l'accès aux soins somatiques, et du sentiment que leurs droits fondamentaux sont bafoués (jusqu'au droit à un accès aux soins somatiques ou à un lieu public tel qu'une école, une salle de sport, ou une bibliothèque). Les situations d'exclusion des lieux publics et des soins somatiques ne devraient plus être tolérées.

  4. Création puis officialisation d'une boîte mail (et, éventuellement, d'une ligne téléphonique) dédiée à la réception des messages de personnes autistes qui rencontrent des problèmes médico-sociaux graves, associée ou non à la diffusion de conseils, permettant à la fois d'aider ces personnes et d'agir pour réduire les tentatives de suicide (TS).

  5. Encouragement auprès de personnes autistes à adopter un mode de vie moins sédentaire, et à pratiquer notamment la marche à pieds (par exemple sur le modèle de la campagne 10 000 pas par jour, qui s'adresse à tous ?), pour réduire la mortalité cardio-vasculaire. Cela ne pourra se faire que dans un environnement dont les sources de stress seront réduites au maximum. Un recensement ou une création de lieux sans surcharges sensorielles (moins de lumières vives, de bruits, etc.) est à ce titre nécessaire. Il est possible également de privilégier des marches dans des lieux calmes et sécurisants (forêts aménagées, jardins, etc).

L'écoute d'un professionnel de santé seul n'est pas suffisante. Les personnes autistes expriment et concrétisent souvent le besoin d'échanger sur leurs expériences avec d'autres personnes au vécu similaire. Le succès des forums et groupes de discussion sur les réseaux sociaux en témoigne. Cette réalité ne devrait pas leur valoir d'accusation de « communautarisme », et encore moins de la part de professionnels de la santé. Comme l'exprime la sociologue Sylvie Tissot à ce sujet : « Le discours anticommunautariste tend ainsi à réduire tout phénomène de repli ou d’entre-soi, parmi les groupes minoritaires, à une manifestation, socialement inexplicable et moralement inacceptable, de fermeture, d’asocialité, voire de racisme ! Or ces comportements peuvent tout simplement être analysés comme des manières de s’adapter ou de résister face à une situation difficile ou un déni de droit ».

Amélie Tsaag Valren

Ont relu ce document et/ou contribué à son contenu :

  • Dr Fabienne Cazalis (CNRS, EHESS)
  • Dr Julie Dachez (Université de Nantes), sociologue et personne autiste
  • Adeline Lacroix, étudiante en master de recherche en neuropsychologie et neurosciences (Université Grenoble Alpes) et personne autiste
  • Dr Josef Schovanec (EHESS), philosophe et personne autiste
  • Jean Vinçot, co-président de l'association Asperansa

Publié sous licence Creative Commons by NC-SA 3.0 FR

Sources :

  • Gil Eyal, The Autism Matrix, Polity, 2010

  • Deborah Bilder, Elizabeth L. Botts, Ken R. Smith et Richard Pimentel, « Excess Mortality and Causes of Death in Autism Spectrum Disorders: A Follow up of the 1980s Utah/UCLA Autism Epidemiologic Study », Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 43, no 5,‎ 1er mai 2013, pp. 1196–1204

  • Christopher Gillberg, Eva Billstedt, Valter Sundh et I. Carina Gillberg, « Mortality in Autism: A Prospective Longitudinal Community-Based Study », Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 40, n°3,‎ 2010, pp. 352–357

  • Tatja Hirvikoski, Ellenor Mittendorfer-Rutz, Marcus Boman et Henrik Larsson, « Premature mortality in autism spectrum disorder », The British Journal of Psychiatry, vol. 208, n° 3,‎ 2016, pp. 232–238

  • Magali Segers et Jennine Rawana, « What Do We Know About Suicidality in Autism Spectrum Disorders? A Systematic Review », Autism Research, vol. 7,‎ 2014, pp. 507–521

  • Josef Schovanec, « Rapport présenté à la Secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion sur le devenir professionnel des personnes autistes », Ministère des affaires sociales et de la santé, mars 2017

  • « Personal tragedies, public crisis : The urgent need for a national response to early death in autism » [« Tragédies personnelles, crise publique : Le besoin urgent d'une réponse nationale aux morts précoces dans l'autisme »], Londres, Autistica, mars 2016. Traduction française par M. Jean Vinçot.

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Voir aussi : Wikipedia : mortalité des personnes autistes - Soins et douleur chez les personnes autistes - Djéa Saravane   -  Interview du Dr Djéa Saravane - Une grande étude suédoise relie l’autisme aux décès prématurés - Les personnes autistes meurent trop tôt

20 octobre 2017

Quatre mois après la grève de la faim, toujours pas de solution pour Romain

article publié dans Faire-Face

Quatre mois après la grève de la faim, toujours pas de solution pour Romain
Élisabeth Chaves ici entourée de ses deux enfants autistes, demande que Romain (à gauche) puisse être accueilli dans un établissement adapté à ses besoins.
Publié le 20 octobre 2017

En juin 2017, Élisabeth Chaves avait obtenu du secrétariat d’État chargé des personnes handicapées la promesse d’une solution d’accueil pour son fils autiste. Quatre mois plus tard, Romain n’a toujours pas de place. Le Collectif Émilie alerte.

La fin de l’errance est-elle proche pour Romain Fischer, un adolescent autiste âgé de 16 ans ? Karine Héguy veut le croire. « Deux instituts médico-éducatifs vont examiner son dossier, explique la cofondatrice du Collectif Émilie, ce collectif d’aide aux familles d’enfants handicapés qui accompagne dans ses démarches Élisabeth Chaves, la maman de Romain. C’est l’un des conseillers de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées qui nous l’a annoncé. Il était présent lors du rendez-vous que nous a accordé l’adjoint au Défenseur des droits, Patrick Gohet, lundi 16 octobre. »

En hôpital psychiatrique sous « camisole chimique »

Le parcours de Romain est emblématique des nombreux enfants autistes mal pris en charge. Son autisme n’ayant pas été correctement diagnostiqué, il a été interné en hôpital psychiatrique, « camisole chimique » à la clé. Il a ensuite été accueilli dans un institut médico-éducatif (IME) avant d’en être exclu, en février 2016, parce qu’il s’était montré violent. Les effets secondaires d’un traitement médicamenteux inadapté avait aggravé son agressivité, explique la psychiatre qui le suit aujourd’hui. Depuis, il passe ses journées chez sa mère ou chez ses grands-parents.

« Une solution de “gardiennage” »

En juin 2017, Élisabeth Chaves avait entamé une grève de la faim avec deux autres militantes du collectif Émilie. Elles demandaient une réponse concrète et immédiate pour cinq dossiers. Elles avaient stoppé leur mouvement après avoir obtenu l’assurance du secrétariat d’État chargé des personnes handicapées qu’une solution serait apportée. Mais depuis, Romain n’a toujours pas de place.

Certes, sept heures d’aide humaine lui ont été accordées au titre de la PCH. Ce qui permet de soulager sa mère et ses grands-parents. « Mais cette solution n’est pas satisfaisante à long terme car Romain n’est pas stimulé. C’est une solution de “gardiennage” », souligne Karine Héguy.

Un établissement adapté à ses besoins

Alors, pourquoi ce blocage ? « La Maison départementale des personnes handicapées du Val-de-Marne préconise un placement psychiatrique, en hôpital de jour, sur la base du rapport d’un médecin. Ce que refuse sa mère, attestation médicale à l’appui d’un autre psychiatre, explique Karine Héguy. Il faut qu’il aille dans un institut médico-éducatif adapté à ses besoins. Là, il pourra progresser. » Le manque de place en IME, notamment pour les jeunes autistes, n’arrange rien.

« Il faut éviter un drame. »

« Élisabeth Chaves est épuisée, poursuit-elle. Nous sommes inquiets pour cette famille. Nous ne demandons pas de traitement de faveur pour elle mais que cette situation particulière soit prise en compte. Il faut parfois mettre de l’huile dans les rouages pour éviter un drame. »

Le collectif Émilie a d’ailleurs été créé en 2016 en réaction au suicide d’une mère de deux enfants handicapés. Suite à un imbroglio administratif, Émilie Loridan s’est retrouvée privée d’une partie de ses ressources. Franck Seuret

10 novembre 2017

Une maman face aux juges pour défaut de soin

Résumé : Une maman est convoquée devant la justice pour défaut de soin. Son tort : avoir choisi un suivi en libéral plus adapté à sa fillette handicapée plutôt qu'en CMPEA. Un collectif dénonce un acharnement incompréhensible.

Par , le 09-11-2017

« Défaut de soin » sur deux enfants handicapés ? Pour ce motif, une maman est convoquée devant la justice. Emmanuelle G. doit se présenter le 11 décembre 2017 devant le tribunal pour enfants d'Albi (Tarn). En présence de Louane, une fillette de 8 ans avec un trouble des apprentissages et un retard mental, et Emilien,11 ans, en cours de diagnostic, probablement dys.

Devant la justice

L'affaire dure depuis des mois. La justice évoque le fait que des « informations préoccupantes » ont été diligentées, notamment par l'école de Gaillac où la fillette est scolarisée à l'encontre de la famille au motif d'un suivi médical inadapté. Puis confirmée par le président du conseil départemental. On reproche en effet à cette maman d'avoir cessé la prise en charge de sa fille au sein du CMPEA (Centre médico-psychologique pour enfants et adolescents) de Gaillac pour la faire suivre en libéral. Et de « ne pas avoir tenu les services sociaux informés alors qu'elle s'y était engagée », selon le courrier du département.

CMPEA contre libéral

Face au manque de progrès de Louane, la famille avait en effet pris le parti de consulter une neuropédiatre qui a posé un diagnostic avec des préconisations thérapeutiques plus intenses et adaptées. Selon elle, le suivi au sein d'un CMPEA ne convenait plus puisque la fillette a des troubles cognitif et neurologique et non psychiatriques. D'autant que la prise en charge dans ce centre se résumait à une séance de psychomotricité par semaine alors que celle en libéral comprend une séance d'orthophoniste, une de psychomotricité et une avec psychologue, ainsi qu'un suivi annuel chez un neuropédiatre spécialisé en trouble des apprentissages. Les soins sont assumés par la famille sans aucune aide.

Pas de dialogue avec l'école

Dès mars 2017, la prise en charge en libéral est connue par l'école (elle est notée sur le compte-rendu de l'Equipe de suivi de scolarisation), qui n'apporte pourtant aucune réponse probante. « Comment la directrice de l'établissement qui est à l'origine du signalement peut-elle insister pour un suivi par le CMPEA alors qu'elle n'a aucune compétence en la matière ? », explique le Collectif Emilie, association qui soutient la jeune femme, selon elle « poussée à bout ». « Nous avons tenté de dialoguer avec elle mais la communication semble très difficile, poursuit Karine Héguy, sa présidente. Nous n'insistons pas. » La famille, considérant que Louane est en souffrance au sein de cette école, réclame un changement d'affectation, même si elle dit redouter les « suites éventuelles »... Une orientation en ULIS (classe adaptée) est préconisée par la CDAPH mais tarde à se mettre en place faute de disponibilité.

Une place en Ulis

Le 8 novembre 2017, une réunion ESS (équipe de suivi des élèves handicapés) se réunit au sein de l'école de Louane. L'orthophoniste et la psychomotricienne peuvent alors attester que le suivi médical et paramédical de la fillette est en place. L'intervention de l'IEN ASH (inspecteur Éducation nationale en charge des questions de handicap) du Tarn permet de dégager une solution d'urgence pour qu'elle puisse être admise en ULIS (classe adaptée) et retrouver ainsi une « ambiance bienveillante autour d'elle », selon Karine. À la faveur de cette mobilisation, y compris du département pour assurer le transport spécialisé, Louane fera donc sa rentrée le 13 novembre à Gaillac. Par ailleurs, concernant son frère aîné, Émilien, la MDPH du Tarn annonce que son dossier d'AVS, déposé en avril 2017, a obtenu l'accord de l'EPE (Équipe pluridisciplinaire d'évaluation) et sera validé fin novembre en CDAPH. Ce délai de traitement du dossier MDPH, dans le cadre d'un simple renouvellement, était également reproché à la famille…

Tous avertis

La procédure judiciaire, qualifiée « d'injuste » par le Collectif Emilie, poursuit néanmoins son cours... « Comment le « défaut de soins » peut-il être invoqué alors que la maman produit tous les documents qui attestent que ses enfants sont bien suivis en libéral ? »  Le collectif assure avoir déployé tous les moyens à sa disposition. Des lettres ont été adressées, notamment, au secrétariat d'État en charge du handicap. Les services de Sophie Cluzel ont alors rédigé un courrier à l'attention du Défenseur des droits et de l'ARS Occitanie. « Toutefois une intervention urgente de l'État nous semble indispensable au sein du département tarnais, insiste Karine Héguy. L'État de droit doit être le même pour tous et sur tout le territoire national. »

Trop de parents sous pression

« L'erreur est possible et pardonnable, encore faut-il la reconnaître et éviter de la reproduire », poursuit-elle. Son collectif milite et s'engage auprès de très nombreux parents pour éviter les drames qui surviennent à la faveur de situations administratives complexes imposées aux familles d'enfants handicapés en France. Elle déplore le fait que le cas d'Emmanuelle n'est pas unique… « D'autres familles sont victimes de ce genre de pressions. Cela pose la question du respect du libre choix du praticien, et de l'influence des structures médico-sociales (association type loi 1901) sur les services de l'État (collectivités territoriales particulièrement) », conclut-elle. Le collectif dégaine sa dernière « arme » face à ce qu'elle qualifie d'« acharnement » : la médiatisation de cette affaire…

 

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Commentaires

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Le 10-11-2017 par Thesabile :
Ce genre d'affaire est récurrent ! Une orientation vers un CMP, service de pédo-psychiatrie, ne peut être décidée ou maintenue que par un médecin. Et pourtant, beaucoup d'enseignants s'octroient ce droit en reprochant aux parents d'arrêter les "soins" dispensés en CMP alors même qu'ils ont mis en place une prise en charge conforme aux recommandations de la HAS à leurs frais.
L'IGAS a souligné un taux alarmant de signalements abusifs, et l'EN est le principal pourvoyeur d'IP. Les écoles ignorent qu'une IP ne sert qu'à alerter d'un danger pour l'enfant, et s'en servent comme pression sur des parents récalcitrants.
Le plan autisme 3 comportait un volet de lutte contre ces méthodes agressives et destructrices contre des familles déjà éprouvées. L'EN, très concernée, était, hélas, absente du groupe de travail,
Il faut que ce nouveau gouvernement prenne la suite, de toute urgence !

20 novembre 2017

Des milliers d’enfants handicapés toujours en attente de scolarisation

article publié dans 20 Minutes

Scolarité Plus de 5.000 enfants handicapés ne peuvent toujours pas aller à l'école. En cause: le manque de formation et d'AVS...

Lise Garnier

Publié le 16/11/17 à 07h05 — Mis à jour le 16/11/17 à 07h05

Le statut précaire des AVS rend difficile l'accompagnement des enfants handicapés dans leur scolarité.

Le statut précaire des AVS rend difficile l'accompagnement des enfants handicapés dans leur scolarité. — F. Durand/SIPA

Ils étaient 3 500 en septembre en attente d’un Auxiliaire de vie scolaire (AVS), selon le Collectif citoyen handicap (CCH). Un chiffre confirmé par le gouvernement. Quelques semaines plus tard, les chiffres augmentent et «près de 5 200 enfants en situation de handicap ne peuvent toujours pas aller à l’école», annonce Jean-Luc Duval, président du CCH. La raison ? Le manque d’Auxiliaires de vie scolaire (AVS) mais pas que…

Un statut précaire

Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a créé 8.000 emplois d’AVS à temps plein cette année. Une action insuffisante pour Mathieu Brabant, syndicaliste CGT en charge des AVS, «car l’emploi précaire conduit à un mauvais suivi des enfants». Contractuels de l’Education nationale, certains AVS sont d’abord en contrat aidé pendant 24 mois avant de pouvoir prétendre à un CDD pour une durée maximum de 6 ans.

Le manque de perspective «et le salaire de 683 euros par mois en contrat aidé à temps partiel n’aident pas les candidats à l’emploi à emprunter cette voie», remarque Jean-Luc Duval. Et pour conséquence: «A Paris, un enfant handicapé sur deux n’a pas d’auxiliaire de vie scolaire», déclare-t-il. Pour Mathieu Brabant, dans cette histoire tout le monde souffre: «L’enfant et ses parents qui se sentent rejetés et les enseignants qui ne peuvent pas gérer les élèves sans la présence d’un AVS.» Ainsi, certains directeurs refusent les enfants handicapés sans accompagnateur.co

Et un problème de formation

Face à ce constat, la CGT appelle l’Etat «à investir pour titulariser les AVS et à embaucher du personnel mieux formé plutôt que de faire du bricolage». En réponse, le gouvernement d’Edouard Philippe a prévu de diminuer le nombre de contrats aidés d’ici 2018. Les associations craignent que ces emplois soient remplacés par des services civiques d’une durée de 9 mois.

«Le statut des AVS n’est pas le seul problème» pour Jean-Louis Garcia, président de l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH). Selon lui, il faut élargir le problème: «Les professeurs ne sont pas formés pour encadrer les enfants et le handicap est encore stigmatisé aujourd’hui.» Si le chemin reste long, le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les écoles ordinaires augmente chaque année.

23 novembre 2017

Handicap : Il faut financer moins de murs et plus l'accueil, estime la secrétaire d'État Sophie Cluzel

article publié dans La Montagne

Il faut financer moins de murs et plus l'accueil, estime la secrétaire d'État Sophie Cluzel
Sophie Cluzel,  secrétaire d’État auprès du premier ministre, chargée des Personnes handicapées (Paris Novembre, 2017. / AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN) © STEPHANE DE SAKUTIN

Décloisonner les moyens accordés à l’accompagnement du handicap, mais former à l’accueil pour donner plus de fluidité aux parcours individuels : c’est le projet que la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées Sophie Cluzel vient partager à Clermont-Ferrand.

Elle est attendue ce mercredi, en ouverture du congrès national de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) qui verra passer trois autres ministres (1).

La Montagne. Le président Macron avait fait campagne sur le thème du handicap. Aujourd’hui, c’est la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées qui vient ouvrir un congrès auquel sont attendues les ministres de la Santé, des Sports et de l’Enseignement supérieur. Quel est le message ?

Sophie Cluzel. Ma venue s’inscrit sur un projet sport-santé qui correspond exactement à la feuille de route de ce gouvernement. La Fehap est un des acteurs majeurs de l’offre sociale et médico-sociale avec un grand nombre d’établissements impliqués dans le parcours de vie de la personne handicapée.

C’est un partenaire indispensable. Ce colloque participe d’une société inclusive qui porte le message auquel je tiens: tout enfant handicapé, comme tout adulte handicapé, est un enfant ou un adulte avant tout, faisant partie de la cité avec son droit à l’éducation, au sport, à la musique…

" Mon objectif, c’est que les personnes handicapées, où qu’elles soient, aient accès au droit commun."

Les associations estiment qu’il reste environ 20.000 enfants handicapés non scolarisés en France : y a-t-il des territoires qui réussissent mieux que d’autres sur l'école inclusive ?

S.C. Historiquement, l’Auvergne est un territoire qui sait travailler avec différents acteurs sur le handicap. L'Agence régionale de santé (ARS) et l’Éducation nationale, notamment, ont depuis longtemps travaillé sur des conventions d’objectifs qui permettent d’accompagner les enfants hors des établissements médico-sociaux… C’est cette démarche, innovante, très participative et partenariale qu’il m’intéresse de mettre en lumière.

Les objectifs sont très variables d’une région à l’autre, mais ici, nous avons un vrai partenariat pour l’accompagnement vers le milieu ordinaire. En application de ma feuille de route, je trouvais intéressant de venir sur ce territoire innovant.

La mise en application du décret de mars 2017 (permettant aux médecins à prescrire une activité physique) ne devrait-elle pas porter une attention particulière aux personnes handicapées sachant que : 1. l’accès aux soins leur est souvent plus difficile et, 2. l’accès aux activités physiques l‘est encore plus ?

S.C. Mon objectif, c’est que les personnes handicapées, où qu’elles soient, aient accès au droit commun.

Nous avons des fédérations sportives qui se sont spécialisées dans l’approche d’un handicap et qui peuvent venir en appui - ou ressource - des sports de droit commun. Elles vont irriguer la politique de formation des personnels pour un meilleur accueil en milieu ordinaire.

Toutes les actions en région Auvergne-Rhône-Alpes (AGEFIPH)

L’accueil de certains handicaps, notamment quand ils impliquent des troubles cognitifs ou du comportement, reste néanmoins très difficile à faire avancer…

S.C. Ce qui m’anime, c’est vraiment mettre en lumière tout ce qui se passe pour que l’on développe l’accès au sport de droit commun.

Et c’est aussi ce qui anime les ministres des Sports et de la Santé qui participent à ce congrès. On est tous sur la même longueur d’onde : ce que l’on veut, ce n’est pas développer des structures spécifiques, mais développer dans la pratique de droit commun l’accès au sport, à l’éducation, à la culture.

"[...] Décloisonner les financements pour permettre une fluidité des parcours."

Comment y parvient-on ?

S.C. Il faut déjà lever l’autocensure que les personnes elles-mêmes s’appliquent, par exemple en n’allant pas dans les structures de droit commun ou en se disant que ce ne sera pas possible…

Nous avons ce message à faire passer : “vous avez le droit de faire du sport et nous sommes là pour vous aider quand il y a des adaptations à faire, ou quand il s’agit de former à la différence”…

Il y a des dispositifs d’appui. Par exemple le Dispositif d’accompagnement du handicap vers les loisirs intégrés et réguliers (Dahlir) que je vais rencontrer à Clermont. On a besoin de ces maillons qui viennent en appui… Des réseaux comme cela, il en existebeaucoup.

Sur l’Auvergne, la Direction de la cohésion sociale est venue en appui des associations qui avaient envie de développer ces dispositifs, et c’est ça le changement de parti pris…

Cessons de faire des dispositifs à part et mettons ceux qui existent au service de l’accueil du handicap en milieu ordinaire !

Quatre choses à savoir sur l'emploi et le handicap dans le Puy-de-Dôme (08/11/2017)

Mais quels moyens humains et financiers en face ?

S.C. La politique handicap est assez importante, aujourd’hui, en termes financiers en France. Par contre, elle n’est pas assez suffisamment efficiente… Donc ce qui est de notre ressort et de notre responsabilité, c’est de décloisonner les financements pour permettre une fluidité des parcours. Aujourd’hui, il faut que l’on aide les professionnels des établissements médico-sociaux à sortir de leurs établissements pour accompagner le choix de vie de la personne…

L’objectif de ma mission, ce n’est pas « plus de moyens », c’est des « moyens positionnés différemment », avec un déplacement du centre de gravité… C’est donner des instructions aux Agences régionales de développement pour ne plus autoriser un Sessad (2) qui ne soit pas bâti au sein des groupes scolaires, pour que des Esat (3) ne soient plus autorisés s’ils ne sont pas accolés à une entreprise…

C’est certainement, aussi, faire monter en qualification certaines professions… Mais c’est, surtout, décloisonner totalement les financements.

A moyens égaux, nous allons donc faire mieux : alors que l’individualisation des projets va démultiplier les demandes d’accueil ?

S.C. Oui, tout à fait ! Parce que l’on travaille à développer l’autonomie de la personne. Donc on travaille à la formation de personnes ressources, “d’autonomiseurs”…

Il faut faire tomber cette fausse représentation d’une personne qui parce qu’elle est handicapée aurait besoin en permanence qu’on lui tienne la main. Ce qu’elle souhaite, c’est d’être accueillie correctement, d’avoir des adaptations (techniques, technologiques…) C’est ça l’accessibilité universelle vers laquelle on travaille.

Il faut faire tomber cette fausse représentation d’une personne qui parce qu’elle est handicapée aurait besoin en permanence qu’on lui tienne la main.

Des pistes ?

S.C. Arrêter de financer, par exemple, des murs qui coûtent très cher, et financer des services d’accompagnement. C’est pour ça que, lorsque l’on a des initiatives très intéressantes - comme celles que la Fehap peut montrer, comme celle que l’ARS et le Rectorat ont mis en place - cela permet de faire la preuve par l’exemple.

Anne Bourges
anne.bourges@centrefrance.com

 (1) La Fehap attend, jeudi 23 novembre : Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé (à la pharmacie du Parc de Pont-du-Château à 8h30, puis en clôture du congrès de 11h45 à 13 heures), Laura Flessel, ministre des Sport (au Centre départemental multisports et handisports de Pont-du-Château, puis au congrès, et enfin à l’antenne Staps de l’université de Clermont-Auvergne), Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (en clôture du congrès puis au Staps).

(2) Service d’éducation spéciale et de soins à domicile.

(3) Établissements et services d’aide par le travail.

25 novembre 2017

Justice : 100 000 € pour la famille d’un enfant handicapé resté cinq ans sans prise en charge

article publié dans Faire-face

Justice : 100 000 € pour la famille d’un enfant handicapé resté cinq ans sans prise en charge
Les IME français avaient refusé d'admettre l'enfant, par manque de place. « Cette situation révèle une carence de l’État et donc une faute », note le tribunal.


Publié le 24 novembre 2017

En septembre 2012, la MDPH du Val-d’Oise orientait un enfant autiste en établissement spécialisé. Mais, en France, aucun n’avait de place et sa mère n’a pas accepté qu’il aille en Belgique. L’État vient d’être condamné à verser 100 000 € d’indemnisation.

L’addition judiciaire s’allonge pour l’État. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l’a condamné à indemniser à hauteur de 100 000 € un enfant autiste et sa mère, Mme E. Son fils, A. n’a en effet pas bénéficié d’une prise en charge adaptée à ses besoins. La responsabilité de l’État est engagée, selon le juge. Faire-face.fr vient de prendre connaissance du jugement rendu le 12 octobre. Il s’ajoute aux nombreux autres rendus précédemment (voir encadré ci-dessous).

« Une carence de l’État et donc une faute. »

En septembre 2012, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Val-d’Oise avait estimé que l’état de santé de A. nécessitait une prise en charge médico-sociale au sein d’un institut médico-éducatif (IME) jusque fin août 2017.

La CDAPH avait invité sa mère à contacter différents instituts dont deux situés en Belgique. Les IME français avait refusé d’admettre l’enfant, par manque de place. « Cette situation révèle une carence de l’État et donc une faute », note le tribunal.

En 2015, plus de 6 800 Français handicapés étaient accueillis en Belgique : 1 451 enfants et 5 400 adultes.

Le droit de refuser un placement en Belgique…

Pour sa défense, l’Agence régionale de santé (ARS) avait fait valoir qu’il aurait pu être accueilli en Belgique. Mais que les tentatives « avaient échoué ou n’avaient pu être conduites à leur terme en raison essentiellement des décisions changeantes » de sa mère.

« Cette circonstance ne saurait en aucun cas exonérer l’État de sa responsabilité », précise le jugement. En effet, si la CDAPH propose des adresses en Belgique, c’est parce qu’il n’y a pas assez de places en France. Les propositions de placement à l’étranger « révèlent une carence de l’État dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que A. bénéficie effectivement d’une prise en charge pluridisciplinaire en France ». L’État est donc en faute.

… et une dans un établissement inadapté

Certes, A. a bénéficié d’un placement temporaire de mai 2013 à décembre 2013, date à partir de laquelle Mme E. a décidé d’y mettre fin unilatéralement. Mais « ce placement n’était que temporaire et ne répondait pas par conséquent aux préconisations de la décision [de la CDAPH]. De plus, cet « établissement n’était pas destiné à accueillir des enfants atteints de troubles autistiques ».

L’indemnisation coûte moins cher qu’une place

« La carence fautive de l’État a fait perdre à A. une chance de voir son état de santé s’améliorer », souligne le tribunal. Il évalue ce préjudice à 62 500 €. À cela s’ajoute le préjudice moral de Mme E. et les troubles dans les conditions de son existence, estimés à 37 500 €.

100 000 € au total… soit trois fois le prix annuel moyen (32 000 €) d’une place sans internat dans un établissement pour jeunes autistes. Ou moins de deux fois celui d’une place avec internat (55 000 €). Autrement dit, indemniser la famille pour ces cinq années de carence revient moins cher à l’État que de financer une place pendant cinq ans. Franck Seuret

D’autres décisions de justice condamnant l’État

En novembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné l’État à indemniser le préjudice moral d’un enfant resté cinq mois sans AVS et à rembourser les frais que ses parents avaient engagé.

En octobre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’État à verser une indemnisation de plus de 30 000 €  à la famille d’un enfant autiste privé, pendant quinze mois, d’un accompagnement adapté par un Sessad.

En septembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a enjoint à la rectrice de l’Académie de Créteil d’affecter un jeune autiste, en Ulis, conformément à la décison de la MDPH.

En juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’État à indemniser une jeune fille autiste et ses parents pour n’avoir pas mis en œuvre les décisions de la MDPH : pas d’auxiliaire de vie scolaire ni de place en Sessad.

En avril 2015, le Tribunal administratif de Poitiers a condamné l’État à indemniser une jeune fille handicapée et ses parents parce qu’il ne lui avait pas octroyé une place en Sessad.

Le 15 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a statué en faveur de sept familles d’enfants en situation de handicap. Pour deux d’entre elles, en raison de l’éloignement de leur enfant accueilli en Belgique. Pour les autres, en raison d’une «  absence  » ou d’une «  insuffisance de prise en charge  », en France.

23 septembre 2017

Autisme : où sont les AVS promis par Macron ?

Grenoble (Isère), lundi. Clément, 10 ans, ici avec Françoise, sa maman, qui va débourser 600 € par mois pour un AVS privé, faute de l’aide promise par l’Etat.

DR

Officiellement, 2 % des enfants sont privés d'un accompagnant — un auxiliaire de vie scolaire — dans leur classe. Bien plus selon les associations. Des familles s'inquiètent.

23 septembre 2017, 6h00 | MAJ : 23 septembre 2017, 10h19

Aucun enfant ayant besoin d'un accompagnant « ne sera laissé sur le bord du chemin ». La promesse, formulée par Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, a été faite juste avant la rentrée. Trois semaines plus tard, ce sont pourtant des parents désemparés que nous avons rencontrés. Car l'AVS (auxiliaire de vie scolaire) accordé par les institutions, qui doit aider l'enfant dans son apprentissage et sa socialisation à l'école, n'a finalement pas été recruté ou encore attribué.

Officiellement, cela ne toucherait « que » 2 % des 164 000 enfants concernés. Mais selon une étude réalisée par quatre associations, dont Autisme France, la réalité est tout autre. Presque un tiers des parents qui y ont répondu (503 sur 1 668) n'ont pas vu l'ombre de l'AVS pour leur écolier, malgré une notification, notamment dans l'Isère, la Haute-Garonne, les Bouches-du-Rhône, le Nord. « Même si nos chiffres ne sont pas directement extrapolables, nous estimons que 10 000 à 30 000 élèves handicapés sont privés d'AVS », assurent les associations. Certains sont privés de scolarisation. Pour les autres, elle rime avec mauvaises conditions. Car l'AVS, c'est « la clé de voûte, la béquille nécessaire à l'enfant. Il le stimule, lui réexplique les consignes, fait valoir ses droits », explique Olivia Cattan, la présidente de SOS Autisme France.

Les parents d'enfants autistes qui témoignent, même s'ils ont parfois trouvé des solutions, en appellent à un « véritable sursaut de l'Etat », alors que s'ouvre la concertation du 4e plan autisme. Il est grand temps, disent-ils, qu'une « prise de conscience sur la scolarisation » ait lieu.

Enquête en ligne réalisée du 4 au 12 septembre par Autisme France, Toupi, Info Droit handicap, Egalited auprès de 1 668 personnes.

La chance de Raphaël

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Elysée (Paris VIIIe), dimanche. Raphaël a rencontré Emmanuel Macron lors des Journées du patrimoine. Depuis… il a obtenu une AVS - DR

« Monsieur le Président, Monsieur le président ! » Entendant Raphaël scander son nom, Emmanuel Macron a fait demi-tour pour le rejoindre, dimanche, lors des Journées du patrimoine. Le petit garçon autiste de 11 ans voulait un selfie. Un moment inespéré pour ses parents qui ont pu interpeller le président. « On lui a expliqué que notre fils n'a pas eu l'AVS qui lui avait été accordé. Que l'école ne pourrait pas le garder indéfiniment ainsi. Il a posé beaucoup de questions et nous a dit qu'il ne nous abandonnerait pas... » raconte Maureen, 36 ans, la maman de Raphaël.

Scolarisé à Paris (XIIIe) dans un établissement privé, le garçon s'est retrouvé sans auxiliaire de vie scolaire pour l'accompagner durant sa 6e. « Seul, il n'écrit pas les mots dictés par les profs car il souffre de dyspraxie », souffle Maureen. Vendredi, la bonne nouvelle est arrivée via un mail du collège. Une AVS a été trouvée. « Notre chance et le hasard de croiser le président nous ont permis de trouver une solution, insiste Maureen. Mais je vais continuer à militer pour que chaque enfant autiste puisse être accueilli. Emmanuel Macron doit tenir ses promesses pour tous. »

Soan l'a attendue tout l'été

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Luzinay (Isère), lundi. Margo multiplie les démarches pour obtenir l’aide de vie scolaire promise à son fils, Soan - DR
 

Imprimée en couleur, la photo a trôné tout l'été dans la cuisine. Catherine, « la dame » blonde, devait aider Soan les lundis et jeudis matin. Le mail reçu par sa maman, Margo, qui a donné à Soan ses grands yeux rieurs, était clair : l'AVS serait avec lui six heures par semaine. Alors, le petit autiste de 3 ans qui a fait sa rentrée à la maternelle à Luzinay (Isère) s'était habitué à son prénom, à son visage. Mais ni Catherine ni un autre AVS ne sont venus.

« On a d'autant moins compris que l'on n'est pas habitués à ce genre de démarches, explique la jeune maman, qui ne s'est pas démotivée. A force d'appeler à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), on a fini par me rétorquer qu'il y avait eu des suppressions de postes et que Catherine avait été réaffectée à un autre enfant. Depuis, on est en stand-by malgré nos relances. »

Avec ses petites coques orthopédiques pour pallier son instabilité, Soan va tout de même à l'école. Grâce à son orthophoniste et à sa psychologue, il fait d'énormes progrès. Mais, la semaine dernière, la maîtresse a appelé Margo pour lui demander de venir chercher son Soan, en crise pour la deuxième fois. « C'est dur pour elle. Si l'AVS avait été là, elle aurait su le calmer. Pour m'occuper de Soan, je suis passée à mi-temps mais je ne peux pas quitter ainsi mon boulot. Et Soan a besoin d'être à l'école, alors on ne lâchera pas. » Contacté, le conseil départemental de l'Isère nous indique que le « dossier est en cours et en bonne voie ».

Pour Clément, un aide embauché... dans le privé !

Pour Françoise et Benoît, il paraissait loin le temps de l'hyperactivité et des problèmes de concentration de Clément. L'an passé, leur garçonnet autiste de 10 ans maniait d'ailleurs parfaitement l'indispensable ordinateur lui permettant de suivre en classe. « On s'est rendu compte que cela était beaucoup dû à l'impulsion de l'auxiliaire de vie scolaire (AVS). Depuis la rentrée, il n'écrit pas plus que quelques mots sur l'ordi. Le risque, c'est qu'il se démobilise », explique sa maman.

Fin mars, elle avait pourtant eu son « sésame », la notification officielle disant que son aîné passerait coannée de 6e avec une AVS présente dix-huit heures par semaine. Mais personne n'est venu... Pour Clément, comme pour son petit camarade qui devait avoir une aide de six heures.

Loin de « rouler sur l'or » (elle est elle-même AVS et lui cadre) la famille grenobloise a pris une décision extrême : elle vient d'embaucher par ses propres moyens un AVS pour permettre à Clément de continuer sa progression. « Cela correspond à trois quarts de ma paie et on n'a pris que onze heures », dit pudiquement Françoise, qui va débourser près de 600 € par mois. « Ce n'est pas tenable, cela ne peut être que provisoire », s'alarme-t-elle avant de glisser : « On comble une défaillance de l'Etat. On se substitue à lui... C'est fou. »

Le Parisien

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