Rapport CNCDH - Une carence statistique qui freine les politiques inclusives
"3.3.2. Une carence statistique qui freine les politiques inclusives.
Les définitions du handicap retenues par la CIDPH et la loi de 2005 ont entraîné un élargissement taxonomique du domaine du handicap et des progrès quantitatifs dans le champ de l’inclusion scolaire. Ainsi, de plus en plus d’enfants handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire. C’est une réelle avancée en matière de lutte contre les stéréotypes et les préjugés.
Ainsi, en 2015, l’Inspection générale de l’éducation nationale remarquait que « cette augmentation des effectifs est liée à des entrées nouvelles dans le champ du handicap car la loi de 2005 a permis une extension sensible du concept et du statut de jeune handicapé ». Cette augmentation des effectifs est en réalité liée à la reconnaissance de troubles divers de l’apprentissage, tels que la dyslexie ou de la dysphasie, en tant que handicaps. Cette évolution taxonomique participe statistiquement à minimiser la faible scolarisation des personnes handicapées mentales, psychiques ou neurodéveloppemental et les enfants polyhandicapés. Il faut donc demeurer prudent face à des chiffres non contextualisés.
Les progrès en matière de scolarisation des enfants handicapés sont donc à pondérer au regard de l’absence d’étude concernant plus spécifiquement les troubles neuro-développementaux et psychiques. À ce jour, la France n’a pas produit d’étude épidémiologique visant à comptabiliser les personnes souffrant de troubles du spectre de l’autisme par exemple. Notre pays est contraint de se fonder sur le taux de prévalence international estimé entre
1 et 2% pour supposer la présence d’environ 700.000 Français et Françaises autistes. Cela a des conséquences immédiates en termes de prise en charge scolaire pour les 100.000 enfants supposés. Le ministère de l’Éducation nationale n’est techniquement pas en mesure d’estimer les besoins réels en matière d’enseignants et d’enseignantes formés et d’inclure les enfants en milieu ordinaire.
Dans un avis récent portant sur l’accès à l’éducation dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire49, la CNCDH a déjà alerté sur l’urgence de garantir l’égalité des chances et le droit à l’éducation pour tous.
Dans leur grande majorité, les Français reconnaissent le besoin d’accompagnement des enfants handicapés et voient ceux-ci comme une chance pour les autres élèves ; cependant, seul 1 Français de notre panel sur 3 estime qu’ils sont bien intégrés dans le système scolaire. La très faible inclusion en milieu ordinaire des enfants porteurs de troubles psychiques ou neuro-développementaux est à la fois source d’invisibilisation de ces formes de handicap mais également ne permet pas aux personnes concernées d’exercer pleinement leurs droits. Cette double organisation du système éducatif est par ailleurs productrice de peurs infondées susceptibles de générer des préjugés et des mécanismes de rejet et de discrimination, voire de ségrégation.
L’enjeu ne repose donc pas uniquement sur l’obtention de données caractérisant les différents types de handicap. Il est nécessaire de disposer également d’informations sur les obstacles environnementaux à l’inclusion ou, au contraire, sur les bonnes pratiques à diffuser. Un second enjeu est la mise à disposition de moyens humains et financiers que nécessite l’évaluation sur le long terme de l’efficacité ou non des mesures prises sur l’évolution des préjugés et stéréotypes dans notre société."